Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/119

Cette page n’a pas encore été corrigée
1673
1674
PIE VII ET NAPOLEON


en certains milieux et il (allait que Pie VII acceptât

cette solution. Pour l’y amener, le Premier Consul intervint énergiquement à Naples, en vue de la restitution au Saint-Père des principautés de Bénévent et de Ponte-Corvo. Il est vrai que, en même temps, il exigeait, avec une indéniable brutalité, et sans se préoccuper des elïets que cette demande pourrait avoir sur les cours européennes, cinq chapeaux de cardinaux pour des prélats français, tandis que son ministre Talleyrand négociait pour lui-même l’obtention d’un bref de sécularisation. Ces tractations si variées et si contradictoires, où se heurtaient nécessairement l’autoritarisme du Premier Consul et le magistère du Saint-Père, étaient suivies, non sans mal, .à Home même, par Consalvi pour le Saint-Siège, et Cacault pour la France.

Le heurt prévisible", mais qui n’avait pas encore eu lieu, devait être démontré possible, le jour où le gouvernement français demanda pour la république italienne un concordat analogue au concordat français quillet 1802). Sans doute, le 22 septembre, quelques-unes des amertumes du pape pouvaient être adoucies par la remise entre ses mains de la ville de Pesaro, non intégrée par Bonaparte à l’État italien. Quelque temps plus tard, le Premier Consul faisait encore don au pape de deux bricks, le Saint-Pierre et le Saint-Paul et, de son côté, le Saint-Siège paraissait répondre presque entièrement aux vœux de Bonaparte par la préconisation faite, le 17 janvier 1803, de quatre cardinaux français : l’archevêque de Lyon, Fesch, oncle du Premier Consul ; l’archevêque de Tours, de Boisgelin ; l’archevêque de Rouen, Cambacérès, et l’ancien auditeur de Rote, Mgr de Bayane ; il rendait d’autre part à la France la protection des fondations françaises de Rome. Mais la guerre qui commençait à devenir menaçante dès la fin de l’hiver de 1803, par suite de la résistance de l’Angleterre à évacuer Malte, allait multiplier les occasions de conflit entre la papauté et le gouvernement français. Il est curieux de constater que cette ère débute par le rappel effectué, le 8 avril 1803, de Cacault, et son remplacement par un ecclésiastique qui n’était rien moins que le cardinal Fesch, bientôt rejoint par Chateaubriand, nommé secrétaire de légation à la place d’Artaud.

La nouvelle de ce rappel arriva presque en même temps que le texte des Expostulations canoniques rédigées par les 38 évêques français hostiles aux stipulations concordataires. Voir l’art. Anticoncordataires, t. i, col. 1374. En même temps, Pie VII s’inquiétait de la répercussion possible des sécularisations opérées en Allemagne au regard de la religion catholique ; de fait, l’électeur de Bavière réclamait toute une réorganisation du culte catholique dans le sens du contrôle gouvernemental. Le 18 août, Caprara adressait à Talleyrand une note contre les Articles organiques, où les formes habituelles aux documents d’origine romaine paraissaient totalement oubliées. Ces formes enveloppées, par contre, se vérifièrent au cours de la négociation pénible qui s’ouvrit à l’occasion du séjour à Rome de M. de Vernégue, émigré français naturalisé russe, qui accompagnait le duc d’Avaray, mais était revêtu d’un caractère diplomatique comme attaché aux légations de Russie en Italie. Si, en cette occasion, le Saint-Siège dut céder à la France, c’est que Consalvi appréciait à sa juste valeur le mouvement général dans lequel l’ambition de Bonaparte entraînait et la France et l’Europe : l’exécution du duc d’Enghien (20 mars 1804) avait fait à Rome la plus pénible impression, mais elle était le signe avant-coureur d’une modification importante dans la direction politique du Consulat.

Le voyage en France et le sacre.

Le 18 mai 1804,

date de la proclamation de Bonaparte comme empe reur, Caprara avait été prié d’engager le pape à venir à Paris couronner et sacrer le nouveau maître du monde et, de son côté, Fesch fut chargé de mener une négociation secrète pour le même objet. Vingt des cardinaux les plus influents furent consultés par Consalvi à deux reprises, sous le sceau du secret, la première fois en leur soumettant la question pure et simple, la seconde, en leur exposant les scrupules du pape au sujet du serment prescrit à l’empereur, relativement aux cultes : 5 votes seulement furent négatifs sur la première question, 15 étant aflirmatifs avec des conditions touchant surtout le lieu du sacre. Une lettre de Fesch à l’empereur, datée du 10 juin, précisa toutes ces conditions, qui furent également notifiées à Talleyrand par Caprara, et où se concrétisaient à la fois les justes réserves du pape, ses inquiétudes et son désir chrétien de pieuse réconciliation.

Celle-ci n’était guère facilitée par les membres de l’ancien épiscopat dont 13, l’ex-archevêque de Narbonne en tête, présentaient au pape, à la date du 15 août, une suite aux Expostululions, corroborées par une déclaration sur les droits de Louis XVIII et animées d’un vif esprit de réaction monarchique. Le pape ne paraît pas avoir tenu compte de ces documents. Tandis que l’évêque d’Orléans, Bernier, exani nait les conditions mises par Rome au sacre de l’empereur, Talleyrand et Caprara à Paris. Fesch et Consalvi à Rome, essayaient de mettre au point le projet de voyage en France du pape, qui, le 2 août, signait un bref pour féliciter Napoléon de son avènement. Il y disait entre autres : « Vous Nous avez déjà fait concevoir une grande espérance, Nous attendons avec confiance que vous la remplirez comme empereur des Français. » La veille, Napoléon avait adressé une lettre à Pie VII pour lui promettre toute satisfaction relativement au Concordat italien. Le 15 septembre, il reprenait la plume pour envoyer au pape une lettre formelle d’invitation qui fut portée à Rome par le général Cafîarelli. Connue par le pape le 29 septembre, communiquée aux cardinaux le 2 octobre 1804, l’invitation fut définitivement acceptée en présence du consistoire du 29 octobre.

C’est Consalvi qui reçut les pouvoirs pour gouverner Rome en l’absence du pape et, le 2 novembre. Pie VII se mit en route avec une vingtaine de personnes par Florence et Turin. A Turin, il retrouvait le cardinal Cambacérès, envoyé à sa rencontre par Napoléon, avec le sénateur d’Aboville et le maître des cérémonies Salmatoris. Le 25 novembre, on arrivait à Fontainebleau, et, le lendemain, l’empereur se rendait au-devant du pape, à la Croix-de-Saint-Hérem. L’entrevue fut parfaite, et la condescendance charitable de Pie VII l’incita à aller voir le premier l’impératrice Joséphine.

Le 28 novembre, Pie VII était à Paris ; le 30, il avait à subir les harangues des représentants du Sénat, du Corps législatif, du Tribunat. Le 2 décembre, à Notre-Dame de Paris, eut lieu la cérémonie du sacre, à laquelle présida Pie VII, assisté des cardinaux’Braschi, de Bayane, Antonelli et Caselli ; Napoléon s’y couronna lui-même et couronna Joséphine. Tant qu’il résida aux Tuileries (pavillon de Flore), Pie VII ne cessa de témoigner de ses sentiments d’affabilité chrétienne à l’égard des fidèles qui demandaient à lui être présentés, de l’empereur et de la famille impériale. Il s’inquiétait cependant d’être loin de Borne, surtout au moment où il s’y produisit une grave inondation, et il arrêta la date de son départ pour le 15 mars 1805. Avant de partir, et sur l’invitation même de Napoléon. Pie VII fit rédiger un mémoire sur les demandes qui pouvaient intéresser le Saint-Siège. Les articles qui furent mis par écrit concernaient le divorce, la surveillance épiscopale des mœurs du clergé, la célébration des