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PIE" VI. LA REVOLUTION

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exposer la peine profonde que lui avait causée sa conduite, et l’obligation où il s’était vu forcé de sévir contre lui. Il est vrai que, dé :, le mois d’aoiït, Rohan faisait rédiger par deux docteurs en Sorbonne sa défense, qui fut portée à Rome par eux, et introduite par le cardinal Albani. Au consistoire secret du 18 décembre 1786, Pie VI releva Rohan de sa déchéance, et il devait encore intervenir par la suite en faveur du triste prélat. Louis XVI, de son côté, lui avait à peu près pardonné, lui accordant, le 26 décembre 1788. des lettres de grâce, avec la permission de réintégrer son diocèse, sans toutefois passer par Paris, ni par la résidence royale.

Toute cette affaire s’était développée pendant l’absence du nonce Doria, et elle avait eu comme observateur romain l’auditeur de nonciature Pieracchi. C’est en décembre 178(i que le nouveau nonce, Dugnani, fut autorisé à partir pour la France. Il fut mis au courant des événements graves qui venaient de se dérouler par le même Pieracchi. lequel ne devait quitter le royaume qu’au moment où la Révolution éclatait définitivement. Sur le plan ecclésiastique, on sait les raisons qui expliquaient celle-ci : une application nocive du concordat de 1515 qui réservait les hautes prélatures à la noblesse ; la non-résidence des évêques dans leurs diocèses, 7 millions de revenus réservés aux 15 archevêques et aux 79 évêques, alors que le bas clergé, réduit à la portion congrue, pâtissait dans les lourdes taches curiales : des ordres monastiques en pleine décadence, en dépit des efforts tentés par la Commission des réguliers. Au sein de l’Église, de tels abus trouvaient de naturels adversaires dans les esprits soucieux de vertu chrétienne, inquiets des progrès de l’impiété. Mais l’impiété elle-même avait gagné des membres éminents du clergé, et il suffit, à cet égard, de rappeler les noms du cardinal de Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, puis de Sens et de l’évêque d’Autun, Talleyrand. L’Agence du clergé, qui fonctionnait dans l’intervalle des sessions quinquennales de l’Assemblée du clergé, avait restreint son activité à de pures opérations administratives et fiscales, et oublié les précédents, pourtant peu anciens, d’une offensive positive contre le philosophisme envahissant. Aucun esprit de résistance n’apparaissait. Bien plus, l’auditeur de Rote. Louis Sifferin de Salamon. conseiller-clerc du Parlement, correspondant officieux de Rome aux approches de la Révolution et bientôt internonce, faisait partager au Saint-Siège ses illusions propres sur la valeur politique et morale de Loménie de Brienne, qui, tombé du pouvoir, reçut la pourpre cardinalice au consistoire du 15 décembre 1788.

III. PlE VI ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE. Le

développement de la Révolution, à dater de la réunion des États généraux (5 mai 1789), ne devait pas tarder a sembler dangereux au pape. Au mois de septembre, celui-ci adressait à Louis XVI un bref en français, pour l’encourager au sein des difficultés dont il était accablé. Le roi l’en remercia le 1° octobre, l’assurant qu’il veillerait de toutes ses forces au maintien des traditions catholiques en France. En fait, il louvoyait ; le I août, il avait cru désarmer l’offensive révolutionnaire en nommant ministres deux prélats qui avaient soutenu la fraction radicale du clergé, Le Franc de Pompignan, archevêque de Vienne, et Cicé, archevêque de Bordeaux. Il ne renonçait pas, d’autre part, à l’idée d’un coup diktat. C’est [jour empêcher celui-ci que les Parisiens opérèrent, le G octobre 1789, la marche sur Versailles, qui aboutit à l’installation de la famille royale à Paris. Dans la nuit du 4 août, déjà, avait été volée la suppression de la dîme ecclésiastique. Le 28 octobre. Target proposa la suppression des vœux monastiques, qui sera votée le 12 lévrier 1790. Le 2 novembre, sur la proposition de Talleyrand, les

biens de l’Église sont mis à la disposition de la nation. Pie VI suit avec anxiété la crise. A Rome même, sa police avait mis la main sur la plupart des membres de la loge qui s’y était établie et, le 27 décembre 1789, était arrêté Cagliostro-Balsamo, qui devait mourir plus tard dans la forteresse de San-Leo. Le 29 mars 1790, le pape, qui a la chrétienté tout entière à gouverner, expose aux cardinaux ses inquiétudes en ce qui louche les événements de France. Mais que faire, avec un clergé dispersé, un roi dépouillé de son pouvoir, un peuple entraîné par des idées fausses, sinon prier Dieu ? Le pape devait renoncer à cette politique négative en présence de deux nouvelles innovations : la constitution civile du clergé, la mainmise sur le Comtat Venaissin et sur Avignon.

Dès le 10 mai 1790, le comte de Montmorin, ministre des Affaires étrangères, entretenait le nonce de la première ; les prélats français, adversaires de la réforme, ne cessent pas d’informer Mgr Dugnani des tendances .schismatiques de cette réforme, tandis que Louis XVI, de son côté, charge le cardinal de Bernis, ambassadeur de France à Rome, de remettre au pape un mémoire sur la question. Pie VI fut très net dans sa réponse, datée du 10 juillet : « Si vous approuvez les décrets relatifs au clergé, vous entraînez par cela même votre nation entière dans l’erreur, le royaume dans le schisme, et vous allumez peut-être une guerre de religion. «  Des brefs adressés par le pape aux archevêques de Vienne et de Bordeaux ne furent pas moins explicites. Toutefois, tous ces textes gardèrent un caractère privé, car le pape ne croyait pas que le texte préparé serait sanctionné par le roi, et, d’autre part, le cardinal de Bernis estimait qu’un schisme pourrait être évité au moyen de concessions réciproques. En fait, la constitution civile du clergé fut votée le 12 juillet 1790 et sanctionnée’par le roi le 24 août. L’annonce officielle delà sanction royale consterna Pie VI, qui adressa aussitôt un manifeste à toutes les puissances catholiques pour formuler sa condamnation. D’autre part, dans un nouveau mémoire transmis par le cardinal de Bernis, Louis XVI expliquait les raisons qui l’avaient amené à sanctionner le texte litigieux, et surtout sollicitait du pape qu’il élevât la voix. Le roi soulignait dans ce document, et dans deux autres qui suivirent à peu d’intervalle, les points sur lesquels on pouvait s’attendre à l’adhésion du Saint-Siège, particulièrement en matière de création et de suppression de diocèses. Le bref pontifical du 17 août 1790 marqua la position de Rome : « Il appartient à l’Église seule, à l’exclusion de toute assemblée purement politique, de statuer sur les choses spirituelles. » Si le pape a gardé le silence, c’était pour ménager la France, pour lui permettre de revenir au catholicisme qu’elle paraît répudier. Et cependant. Pie VI hésitait encore à condamner la constitution civile ; dans un nouveau bref du 22 septembre 1790, il réitérait seulement ses admonestations. Mais l’opposition à la constitution devait grandir, à mesure que le pouvoir en exigerait l’application, dont le premier acte fut, à la fin d’octobre 1790, l’élection de l’abbé Expilly au siège épiscopal de Quimper, et surtout lorsque, en conséquence des articles 21 et 38 de la constitution, le serment fut exigé des fonctionnaires ecclésiastiques par le décret du 27 novembre 1790. Après avoir consulté Mgr de Boisgelin, archevêque d’Aix, Louis XVI, pressé par l’Assemblée, et cédant à la violence, sanctionna le nouveau décret. Ce devait être le point de départ du schisme. Voir, pour le détail. I art. CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ, t. ni. col, 1537-16C4, surtout col. 1577 sq.

Le 27 décembre, des 300 ecclésiastiques, membres de la Constituante, 65 seulement prêtèrent le serment, dont, pour les prélats, Talleyrand, Jarente, Loménie de Brienne et Savines. Partout en France, du fait du