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PIK VII ET NAPOLEON

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dimanches et fêtes, le sort des anciens prêtres ou religieux mariés et des prêtres constitutionnels, les missions étrangères, et l’église Saint-Jean de Latran à Home. enfin les territoires enlevés au Saint-Siège. Les réponses rédigées par Portails le furent avec beaucoup de tact, et le pape y put lire que l’empereur « mettait sa gloire et son bonheur à être un des plus f.-nnes soutiens du Saint-Siège, et un des plus sincères défenseurs de la prospérité des nations chrétiennes », de sorte que les refus enveloppés dans ces réponses habiles ne suscitèrent aucune plainte du pape ou de son entourage. Mais Pie VII semble avoir opposé une dénégation nette à la proposition qui lui fut faite de demeurer en France ; au cas où la liberté lui serait enlevée, son abdication, demeurée aux mains du cardinal Pignatelli, archevêque de Païenne, jouerait immédiatement. Le départ ne fut donc pas différé, et Pie VII rentra à Rome le 16 mai 1805.

3° La rupture avec Xapoléon 1°. A Rome, Pie VII devait, du côté de la France, trouver de nouvelles difficultés : légation auprès de la diète allemande, pour laquelle Cambacérès recommandait Bernier, le pape tenant pour Mgr délia Genga ; séparation du prince Jérôme Bonaparte d’avec l’Américaine miss Patterson, que le pape ne consentait pas à autoriser par la procédure de nullité de mariage : organisation par décrets de l’Église du royaume d’Italie ; assassinat de deux commerçants de la place Navone par des criminels arborant la cocarde tricolore et à propos desquels furent évoqués, de part et d’autre, les noms de Basseville et de Cadoudal ; présence de Lucien Bonaparte dans les États pontificaux et amitié étroite surgie entre Lucien et le frère du cardinal Consalvi ; déclarations orales ou écrites du cardinal Fesch, ajoutant encore à toutes ces petites amertumes.

Une amertume plus grande l’attendait dans le dernier tiers de l’année 1805, lorsque Napoléon, luttant contre la quatr.ème coalition, décidait de faire occuper Ancône : Pie VII protesta au nom de la neutralité dans une pressante lettre du 13 novembre, où il annonçait qu’il suspendait ses rapports officiels avec Fesch. L’empereur reçut cette lettre dix jours après, et n’y répondit, de Munich, que le 7 janvier 1806 : il y justifiait brutalement, par l’intérêt militaire, et aussi par le souci, affirmait-il, de protéger le Saint-Siège, sa mainmise sur Ancône. La réponse du pape, en date du 29 janvier, était aussi nette que mesurée ; il y réclamait l’évacuation d’Ancône et le remboursement des avances faites à l’armée française ; il y défendait Consalvi et protestait contre l’éventualité du rappel de Fesch. C’est le 13 février 1806 que Napoléon répondit, dans un texte où s’affirmait avec précision la portée de son orgueil et de son ambition : « Votre Sainteté est souveraine de Rome, y disait-il, mais j’en suis l’empereur. Tous mes ennemis doivent être les siens » ; il menaçait ceux « qui retardaient l’expédition des bulles de ses évêques et qui livraient ses diocèses à l’anarchie ». Cette lettre est l’amorce certaine du conflit imminent entre le sacerdoce et l’empire.

Le 21 mars, Pie VII exposait avec netteté ses vues : il n’a pas à entrer « dans le dédale de la politique » et doit seulement observer la paix, même à l’égard des États en lutte avec la France, et où vivent des fidèles : l’existence de l’État romain s’oppose d’autre part à l’idée de la domination intégrale de Napoléon sur l’Italie, et la comparaison du temporel et du spirituel que conçoit l’empereur est inadmissible. Quant au Concordat italien et au mariage de Jérôme, le Saint-Père maintenait son point de vue antérieur. Cette réponse ferme et sans violence était élaborée au temps même où, avant l’installation « le Joseph Bonaparte a Naples, le bruit se répandait déjà en Italie que le Saint-Siège serait transféré a Avignon ou à Paris, les

Ftats pontificaux partagés entre les royaumes de Naples et d’Italie. Alquier, cependant, remplaçait le cardinal Fesch comme ambassadeur à Rome ; Napoléon, d’autre part, pour éviter qu’elles passassent au roi de Naples, décidait de donner les principautés de Bénévent et de Ponte-Corvo à Talleyrand et à Bernadotte. A mesure que les violences impériales se multipliaient. Pie VII se renforçait dans son dessein de résistance légale et chrétienne. « Si l’on veut occuper Rome, disait-il à Alquier, nous ne ferons aucune résistance, mais vos soldats devront briser les portes du château Saint-Ange à coups de canon. » Toutefois, le 17 juin 1806, Consalvi donnait sa démission et était remplacé par le vieux cardinal Casoni ; on était à la veille d’un nouveau pas en avant de l’impérialisme napoléonien sous les coups duquel l’Europe tout entière tremblait.

De fait, Alquier fut chargé de demander au pape qu’il déclarât que les ports pontificaux seraient fermés chaque fois que l’Angleterre serait en guerre avec la France, et que les forteresses pontificales seraient occupées par des troupes françaises toutes les fois qu’une armée ennemie aurait débarqué ou menacé de débarquer sur un point de l’Italie. Pie VII refusa de faire pareille déclaration. Peu de temps après, cependant. Napoléon, vainqueur à îéna, entrait à Berlin, où il publiait, le 21 novembre 1806 le décret de blocus contre la Grande-Bretagne. Le cardinal Casoni protesta contre ce décret. Entre Champagny, successeur de Talleyrand, le cardinal de Bayane. accouru à Paris pour suppléer Caprara, Alquier et, de surcroît, le viceroi d’Italie, engagé par Napoléon lui-même à intervenir à sa place à Rome, les négociations se prolongent, accrochées par la difficulté nouvelle du mariage de Jérôme avec la princesse de Wurtemberg et les difficultés renouvelées des anciennes négociations. En fait, toute l’année 1807 se précipite vers le dénouement fatal, impliqué par la stratégie militaire ou économique et par la théorie impériale de la suppression du pouvoir temporel.

L’occupation de’Rome fut décidée par Napoléon au début de 1808. Les troupes du général Miollis y entrèrent le 2 février, le commandant du fort Saint-Ange, Ange Colli, remit à Miollis une protestation et, le lendemain, Pie VII déclarait à Miollis et à Alquier que, tant que l’armée française serait à Rome, il se considérerait comme prisonnier et qu’aucune négociation ne serait possible. De fait, il s’enferma au palais de Montecavallo. Le cardinal Casoni, malade, avait été remplacé par le cardinal Joseph Doria. Celui-ci, en tant que Génois, dut quitter Rome et être remplacé par le cardinal Gabrielli qui fut arrêté après sa protestation du 19 mai et remplacé par le cardinal Pacca. D’autre part, à Rome, Alquier, puis le chargé d’affaires Lefebvre, avaient demandé leurs passeports, ce que faisait de même, à Paris, Caprara. Le gouverneur de Rome, Mgr Cavalchini, était enlevé sur l’ordre de Miollis et les troupes pontificales incorporées dans l’armée française. Les provinces d’I’rbin, Ancône, Macerata, Camerino étaient irrévocablement réunies au royaume d’Italie.

Le. Il juillet, avec les cardinaux demeurés à Rome, le pape tenait un consistoire, pour faire en quelque sorte le point. Il y résumait les injures qu’il avait subies et conjurait l’empereur d’écarter les conseils des perfides et, en songeant à l’humaine grandeur, d’éviter l’éternelle perdition. Mais il était impossible que Napoléon s’arrêtât dans la voie où il était entré.

Le 6 septembre, le cardinal Pacca, à son tour, recevait un ordre d’expulsion, qui, au dire de celui-ci, suscita un violent accès de colère chez le pape. Au reste, la tin de l’année 1808 et le début de la suivante enregistrèrent de terribles violences et de nouvelles