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PIE IX. LA OUKST10N ROMAIN !.

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mettre le pape et l’empêcher de rétrograder. « Mémoires du dur de Broglie, dans Revue des Deux Mondes. t. xxvi, 1925, p. 132-136. Ainsi existaient à Rome deux partis extrêmes : l’un paralysant les efforts de Pie IX ou combattant par l’inertie ses résolu li >ns ; l’autre adoptant pour tactique de les « prendre comme des acomptes, de les louer plus qu’elles ne méritaient, de tenir pour accordé ce qui n’était pas dans les intentions du pouvoir, de s’ingénier, en somme, à lui arracher le plus de libertés possibles. Programme des libéraux exposé par Montanelli dans Memorie sull’Italiae specialmente sulla Toscana dal 1814 « P1850, Turin, 1853, p. 20(1.

Les amnistiés favorisaient les vues des révolutionnaires. Pérorant au Corso ou à la devanture des cafés, ils racontaient avec emphase les souffrances qu’ils avaient supportées durant l’exil. On les surprenait déblatérant contre les abus du régime pontifical et criant leur haine contre la tyrannie autrichienne. Mémoires du duc de Broglie, ibid., p. 131.

A Pie IX, l’agent diplomatique de la France, Rossi, ne ménageait pas les avertissements. Il l’invitait à associer les laïques à la direction des affaires de l’État. Le pontife objectait que, sa royauté ayant une origine sacerdotale, les laïques n’avaient pas qualité pour participer au gouvernement. Il préférait leur accorder des libertés civiles et se laisser arracher des concessions. Rossi répliquait que libertés et concessions, trop généreusement octroyées, constitueraient un danger pour la papauté. « Ce sont, insistait-il, des armes ; ceux à qui vous les donnerez s’en serviront pour prendre le pouvoir que vous leur refusez. Mieux vaut le leur donner tout de suite, dans la mesure que vous fixerez vousmême. » Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de mon iemps, t. viii, p. 395.

Ses avis furent enfin écoutés, en raison de l’agitation populaire qui croissait de jour en jour de façon inquiétante Le molu proprio du 14 octobre 1847 institua une Consulte d’État, c’est-à-dire un conseil de notables admis à délibérer en matière législative, financière, administrative, commerciale, industrielle, agricole, militaire, pénitentiaire, Alli del sommo pontefl.ee Pio IX, part. II, vol. i, p. 150-166 ; celui du 29 décembre établit neuf ministères. Ibid., p. 191-215.

En dépit des réformes promulguées, l’agitation grandit à Rome. Le 2 janvier 1848, le tribun transtévérin Ciceruacchio parcourut le Corso juché sur l’arrière du carrosse pontifical, haranguant la foule et faisant claquer au vent une longue banderolle sur laquelle figuraient, en caractères apparents, ces mots : « Saint-Père ! justice ; le peuple est avec vous », tandis qu’une horde de gens poussaient des cris révolutionnaires de « Mort aux jésuites ! — on les accusait de complicité avec les Autrichiens et d’être hostiles aux réformes — mort au gouverneur de Rome ! » Mémoires du duc de Broglie, dans Revue des Deux Mondes, t. xxvi, 1925, p. 399-403 ; G. Spada, Sloria délia rivoluzione di Roma e délia restaurazione del governo pontifleio, t. ii, Florence, 1869, p. 10.

Le mouvement réformiste dont Pie IX avait été l’initiateur en Italie s’était vite développé. Sous la pression de l’opinion publique, Léopold II, en Toscane, et Charles-Albert, en Piémont, s’étaient résignés, à contre-cœur, à accorder à leurs sujets des institutions similaires à celles qui avaient été créées dans les États de l’Église (mai-octobre 1847). Les libéraux et les mazziniens, encouragés par des largesses qu’ils estimaient des marques de faiblesse, réclamèrent davantage, c’est-à-dire le régime constitutionnel. Le soulèvement de Palerme (12 janvier 1848), qui s’était étendu à toute la Sicile, mit le roi de Naples dans l’obligation de l’octroyer à son peuple (10 février) ; son exemple fut suivi par Léopold II (17 février) et Charles-Albert (4 mars).

La chute de la monarchie de juillet (23-21 février) aurait dû inquiéter Pie IX : elle « le porta plutôt à croire que son système de concessions était le vrai moyen de sauver son pouvoir ». En manière d’oraison funèbre de la royauté défunte, le pape se plaisait à répéter : « Voilà ce que c’est que de vouloir gouverner par la force et non par l’amour. Mémoires du dur de Broglie, dans Revue des Deux Mondes, t. xxvi. 1925. p. 420. Ses illusions tombèrent vite : le 6 mars, la municipalité romaine vint réclamer un gouvernement à forme représentative et les avantages dont jouissait le reste de l’Italie. G. Spada, Sloria délia rivoluzione di Roma, t. ii, p. 97. Pie IX se trouva dans une grave perplexité. Comment concilier les libertés modernes, celle de conscience entre autres, avec sa qualité de chef d’une Église tenue à ne pas reconnaître les mêmes droits à la vérité et à l’erreur ? Comment allier son autorité souveraine avec un gouvernement représentatif ? La solution de ces difficiles problèmes fut fournie par le Slatul fondamental pour le gouvernement temporel des Etals de la sainte Église, dont la promulgation eut lieu le 14 mars 1848. Atli del sommo ponte fice Pio IX, part. II, vol. i, p. 222-238. Le collège cardinalice formait le sénat. Deux conseils étaient créés ; le haut conseil, dont les membres étaient nommés à vie par le souverain pontife ; le conseil des députés, élus sur la base approximative d’un député par 30 000 âmes et par le suffrage restreint. Pour jouir des droits politiques, il fallait être catholique. La participation des laïques au gouvernement de l’État était réduite à l’extrême : à l’approbation et à l’examen des projets de lois que préparait le conseil d’Etat recruté par le souverain. Des propositions de lois pouvaient être présentées par les deux Chambres, mais sauf en matière d’affaires ecclésiastiques ou mixtes, contraires aux canons ou à la discipline de l’Église, ou encore tendant à changer ou à modifier le statut. Toute discussion touchant les relations diplomatico-religieuses du Saint-Siège avec l’étranger était interdite. La sanction des lois appartenait au pape, après examen en séance consistoriale, etc.

Si justifiées que fussent théoriquement les restrictions apportées aux libertés modernes, il était à croire qu’elles ne recevraient guère le plein agrément des sujets pontificaux. De prime abord, s’il faut se fier à un envoyé extraordinaire du royaume de Sardaigne en cour de Rome, le statut « fut bien accueilli. Quelques articles parurent durs, mais l’espoir d’amendements futurs tranquillisa, pour un temps, les esprits inquiets. Bianchi, op. cit., t. v, p. 462. Aussi bien le sort du pouvoir temporel dépendait moins d’une question d’organisation intérieure que de la solution d’un problème politique d’une importance capitale et d’une plus vaste ampleur.

Le 8 septembre 1847, le célèbre révolutionnaire. Mazzini, réfugié à Londres, avait adressé un manifeste à Pie IX où il l’exhortait à travailler à cimenter l’unité italienne. Scritti editi ed inediti, t. xxxvi : Polilicu, t. xii, Imola, 1922, p. 225-233.

Le zèle du Saint-Père n’avait point besoin d’être stimulé. Dès le 30 août 1847, Mgr Corboli-Russi avait ouvert des négociations avec le grand-duc de Toscane et le roi de Sardaigne. en vue de conclure une ligue douanière assez semblable à celle qui existait outre-Rhin, propre à contenter les unitaires et à brider les intrigues mazziniennes. Les préliminaires d’un accord furent signés le 3 novembre 1847. La causa nazionale negli anni 1847-1848-1849, dans la Civilta catlolira, série XVII, t. iv, 1898, p. 129-143, 272-286, 657-677.

Cependant, les informations les plus extravagantes se colportaient dans le public au sujet de la mission accomplie par Mgr Corboli-Bussi. Le pape, assurait-on, avait envoyé, par son entremise, une épée à