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IMK IX. LA (M ESTION ROMAINE


(26 mars 18(10). Acta Pu IX, pari. I, vol. iii, p. 137147.

Il fallait pourtant envisager l’éventualité d’une attaque contre le reste des États de [’Église. Tant à cette fin qu’en vue de réoccuper les Romagnes, Pie IX accepta, contre le gré du cardinal Antonelli, les sug^cstions d’un prélat belge, Mgr Xavier de Mérode, et lui permit de constituer une armée. N’était-il pas téméraire de vouloir former, équiper, aguerrir, en un court délai, des troupes solides ? Le général de Lamoricière assuma cette lourde tâche.

Le danger que l’on redoutait à Rome devint subitement pressant, quand Garibaldi eut débarqué en Sicile (5 mai.1860). traversé le détroit de Messine, et culbuté les Napolitains. Le héros annonçait sa marche sur Rome et l’établissement du régime républicain à Naples. Ce plan contrecarrait les visées du Piémont. Cavour n’hésita pas à devancer Garibaldi et à pénétrer tant en Ombrie que dans les Marches, voies d’accès vers Naples. L’essentiel consistait à s’assurer de l’attitude de Napoléon III.

Quoi qu’on ait prétendu, il n’est pas sûr que l’empereur ait répondu aux émissaires de Cavour : « Bonne chance, et faites vite. » Il observa plus vraisemblablement la plus stricte réserve ; ce qui équivalait à laisser la Sardaigne libre d’agir au gré de ses intérêts. P. Matter, Cavour et l’unité italienne, t. iii, p. 374-383.

Cela suffit à Cavour. Des troubles fomentés en Ombrie et dans les Marches avec l’aide de la Société nationale lui fournirent un prétexte de rétablir l’ordre. Le 7 septembre, Cavour expédiait un ultimatum au Saint-Siège, le menaçant de la guerre s’il ne licenciait pas les troupes mercenaires qui, suivant lui, opprimaient les populations italiennes. Le 11, le cardinal Antonelli répliqua par un refus formel. N. Bianchi, Sloria documentata délia diplomazia Europea in Ilalia, t. viii, p. 340. Le 12, un mémorandum piémontais légitima l’ultimatum du 7 précédent et calma les susceptibilités de l’Europe, en assurant que les troupes royales respecteraient « scrupuleusement Rome et le territoire qui l’entoure ». Bastgen, Die rômische Frage, t. i, p. 308-311.

Les gouvernements étrangers auraient pu s’opposer aux agissements du Piémont ; Napoléon III. l’empereur de Russie et la reine d’Espagne rappelèrent seulement les ministres plénipotentiaires qui résidaient à Turin. Quant au cardinal Antonelli, il crut ou feignit de croire que la France s’opposerait à l’invasion sarde. Le général de Lamoricière, trompé par ses dépèches, perdit du temps et laissa le général Cialdini lui couper la route d’Ancône. Le 18 septembre 1860, la bataille décisive de Castelfldardo assurait le succès des Piémontais ; peu après, Ancône capitulait et l’Ombrie tombait au pouvoir du général délia Rocca. Bianchi, op. cit., t. viii, p. 341-345, 669-683 ; P. de La Gorce, Histoire du second Empire, t. iii, p. 423-428 ; G. de Pimodan, Vie du général de Pimodan, Paris, 1929, p. 298-339, avec une carte.

Un instant, Pie IX songea à se rendre à Trieste. Mais Napoléon III ayant menacé de retirer ses troupes de Rome, si le pape abandonnait sa capitale, le projet de fuite ne s’exécuta pas. P. Matter, Cavour et l’unité italienne, t. iii, p. 393.

Le Saint-Père n’était pas au bout de ses tribulations. La conférence, tenue à Varsovie en octobre, consacra le principe de non-intervention de l’Europe dans les affaires italiennes, Bianchi, op. cit., t. viii, p. 365-366 ; le 24 décembre, un décret royal annexait l’Ombrie et les Marches au Piémont.

Avant de recourir à la violence, Victor-Emmanuel avait proposé un arrangement par l’intermédiaire du théologien Stellardi, qui fut reçu en audience pontificale le 13 février 1860 : le pape lui abandonnerait le

pouvoir exécutif dans les Romagnes, l’Ombrie et les Marches, tout en se réservant le domaine souverain ; il conserverait Rome et ses alentours, mais concéderait à ses sujets les droits civils et politiques dont jouissaient les citoyens dans le royaume italien ; on lui assurerait l’indépendance et des revenus suffisants. L" questionne ronana negli anni 1860-1801, t. ii, p. 253-258.

Ces propositions n’agréèrent pas au pape qui exigea, au préalable, la restitution des Romagnes, des précisions sur la nature du domaine souverain dont on lui vantait les avantages et des garanties. Cavour n’estima point cette réponse comme une fin de non-recevoir. Le baron de Roussy, secrétaire de légation, présenta, le 28 mars 1860, aucardinal Antonelli de nouvelles lettres de Victor-Emmanuel qui reprenaient le projet de vicariat. Le comte Sclopis se transférerait à Rome et négocierait un accord, si le Saint-Père y consentait. Cf. La questione romana, t. i, p. 14-17, n. 6-12, et la lettre de Victor-Emmanuel, datée du 20 mars, dans // carteggio Cavour-Xigra, t. iii, p. 199-200.

Nonobstant le refus du Saint-Siège de conclure un compromis, Napoléon III ne désespéra pas de l’y amener. En avril 1860, d’accord avec les cours de Vienne, Madrid, Naples et Lisbonne, il offrit la garantie des puissances catholiques, à laquelle le théologien Stellardi avait fait allusion en février 1860. Il éprouva un refus péremptoire. N. Bianchi, op. cit., t. viii, p. 405-407.

Au lendemain de la bataille de Castelfldardo, Cavour, grisé par le succès et impatient de régler la question romaine, estima l’heure venue de traiter avec Pie IX que l’Autriche, à l’exemple des autres puissances catholiques, avait abandonné à son malheureux sort. Il se servit, à titre d’agent privé, du docteur Pantaleoni qui s’aboucha avec le cardinal Santucci et le P. Passaglia. Reçu par Pie IX, Santucci lui exposa certaines des idées chères à Cavour et les bases d’un accord possible qui comportaient la renonciation au pouvoir temporel, la liberté et l’indépendance de l’Église, l’abolition du placet royal, l’abandon du droit de nomination et de présentation des évêques par le pouvoir civil. Le secrétaire d’État ne se montra pas hostile à une négociation conduite par un agent officiel ou officieux du gouvernement turinois. Le P. Passaglia, mandé par Cavour le 2 février 1861, prit congé de Pie IX et du cardinal Antonelli. Son voyage ne passa pas inaperçu. On en jasa dans les milieux romains. Le Giornale di Roma démentit l’existence de pourparlers (16 février 1861). Cela n’empêcha nullement d’envoyer des instructions à Pantaleoni et à Passaglia, désignés comme négociateurs officiels (21 février). Passaglia, seul, fut reçu par Antonelli, mais il n’eut qu’à enregistrer un refus de traiter (5 avril). Voir les nombreux documents touchant les négociations que contient le recueil intitulé La questione romana negli anni 1860-1861, Bologne, 1929, 2 vol., et Bastgen, Die rômische Frage, t. ii, p. 635 sq., où se trouve une protestation du cardinal (17 octobre 1870) contre une circulaire italienne, datée du 29 août, laquelle faisait état des pourparlers de 1860-1861.

Encouragé par la publication d’une brochure, La France, Rome et l’Italie, parue au mois de février sous la signature du vicomte de la Guéronnière, Cavour réclama en pleine séance du Parlement, les 25 et 27 mars 1861, Rome pour la capitale de l’Italie. On y irait avec le consentement de la France. Les catholiques n’avaient rien à appréhender : _ le Saint-Siège jouirait de sa pleine indépendance ; bien plus, « il exercerait une action spirituelle beaucoup plus efficace lorsque, ayant renoncé au pouvoir temporel, il aurait mis le sceau à la pacification de l’Italie ». Cavour montra, les jours suivants, que les concordats n’avaient