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PIK VI. L’ANCIEN RÉGIME

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Après les deuxième et troisième partages de la Pologne, des difficultés analogues à celles-ci devaient surgir entre la Russie et le Saint Siège. Elles sont à leur maximum au moment de la mort de Catherine (1796), mais s’apaisent au inoins partiellement sous Paul 1 er, en partie grâce à l’heureuse politique du nonce Litta (voir son article), envoyé extraordinaire du pape au sacre de l’empereur.

Parmi les États non catholiques on doit noter cependant que la Suède garde une attitude décente. Dès

1779. la diète avait rendu au catholicisme un peu de liberté. Entre Gustave III et Pie VI des lettres furent échangées et, à la fin de 1783. le roi de Suède arrive à Rome, le cardinal de Remis, chez qui il était descendu, servant d’intermédiaire entre Gustave III et le pape.

5° L’Italie. - — En Italie même, où les Bourbons avaient plus d’une fois causé des ennuis à Pie VI et où le despotisme éclairé avait des adeptes, le grand-duc Léopold de Toscane, frère de Joseph II, suivit une conduite analogue à celle de l’empereur. Il voulut tout d’abord mettre les couvents de ses États sous la dépendance des Ordinaires (1774). Mgr Ippoliti, évêque de Pistoia-Prato, s’empressa d’user des pouvoirs qui lui étaient ainsi donnés à l’égard des couvents de Sainte-Lucie et de Sainte-Catherine, et imposa à ceux-ci des confesseurs séculiers : une partie du public toscan les accusait, en erï’et, d’avoir toléré de leurs anciens confesseurs dominicains un enseignement erroné et des habitudes immorales. A coup sûr, certains abus avaient pu être constatés dans des couvents masculins, dont les habitants ne craignaient pas de sortir la nuit. Mais c’est à des moyens canoniques que Léopold aurait dû recourir pour extirper ces abus. Seulement, la tradition canonique commençait déjà à disparaître de Toscane à mesure que se développaient l’autorité et le rôle de Scipio de’Ricci.

Né à Florence en 1741, ordonné en 1766, Ricci, élevédans des tendances assez jansénistes par les bénédictins du Mont-Cassin, devenait, en 1770, vicaire général de l’archevêque de Florence. Mais, dès 1775, il avait, au cours d’un voyage dans les Deux-Siciles, noué des relations avec Serrao, le futur évêque de Potenza, qui devait participer aux mêmes tendances. Rien d’étonnant, dès lors, que Ricci ait suivi, et même activé la politique de Léopold qui le fit agréer par Pie VI, en

1780, pour le siège de Pistoia-Prato. Tout en poursuivant les suppressions de couvent dans le grand-duché, Ricci publiait des opuscules de liturgie populaire, des calendriers remplis de rubriques nouvelles ; il essayait d’acclimater le culte en langue vulgaire, condamnait la pluralité des autels dans la même église, critiquait la pratique des indulgences, affirmait une doctrine contestable sur le sacrifice de la messe. II crut bon de faire approuver toutes ces nouveautés dans un synode, dont le principe lut approuvé par le grand-duc jusqu’au moment où celui-ci s’aperçut du danger que la politique riccienne lui faisait courir (1786). Le synode annoncé s’ouvrit pourtant le 18 septembre et dura dix jours : il avait adopté des déclarations parfaitement inadmissibles touchant le pouvoir du pape, faillible et inférieur au concile, les dispenses matrimoniales, les cas réservés, les ordres religieux. Voir l’art. Pistoie. Après la clôture, les évêques de Chiusi et de Colle adhérèrent aux principes qui y avaient été soutenus, dans des pastorales qui firent du bruit. Mais les réformes ricciennes choquaient axant tout le petit peuple de Toscane, et des sortes d’émeutes religieuses éclatèrent en mai 1787 à Prato ; on alla jusqu’à prétendre que ces émeutes auraient eu le pape pour instigateur. Mais une partie du clergé grand-ducal ne participait pas aux erreurs de Scipion de’Ricci ; une assemblée ouverte à Florence, le 1 er juin 1787, prit en

plusieurs points le contre-pied du synode de Pistoie. De Rome même, partirent des brefs condamnant les initiatives de Ricci, qui y répondit au moyen de brochures sarcastiques imprimées par les presses épiscopales. Kn février 1787 parurent, par ses soins, les actes du synode de Pistoie, munis de l’imprimatur grand-ducal. Cette publication le desservit extrêmement auprès du clergé et des fidèles de son diocèse. et davantage auprès du grand-duc Léopold. Kn juin 1790, une circulaire de celui-ci à tous les évêques toscans rapportait en partie les innovations ricciennes adoptées.

l T ne nouvelle émeute chassa Ricci de son siège. Il est vrai que Léopold, devenu empereur par la mort de son frère Joseph II, profita du voyage qu’il fit en Toscane en avril 1791, lors de l’installation de son fils Ferdinand comme grand-duc, pour rétablir Ricci à Pistoie. Mais Ricci démissionna peu de temps après (3 juin 1791) et Pie VI, qui avait cru inutile d’entrer à son sujet en conflit avec Léopold, condamna les erreurs du concile de Pistoie par la bulle Auctorem fldei du 28 août 1794. Les propositions de cette bulle permettent d’apprécier l’extension en Italie de ce jansénisme révolutionnaire, qui rentre parmi les causes des bouleversements dont la péninsule allait être le théâtre, dès que les événements français y auraient leur répercussion. Quant à Ricci, en 1801, il assura l’épiscopat constitutionnel français, lors du concile de Paris, auquel il s’excusa de ne pouvoir se rendre, de toute sa sympathie. Mais il s’était, en fait, réconcilié avec le Saint-Siège avant la révolution romaine : il renouvela sa réconciliation en 1805 et mourut le 27 juillet 1810, non loin de Florence.

A Rome même, pour terminer cette revue des pays de l’Italie, les jeunes artistes français, soutenus par quelques seigneurs d’un libéralisme aventureux, avaient fondé une loge maçonnique qui semblait narguer les foudres du Saint-Office.

Fébronianisme, joséphisme, ricciisme, jansénisme, maçonnerie, tous ces mouvements de pensée, où se marquent à la fois l’ambition de certaines personnalités et le désir de réformes souvent contestables, ont une importance capitale pour l’interprétation des doctrines et des faits que la révolution française allait faire surgir. Ces doctrines et ces faits n’apparaissent pas, en effet, dès lors, isolés dans le monde catholique ; ils se rattachent à tout cet ensemble de critiques et d’attaques dont le Saint-Siège a été l’objet pendant la première partie du pontificat de Pie VI. La faiblesse des ripostes de ce pape est, d’autre part, la conséquence de l’évolution régressive de la papauté au xviii siècle. Et, dans cette évolution, peut-être doit-on faire rentrer la dispersion de la Compagnie de Jésus, condamnée par Rome même, au point que certains penseurs issus de la Compagnie tendront à trouver la cause à la fois de la condamnation des jésuites et des malheurs de Rome dans un immense complot révolutionnaire, perpétré au sein de la francmaçonnerie et du philosophisme (Rarruel).

Les Pays-Bas.

Tout au voisinage de la France,

les Pays-Ras autrichiens au Nord, l’Espagne et le Portugal au Sud, avaient, avant 1789, été le théâtre de certains événements qui, dans le sens à l’instant indiqué, n’avaient pas manqué d’inquiéter Rome.

Joseph II, en effet, en dépit du serment qu’il avait prêté devant le primat des Pays-Bas, lors de sa prise de possession (1781), avait décrété la suppression de la bulle Unigenitus, puis supprimé des couvents, interdit aux évêques de publier des lettres pastorales ou mandements sans son autorisation, substitué aux sénù naires épiscopaujx des séminaires généraux, où l’enseignement devait être donné par des professeurs d’une doctrine au moins douteuse. En décembre 17M>. des troubles éclatèrent à Louvain, à la suite d’une sorte de