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PIK VI. LA KKVOLITIO.N


serment ou des élections épiscopales, naissaient des difficultés de toute espèce et, dès le mois d’octobre, l’archevêque d’Aix avait pu envoyer à Rome son Exposition des principes, signée par 110 évêques, et qui était la condamnation des nouveautés françaises. Le bref pontifical du 10 mars 1791, qui répondit à l’Exposition, servit à Pie Yl à préciser, à leur égard, la doctrine de l’Église : après avoir soumis les articles de la constitution civile à une congrégation, il est amené à la repousser, carie but de l’Assemblée est de ruiner l’épiscopat et de chercher à mettre la main sur Avignon ; il a hâte de féliciter les évoques qui ont rejeté la constitution civile, il exhorte le roi à retirer sa sanction. Et, de fait, dans un bref particulier de la même date adressé au roi, Pie VI affirme le caractère hérétique de la constitution, rappelle à Louis XVI son serment du sacre et lui communique les censures qu’il a infligées à Talleyrand et à Loménie de Brienne. Enfin, en un bref du 13 avril 1791, adressé aux archevêques et évêques de France, et accompagné d’une nouvelle lettre au roi. Pie VI, s’appuyant sur l’avis d’une commission cardinalice réunie trois fois, condamne formellement comme schismatique et hérétique la constitution, casse et annule toutes les élections épiscopales faites sans son consentement, suspend les prélats consécrateurs, annule les nouvelles délimitations des diocèses, menace d’excommunication les intrus.

L’attitude du pape est désormais très nette. Elle se vérifie encore dans le conflit surgi avec la France à la suite du rappel du cardinal de Bernis, qui n’avait prêté le serment qu’avec restriction (5 février 1791) et de son remplacement par Louis-Philippe de Ségur, dont le pape ne veut pas, parce qu’il a prêté le serment civique. Elle se vérifie aussi dans la réception accordée à Rome à Mesdames de France, tantes du roi. Elle est parfois imprudente, surtout lorsque Pie VI, apprenant la fuite du roi, exprime de celle-ci une grande joie dans son bref du 6 juillet 1791, qu’il confiait au’nonce de Cologne pour le remettre au roi. La rupture des rapports diplomatiques entre la France et Rome était proche. Déjà, le 2 mai 1791, on avait brûlé au Palais-Royal un mannequin coiffé de la tiare : Mgr Dugnani protesta le 5 mai, mais ses réclamations n’aboutissant pas, il partit le 31, sous prétexte d’aller aux eaux d’Aix, laissant la nonciature à son auditeur Quarantotti. Le 13 juin, celui-ci reçut à son tour l’ordre de quitter Paris, l’abbé de Salamon assumant les fonctions d’internonce.

La question d’Avignon et du Comtat Venaissin n’était pas moins capable de soulever un conflit entre Rome et la France. Dans les années précédant immédiatement la Révolution, ces territoires, enclavés depuis tant de siècles dans le royaume, avaient été agités par un mouvement de véritable désaffection à l’égard du Saint-Siège. Ce mouvement s’amplifia dès que la révolution fut déclenchée. Charles-François Bouche, député de la sénéchaussée d’Aix, posa la question du rattachement à la France dès le mois de novembre 1789, envisageant un plébiscite de la part des habitants et attaquant vivement le gouvernement ecclésiastique. C’est pour réformer celui-ci que Pie VI envoya à Avignon le chargé d’affaires Jean Celestini et Passeri, avocat général du Saint-Siège ; ils furent chassés par les habitants, décidément révoltés, ainsi que d’autres agents délégués par le pape et, bientôt, le vice-légat, Mgr Casoni (12 juin 1790). Le pape crut néanmoins possible de ramener à lui ses sujets par la douceur, et le secrétaire d’État publia, le 8 octobre 1790, un décret d’amnistie. Il était trop tard : le mouvement avignonnais, soutenu par le gouvernement français, était irrésistible. Le 30 novembre 1790, une ordonnance municipale exigeait de l’archevêque d’Avignon le serment civique :

Mgr (liovio le refusait, s’enfuyait à Villeneuve, était remplacé par un évêque élu, le chanoine Mallièrc. Pie VI put bien lancer ses foudres contre l’intrus, il n’y avait plus rien à faire, et Avignon cessait d’être une possession romaine.

Il en était de même du Comtat, plus calme, et où, le 27 mai 1790, par une motion singulière, les sujets du pape avaient statué qu’ils n’adopteraient de la constitution française que les maximes conformes aux intérêts du pape, et conciliables avec l’obéissance due à Sa Sainteté. Mais, bientôt, le vice-légat, Mgr Bcni et le recteur sont chassés de Carpentras ; les Avignonnais s’unissent aux Comtadins pour éliminer ce qui subsiste d’autorité romaine à Cavaillon, à Vaison. Les innovations religieuses françaises sont imposées. Le 14 décembre 1791, enfin, malgré les efforts de l’abbé Maury et du comte de Clermont-Tonnerre, un décret de l’Assemblée constituante prononce l’annexion à la France d’Avignon et du Comtat Venaissin. Contre cette usurpation, le commissaire de la Chambre apostolique publia une protestation, qui fut ratifiée par le pape « par acte chirographaire ». Le mémoire de protestation romain fut communiqué à tous les cabinets européens quelques mois plus tard. La Législative divisa bientôt les pays occupés en districts qui furent rattachés aux départements des Bouches-du-Rhône et de la Drôme (3 mars 1792). Pie VI protesta encore, le 19 mars 1792, par des brefs où il refusait au peuple le droit « de renverser arbitrairement les empires « .C’était interdire la Révolution tout entière.

Rien ne devait arrêter celle-ci, non plus que la réaction européenne qu’elle suscita. Si, le 19 janvier 1792, la congrégation cardinalice, chargée des affaires de France, décide, en maintenant la suspense infligée par le bref du 13 avril 1791, que le pape renoncera pour l’instant à l’excommunication, Rome est bien forcée de s’inquiéter de la propagande révolutionnaire en Italie, avec l’envoi de Mackau à Naples, l’arrivée de la fausse prophétesse Suzette Labrousse, ainsi que du sort des prêtres, moines et religieuses qui quittent la France en masse. Les inquiétudes sont avivées par les premiers succès des armées révolutionnaires, qui incitent Pie VI à faire fortifier ses États, à confier sa petite armée à un général désigné par l’empereur, à envisager la constitution d’une ligue contre la France impie. Les émigrés ecclésiastiques de France, accueillis par l’œuvre pie Charitas sanctæ Sedis, sont répartis entre Bologne, Ferrare, Vérone et Viterbe et, sous la direction de Mgr Caleppi, s’organise un vaste service d’hospitalisation ; mais c’est de tous les clercs émigrés dans les divers pays d’Europe que le Saint-Siège doit, en fait, s’occuper. Pourtant, le cardinal de Remis vit toujours à Rome, dans une situation indéterminée, qui n’est pas la rupture entre la France et Rome. A la suite des incidents du 13 janvier 1793, où les Français de Rome, d’ailleurs de longue date imprudents, sont attaqués, l’un d’eux, Hugon de Basseville, tué, la Convention inspire des mesures assez brutales au Conseil exécutif provisoire, qui les notifie au pape le 6 février, peu de jours après que lui est parvenue la nouvelle de l’exécution de Louis XVI.

Mais la Convention ne réalisera rien de ce qu’elle avait pu imaginer contre le Saint-Siège, et c’est sous le Directoire que reprend l’expansion révolutionnaire. Dès mai 1790, la Romagne est menacée, et la proclamation de Bonaparte du 2 prairial an IV manifeste clairement l’intention du chef victorieux de marcher sur Rome. Bologne est occupé en juin, et Bonaparte consent à y signer, le 23, un dur armistice sur les bases suivantes : traité définitif avec la France, excuses pour le meurtre de Basseville et indemnité pour les membres de sa famille, libération de tous les détenus politiques, ouverture de tous les ports pontificaux aux bâtiments