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PIK VII ET NAPOLÉON


pour l’Église) ni aucun préjudice jour notre àme. » Rapprochant la hiérarchie ecclésiastique de la hiérarchie militaire, il refusait désormais de substituer la puissance du métropolitain à la sienne. Par ailleurs, il semblait annuler l’excommunication antérieurement portée contre l’empereur.

La rétractation du pape fut communiquée par lui le ! même jour aux cardinaux. Quant à Napoléon, dès qu’il la sut. après un mouvement de colère, il lit comme si le document pontifical ne lui était pas parvenu, mais lit expulser le cardinal di Rétro, avertir les autres cardinaux de rester désormais dans une stricte inaction : enfin il publia, sous la date du 13 février 1813, deux décrets l’un déclarant le Concordat loi d’empire, le second affirmant son caractère obligatoire pour tout le clergé de l’empire et du royaume d’Italie. Le résultat, vis-à-vis de la cour romaine, de cette nouvelle violence fut que, à une nouvelle allocution consistoriale du pape du 9 mai 1813, les cardinaux souscrivirent individuellement par une copie de leur propre main, tandis que Pie VII adressait à l’empereur une humble prière de faire un traité admissible pour le Saint-Siège, et préparait personnellement la tenue d’un conclave si lui-même mourait en captivité.

Mais, tandis que, connue dans ses appartements de Fontainebleau, le pape, d’ailleurs violemment critiqué par la police impériale pour son économie, qui allait jusqu’à lui faire laver personnellement sa soutane, ou pour sa patience réfléchie, qui l’écartait de lire les livres, d’ailleurs non ecclésiastiques, de la bibliothèque du château, attendait l’issue du drame où se jouait une si sévère partie. Napoléon essayait de briser la coalition européenne sur les champs de bataille allemands.

La victoire de Lutzen (2 mai) fut notifiée par Marie-Louise au pape, qui remercia l’impératrice de cette notification d’une façon assez froide, pour ne choquer aucun des adversaires de la France, et joignit à ses remerciements un réquisitoire plutôt vif contre les procédés infligés par l’empereur à la cour de Fontainebleau. C’est que le pape savait par son entourage, lui-même tenu au courant par bien des intermédiaires, la situation délicate où se trouvait Napoléon. Aussi, lorsqu’il fut question d’un congrès à Prague, en vue de la paix générale. Pie VII fit savoir à l’empereur d’Autriche la nature et l’étendue des droits qu’il avait l’intention de revendiquer. La publication du concordat du 25 janvier 1813 ne pouvait dès lors prévaloir contre le pouvoir du Saint-Père sur Rome et l’État pontifical.

5° Le retour à Rome. Premiers essais de réorganisation. — Le cardinal Consalvi dirigeait de fait toute cette diplomatie pontificale, qui s’affirmait aussi à l’égard de négociateurs plus ou moins qualifiés, adressés par l’empereur au pape, M m — Brignole, de Sienne. Mgr Fallot de Haumont, archevêque de Bourges, le colonel Lagorsse : la restitution de l’État pontifical, le retour à Rome, c’étaient les deux exigences immédia. es de Pie VII, et la crise où l’empire était précipité allait les exaucer. C’est le 23 janvier 1814 que Pie VII quitta Fontainebleau d’après les ordres donnés au colonel Lagorsse : les cardinaux s’éloignèrent les jours suivants. Le 2 avril, le gouvernement provisoire, créé à Paris après l’entrée des Alliés, prenait un arrêté pour assurer dans les meilleures conditions possibles de rapidité et d’honneur la sortie du pape du territoire français. Joachim Murât, roi de Naples, essaya bien, à Césène, d’empêcher l’entrée du pape dans ses F.l al s, que les troupes napolitaines occupaient, sous prétexte qu’une pétition avait été envoyée aux puissances, au sujet de l’institution d’un pouvoir séculier à Rome. C’est de Césène que Pie VII écrivit, le 30 avril, à Louis NYIII pour protester contre ce qui, dans la constitution française

nouvelle, était contraire à la religion ou à l’Église, et pour réclamer le renvoi à Rome des archives vat icanes. Le 20 mai, il accréditait Consalvi auprès du roi de France et, par un bref spécial, réclamait le même jouicontre le traité de Tolentino. Le 21 mai. enfin, il faisait son entrée solennelle à Home.

A certains égards, il semblait que la tradition, brisée en 18(15, lorsque Consalvi et Talleyrand avaient dû quitter les affaires, ou en 1809, lorsque le pape avait été arraché à sa capitale, était reprise. Mais l’Europe, bouleversée par les guerres napoléoniennes et les vues de la Sainte-Alliance. était bien transformée. Pour les États pontificaux, une partie restait encore occupée par les Napolitains ; les Légations, abandonnées par le prince Eugène, demeuraient aux mains des Autrichiens. Et, cependant, l’effort des hommes qui avaient traversé l’époque de la Révolution et de l’Empire, et qui se trouvaient de nouveau à la tête des affaires, tendait à restaurer celles-ci selon les plans qu’ils imaginaient avoir gouverné le monde avant qu’éclatât la crise.

Ainsi Pie VII avait-il choisi Consalvi pour le représenter à Paris et à Londres, puis à Vienne, et Pacca pour tenir le rôle de prosecrétaire d’État. Le gouvernement français, de son côté, non seulement rejetait le concordat de Fontainebleau, mais songeait à écarter le concordat de 1801. Voir l’art. Concordat, col. 77(i. Le 26 septembre, fut tenu un consistoire où le Saintl’ère rappela comment il avait repris le gouvernail de l’Église : si l’on devait effacer le souvenir des maux subis, on n’oublierait pas, ajoutait-il, la rage avec laquelle « le Prince des ténèbres avait frappé la société chrétienne ». Mais Pie VIT avançait avec prudence dans la restauration et, s’il accusait réception du mémoire français en faveur de l’augmentation des sièges archiépiscopaux et épiscopaux en priant Louis XYIII d’abolir aussitôt que possible « tant de dispositions contraires à l’autorité et à la liberté de l’Église », s’il continuait à réclamer à l’empereur François I er la restitution des Légations, s’il observait avec une certaine inquiétude les événements de l’île d’Elbe et de Naples, c’est avant tout à la réorganisation des institutions chrétiennes et à la restauration des États pontificaux qu’il travaillait : installation de couvents de sœurs hospitalières en Italie, dotation d’établissements pieux aux États-Unis, embellissements à Rome, dégrèvement des provinces les plus pauvres. De plus considérable importance devait être la restauration de la Compagnie de Jésus. Peu après son avènement, Pie VII avait régularisé l’existence en Russie des débris de la société (bref du 7 mars 1801) ; des concessions analogues avaient été faites, en 1804, dans le royaume de Naples, d’ailleurs rendues caduques par les bouleversements politiques ultérieurs. Rentré à Rome en 1814, le pape, par la constitution Sollicitudo omnium Ecclesiarum, datée du 31 juillet el solennellement promulguée le 7 août, annulait le bref Dominus ac Redemptor de Clément XIV, et rétablissait la société dans son état antérieur.

Mais le coup de foudre du retour de l’île d’Elbe bouleversa une nouvelle fois l’Europe. En même temps que la nouvelle en arriva à Rome, Joachim demanda le passage pour 12 000 hommes dans les Htats pontificaux. Pie VII refusa, mais quitta, le 24 mais 1815, sa capitale pour Livournc, la Spezia, et, finalement. Gênes. Le I avril, Napoléon écrivait au pape el ministre des Affaires étrangères, Caulaincourt, au car dinal Pacca, poui justifier le coup d’État antiboui bonien, annoncer la paix générale et proclamer la sollicitude du gouvernement impérial envers le Saint-, Siège. Celui-ci ne devait point recevoir ces docum< en tout cas. il n’y répondit pas. Le cardinal Fesch, accrédité par son neveu auprès du pape, ne pouvai