Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/126

Cette page n’a pas encore été corrigée

1687

PIE [X. LA QUESTION ROMAINE

L688° le l’Église. A. Monti. Pio IX nel risorgimento italiano, Bari, 1928, |>. 32-82. Il fait également tenir pour légendaire son agrégation à une loge maçonnique. A. « le Saint-Albin. Histoire de Pic IX, t. n. Paris. 1870, p. 188-490, qui a reproduit une déclaration très nette de la Revue de lu franc-maçonnerie française et étrangère, t. ix. 1869, p. 534-537.

Chez Pie IX la bonté dominait et égayait sou visage d’un aimable sourire. Sa simplicité, sa bonhomie, son affabilité, sa droiture le rendaient sympathique. Primesautier, il manifestait sa vivacité d’esprit par des saillies empreintes de causticité, par des bons mots heureux, par des réparties pleines d à-propos. L’extrême impressionnabilité et la mobilité d’humeur qui furent le propre de Pie IX agirent parfois fâcheusement sur ses actes : elles l’inclinèrent à l’indécision et à l’hésitation en matière politique : elles paralysèrent en lui la volonté et le portèrent à adopter des demimesures qui ne contentaient personne ou passaient pour des signes de faiblesse. Peu préparé aux intrigues diplomatiques, pour lesquelles il professait plutôt du dédain, il abandonna la direction des alïaires à son secrétaire d’État. Antonelli, à partir de 1849, et obéit à ses suggestions. La question romaine restera la pierre d’achoppement de son long et mouvementé pontificat. On verra que la responsabilité de la perte du pouvoir temporel ne lui incombe pas entièrement et qu’elle pèse sur la mémoire d’un certain nombre de personnages de premier plan.

Si, en tant que prince. Pie IX a été critiqué, il a. comme pontife et chef spirituel de la chrétienté, joué un rôle très important. Il déploya une rare énergie à défendre les droits sacrés de l’Église et se dépensa sans compter pour les faire triompher. Le seul reproche qu’on ait articulé contre lui dans ce dernier domaine se réduit à avoir manqué parfois de souplesse ; voir A. Boudou, S. J., Le Saint-Siège et la Russie. Leurs relations diplomatiques au XIXe siècle, Paris, 1925, p. 455-456. Quoi qu’il en soit, Pie IX sut grandir la papauté aux yeux de ses contemporains et lui donner une extension de puissance, inconnue à ses prédécesseurs immédiats.

Xous étudierons longuement la question romaine ; après quoi nous examinerons l’action particulière du pape dans les alïaires religieuses de son temps, tout en laissant de côté ce qui concerne Gunther (t. vi, col. 1992-1993), la proclamation du dogme de I’Imma-CUlée conception (t. vii, col. 845-848,. 1195-1214), le Libéralisme (t. ix, col. 574-009), I’Ontologisme (t. ix, col. 1000-1061), le Syllabus et le Concile m— Vatican, matières qui ont été déjà traitées ou le seront ultérieurement.

II. La question romaine.

1° Jusqu’à la révolution de 18 48. — Depuis leur réorganisation par le traité de Vienne (1815), les États pontificaux ne comprenaient plus que Rome et le patrimoine de Saint-Pierre, FOmbrie avec les provinces de Pérouse, Spolète et Rieti. la Marche d’Ancône, les Légations de Bologne, Ravenne, Forli et Ferrare, Bénévent et Ponte-Corvo. L’administration de ces diverses contrées, travaillées par des idées libérales, avait donné les plus graves soucis a la papauté. A la suite des mouvements révolutionnaires survenus en 1831 et 1832, Grégoire XVI avait dû sévir et condamner les fauteurs de troubles à l’exil ou à d’autres peines afflictives. Pie IX inaugura son règne par la publication d’un décret d’amnistie (16 juillet 1846) Atti de ! sommo pontefl.ee Pio IX. part. II, vol. i. Home, 1857. p. 4-7

L’acte de clémence pontificale fut bien accueilli à Rome. Le peuple, sous la conduite d’un cabaretier du Transtévère, surnommé Ciceruacchio, acclama le pape ; son enthousiasme délirant gagna l’Italie et même l’étranger. Les Italiens crurent que le nouveau pon tife se mettrait à la tête du parti qui voulait libérer le pays du joug autrichien et le pourvoir d’institutions libérales. Hors d’Italie, on le considéra comme destiné à réconcilier l’Église et la société moderne qui axaient trop longtemps vécu en désaccord ou se boudaient. Pie IX sembla répondre aussitôt aux espoirs qu’il avait éveillés, quand il eut ordonné la construction de voies ferrées, adouci la censure politique, permis la publication de journaux, autorisé la création d’un conseil des ministres, réformé l’organisation de la justice, établi à Rome une municipalité (7 novembre 18463 octobre 1847). Atti del sommo ponte fice Pio IX. part. IL vol. i, p. 15, 40, 46, 57, 74-108, 191.

Les innovations introduites dans les États pontificaux soulevèrent un enthousiasme délirant dans toute l’Italie. A Varèse, par exemple, la foule promena dans les rues le buste de Pie IX et organisa un banquet auquel participa la riche société milanaise : tous les invités parurent chamarrés de rubans jaune et blanc en l’honneur du pontife (8 octobre 1847).

Metternich, qui avait prétendu au rôle de mentor auprès du pape nouvellement élu — en juillet 1846, un mémoire hostile au projet d’amnistie et à toute concession lui avait été présenté par l’ambassadeur d’Autriche — manifesta son dépit sur un ton offensant. Pie IX ne lui apparut plus que « privé de tout esprit pratique… bon prêtre…, [mais] chaud de cœur et faible de conception ». Metternich, Mémoires, t. vii, p. 252-255, 342. Il l’accusait de travailler inconsciemment à la destruction du pouvoir temporel et blâmait toutes les innovations qui, selon lui, ne cadraient ni avec l’autorité souveraine du chef de la catholicité, ni avec les constitutions de l’Église. Ibid., t. vii, p. 439.

Metternich osa plus : il mit en garde le gouvernement de Louis-Philippe contre des réformes, qui, prétendait-il, risquaient de troubler la paix de la péninsule. N. Bianchi, Storia documentata délia diplomazia europea in Italia, t. v, Naples, 1869, p. 397. Loin d’entraver les initiatives pontificales, le ministre Guizot les avaient chaudement encouragées, non sans" ajouter quelques conseils de prudence par le canal de l’ambassadeur Rossi. De sages réformes s’imposaient et étoufferaient la révolution. L’essentiel consistait à agir avec promptitude, fermeté et franchise. Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, t. viii, Paris, 1867, p. 352-354.

A la vérité, les réformes désirables s’étaient fait trop longtemps attendre. Une sorte de cabale s’était formée, au sein des commissions chargées d’élaborer des projets, parmi les prélats hostiles à toute nouveauté. Le duc de Broglie, secrétaire d’ambassade, montre les congrégations ecclésiastiques « ourdissant autour du souverain novice une conspiration silencieuse pour l’empêcher de faire un pas dans une voie qu’elles croyaient funeste. Les unes inquiétaient sa conscience, les autres décriaient à mots couverts son caractère et ses intentions. Le résultat était qu’au bout de trois mois, à part le pardon si généreusement accordé par une effusion de cœur, rien n’était encore venu confirmer les espérances du premier jour. Les commissions nommées n’aboutissaient pas. On n’était pas bien sûr qu’elles eussent même commencé à travailler, et les témoins, naguère enthousiastes, commençaient à s’impatienter. > Le 18 avril 18 17. le duc de Broglie notait : « Les alïaires ne vont décidément pas. Le pape se montre de plus en plus incapable de prendre un parti. Il a voulu cette semaine renvoyer toute sa secrétairerie d’État, dont pas un ne veut lui obéir, et dénature toutes ses volontés : il n’en a pas eu le courage, et tout le monde reste. Le public coin menée a savoir parfaitement à quoi s’en tenir, et son enthousiasme est de plus en plus un vrai jeu pour compro-