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IME II ET NAPOLEON

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insultes. Enfin, le 17 mai 180<), un décret daté de Vienne réunissait les États du pape à l’empire français : la ville de Rome était déclarée ville impériale et libre ; des dotations étaient prévues, on assurait au pape un revenu net de 2 millions ; une consulte serait instituée pour organiser le régime constitutionnel à partir du I er janvier 1810. C’est le 10 juin que le décret futpublié à Rome, le pavillon pontifical fut descendu du château Saint-Ange et remplacé par le drapeau français. Dans la nuit du 10 au. Il fut affichée la bulle Quum memoranda, qui excommuniait, sans nommer précisément Napoléon, les auteurs de la spoliation. La sanction ne pouvait se faire attendre : le 4 juillet, Miollis chargeait le général Radet de procéder à l’arrestation du pape dans la nuit suivante, en utilisant les troupes napolitaines. L’enlèvement se fit de façon odieuse. Le cardinal Pacca put accompagner le pape expulsé jusqu’à Florence, et ensuite, sous un soleil de feu, au milieu d’un concours de population plus étonnée qu’indignée, Pie VII fut transféré par Alexandrie et Grenoble, puis par Valence et Nice, à Savone.

La captivité du pape.

Surveillé avec aménité

parle préfet du département du Montenotte, le comte de Chabrol, Pie VII, attendait avec patience les événements qu’impliquait la situation de Napoléon, vainqueur à Wagram, mais arrêté en Espagne et sans action sur l’Angleterre. Le 7 février 1810, un sénatusconsulte avait prononcé la réunion des États pontificaux à l’empire. Le 1 er avril, après le divorce et la cassation canonique du mariage de Napoléon et de Joséphine, l’archiduchesse d’Autriche, Marie-Louise, épousait l’empereur à Saint-Cloud, en présence de vingt-six cardinaux dont la moitié s’abstinrent d’assister le lendemain à la cérémonie religieuse ; cette attitude fut aussitôt punie par leur exil et, dès lors, les faits caractéristiques se multiplient. Dix-neuf évêques réclament au pape la confirmation de leur nomination aux sièges épiscopaux. Le pape répond, le 5 novembre, au cardinal Maury, archevêque de Paris, en déclarant que toute institution faite par des évêques est nulle ; le 1 er janvier 1811, Mgr d’Astros, grand vicaire de Paris, est conduit au donjon de Vincennes ; le 7 janvier, tandis que Pie VII se promenait dans le petit jardin de l’évêque de Savone, chez lequel il logeait, on procède à la visite de ses papiers et l’on s’empare de quelques-uns de ses livres de piété. Son serviteur, Moiraghi, est enlevé et conduit à Fénestrelle ; défense est faite, le 14 juillet, au Saint-Père, de communiquer avec aucune Église, ou aucun fidèle de l’empire, et on le menace, puisque « rien ne peut le rendre sage », de le déposer.

Napoléon, cependant, essaie de gouverner directement l’Église. Sur les divers moyens imaginés voir l’art. Concordat, col. 771-776. A la fin de mars 1811, il a réuni le conseil ecclésiastique devant lequel il prononce une sorte de réquisitoire contre le pape. Les prélats réunis subissent sans réaction la colère impériale et, seul, l’abbé Émery défend avec bonheur et simplicité l’autorité du pape. Puis se tient le concile de Paris, dont une des premières décisions fut de députer plusieurs prélats à Savone. Ici commence, dans l’histoire morale du pape, un nouveau chapitre bien vite clos, très humain, puisque s’y vérifie la faiblesse même de l’humanité. De fait, le pape, âgé, isolé, opprimé, consent à quelques-unes des demandes françaises. Le concile décide alors un mode d’institution canonique, en cas de refus du pape, qui ressemblait singulièrement à ce qui avait été imaginé lors de la constitution civile. Et cinq cardinaux sont délégués avec plusieurs évêques auprès de Pie VII pour obtenir son adhésion. La « caravane sacrée ». selon l’expression du cardinal Pacca, arriva au début de septembre 181 1 et, surtout grâce à l’intervention du cardinal Roverella, réussit

dans sa mission ; le pape, joué, alla jusqu’à approuver, par un bref et en s’en félicitant, les mesures décidées. Napoléon, d’ailleurs, n’accepta pas le bref, pour des raisons multiples, dont la plus réelle était sans doute que son acceptation impliquait la mise en liberté du pape.

Celui-ci demeura assez tranquille tout le temps qu’on prépara l’expédition de Russie. Napoléon ne pouvait encore renoncer à son système. Le 9 juin 1812, Pie VII fut prévenu qu’il allait être transféré en France et, de fait, le lendemain, il partit, très faible, au point de tomber malade, à l’hospice de Stupinigi ; il reçut, le. Il juin, l’extrême-onction. Le 20 juin, il arrivait pourtant à Fontainebleau, après un voyage exclusivement passé dans une voiture fermée à clef, où on lui portait quand il était besoin, de la nourriture,

Après plusieurs semaines de lit, Pie VII fut en état de recevoir, et il fut bien obligé d’accueillir ceux qu’on appelait les cardinaux < rouges >, c’est-à-dire enclins à subir les volontés impériales. Surtout, il dut accepter l’idée de recevoir Napoléon, qui, après l’expédition désastreuse de Russie, croyait nécessaire de se rendre favorables les éléments catholiques de l’empire par plus de mansuétude à l’égard du pape. Au début de l’année 1813, l’empereur envoya son chambellan à Fontainebleau pour complimenter le pape. Le pape répondit en envoyant à Paris le cardinal Joseph Doria. C’était rendre possible la réouverture des négociations dont Napoléon chargea pour son compte Mgr Duvoisin, évêque de Nantes. Les exigences de Napoléon étaient énormes. Le pape et ses successeurs promettraient de ne rien ordonner ou exécuter de contraire aux quatre propositions gallicanes de 1682 ; il ne pourrait nommer qu’un tiers des cardinaux, la nomination des deux autres tiers appartenant aux princes catholiques ; le pape condamnerait, par un bref public, les cardinaux qui n’avaient pas assisté au mariage de l’empereur et de Marie-Louise, à l’exception des cardinaux di Pietro et Pacca, qui ne pourraient jamais approcher de Pie VII. Ce fut cependant la base des conversations tenues par les cardinaux Doria, Dugnàni, Rulïo, et de Bayane, avec le pape et par l’intermédiaire de Mgr Bertazzoli, et qui furent couronnées par les visites de Napoléon à Pie VII. Si l’empereur, dans la première, qui eut lieu le 19 janvier 1813, manifesta une sorte de cordialité exubérante, il agit ensuite sur le pontife affaibli avec autorité, et n’eut, finalement, guère de peine à lui arracher, le 25 janvier, sa signature au concordat de Fontainebleau. Du moins, Pie VII obtint-il, si l’on peut dire, en retour, la libération de Pacca. Les prélats et prêtres qui avaient participé à la pseudo-négociation furent tous récompensés.

Mais le concordat de Fontainebleau pouvait bien avoir été signé par le pape ; celui-ci ne l’avait accepté que contraint et forcé, et, lorsque les cardinaux « noirs » commencèrent à être en rapport avec lui. Pie VII se rendit compte du sens des textes qu’il avait acceptés. Désespéré, il s’abstint plusieurs jours de célébrer la messe, puis il mit en délibération avec les cardinaux la valeur des articles, d’ailleurs rendus publics par Napoléon, et communiqués par l’archichancelier Cambacérès au Sénat. Entraîné par Consalvi, Pacca et quelques autres, il se décida à rétracter son adhésion. Le texte, précisé en minute, de cette rétractation, fut copié par lui en plusieurs jours, achevé et daté le 21 mars 1813. Pie VII y avouait ses remords et son repentir pour la faiblesse qu’il avait eue, le 25 janvier, de souscrire aux articles imposés par Napoléon. « Noire conscience, disait-il, reconnaissant mauvais notre écrit, nous le confessons mauvais et avec l’aidj du Seigneur, nous désirons qu’il soit cassé tout à lait, afin qu’il n’en résulte aucun dommage