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PIK VI. L’ANCIEN RÉGIME

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Trêves et de Maycnce abandonnèrent tant bien que mal la résistance, encore que le second se soit encore plaint devant la diète de Ratisbonne, en 1791, de l’attitude de Rome. L’alïaire de la Punctatio d’Ems s’évanouissait alors devant le problème que suscitait la Révolution française.

Les cours du Nord.

A ces difficultés s’en joignaient

d’autres un peu partout, à la suite de l’exécution par Pie VI du bref de Clément XIV sur la suppression de la Compagnie de Jésus, dans les États d’où les jésuites n’avaient pas encore été chassés. En Pologne, le nonce doit s’occuper des démarches d’un ancien P. Torczinski, qui se prévalait de la protection passée de la femme de Louis XV, Marie Leczinska. En Prusse, Frédéric II, qui n’est peut-être pas étranger à la diffusion des deux brefs apocryphes autorisant exceptionnellement la non-application du bref de suppression, interdit aux évêques et prélats de séculariser les jésuites, et il faut que le nonce, consulté par eux, leur communique les vues du Saint-Siège, qui, forcé de respecter celles des cours bourboniennes, ne pouvait faire machine arrière et précisait sa doctrine : les évêques pouvaient utiliser les jésuites non pas comme tels, mais comme prêtres séculiers. Finalement, Frédéric II se rallia à cette politique, au moins d’abord pour le diocèse de Breslau (1776), et c’est par une extension progressive que le bref finit par être publié partout (1780). Dans les électorats de Mayence et de Cologne, surgirent, de même, de nombreuses difficultés. Encore est-il que, nulle part, semble-t-il, personne n’a songé à utiliser les déclarations du général de la Compagnie de Jésus, Laurent Ricci, emprisonné au château Saint-Ange, avec ses assistants, et qui, avant de mourir (24 novembre 1775), affirma que la Compagnie de Jésus n’avait donné aucun motif à sa suppression, ni lui-même à sa propre incarcération.

La question des jésuites compliqua semblablement le conflit qui venait de mettre aux prises Rome et la tzarine Catherine II. Celle-ci avait voulu, dès 1772, à la suite du partage de la Pologne, créer pour la Russie-Blanche l’évêché de Mohilev, qu’elle songeait à confier à Stanislas Siestrzencewicz, évêque in partibus de Mallo, lequel serait chargé, en outre, de la juridiction sur tous les catholiques latins en Russie. Cet acte abusif d’autorité avait suscité, sous Clément XIV, des réserves à Rome, d’où partirent des observations à destination de Catherine, mais confiées, pour qu’elles parvinssent exactement à leur adresse, à l’impératrice Marie-Thérèse. Dès le 25 mai 1775, Pie VI reprit la question, demandant à la tzarine d’interdire aux catholiques, du rit latin ou du rit russe, de passer à la religion grecque orientale, insistant pour obtenir deux évêques en Russie-Blanche, un par rit. Il sollicitait, en outre, la restitution de leurs biens aux Églises spoliées en Pologne, lors du récent partage, et en Ukraine, par suite des évictions opérées par l’évêque schismatique de Periaslaw. Le bailli de Malte, Sagramoso, fut chargé de porter à la tzarine le mémoire où étaient exposés ces différents points, et il devait encore demander à Catherine II d’instituer à Rome un chargé d’affaires. Cette mission fit long feu quilletnovembre 1775). Catherine II noya toutes les réclamations dans un flot de promesses vagues. Plus nette était sa politique à l’égard des jésuites, auxquels elle refusait catégoriquement d’appliquer le bref de Clément XIV ; Siestrzencewicz alla même, par sa pastorale du 30 juin 1779, jusqu’à leur permettre d’ouvrir un noviciat. Cette pastorale fit grand bruit, d’autant que le prélat semblait s’abriter derrière des autorisations romaines. Il en résulta, chez les puissances catholiques, de nouvelles inquiétudes, que la netteté des réponses du Saint-Siège parvint à dissiper ; il en résulta surtout une tension très forte entre la curie et la tzarine. Celle ci, d’ailleurs, estimant qu’aucune autorité ne pouvait limiter son absolutisme, continuait à affirmer la prétention de nommer et de nommer seule aux évêchés de l’empire, et de ne considérer l’institution canonique que comme une formalité secondaire. Ainsi s’explique les incidents survenus à l’occasion du siège archiépiscopal uniate de Polotsk, et qui déterminaient le pape à écrire à Catherine II une lettre très modérée et cependant ferme, où il demandait à la tzarine d’éviter le scandale d’une nomination portant sur un pasteur d’une religion différente, en l’espèce sur un Grec nonuni (16 septembre 1780). En même temps. Siestrzencewicz continuait de jouer, dans l’alïaire de la sécularisation des jésuites, un rôle fortement oblique. De fait, incapable de résister aux volontés de Catherine II, ambitieux et peu véridique, il louvoyait devant les exigences de Rome, pourtant adoucies par l’intermédiaire même, du nonce en Pologne, Archetti. En octobre 1782, une congrégation groupait à Polotsk trente-deux jésuites, qui élisaient un vicaire général en la personne du provincial Czerniewiez ; le prince Potemkin, visitant celui-ci, l’avait d’ailleurs assuré publiquement de la protection de l’impératrice. D’autre part, le gouvernement russe insistait pour la concession du pallium à l’évêque de Mallo et la désignation d’un coadjuteur de celui-ci dans la personne de l’ex-jésuite Benislawski. Pie VI ne devait pas résister à la pression de la tzarine, qui tenait, malgré tout, dans ses mains, le sort de deux millions de catholiques. Il s’engagea dans la voie qui lui était pourtant si brutalement indiquée : sa lettre à la tzarine du. Il janvier 1783 annonçait le départ d’un ablégat chargé de procéder aux désignations demandées. L’humilité peut-être excessive de ce texte suscita fatalement les représentations énergiques de la France et de l’Espagne ; elle fut, par contre, bien accueillie à Saint-Pétersbourg, où l’on demanda, par surcroît, que le nonce Archetti fût chargé de l’ablégation. Dans l’intervalle, Benislawski vint à Rome, d’où il rapporta, selon ses déclarations ultérieures, des paroles de Pie VI rassurantes pour les jésuites, cependant que le cardinal Pallavicini, secrétaire d’État, continuait à traiter ceux-ci de « réfractaires » et à faire grief à l’évêque de Mallo de sa pastorale du 30 juin 1779. Le voyage d’Archetti scella la réconciliation entre Rome et la tzarine (mai 1783-juillet 1784) : promesse d’un archevêque grec-uni à Polotsk ; érection d’un siège archiépiscopal à Mohilev ; consécration d’une église catholique à Saint-Pétersbourg ; imposition du pallium à Siestrzencewicz ; désignation de Lissowski comme archevêque de Polotsk ; sacre de Benislawski comme coadjuteur de Siestrzencewicz, telles en sont les étapes. Des jésuites, il ne fut pas question. Il n’est pas étonnant qu’au terme de sa randonnée en Russie, Archetti ait obtenu le chapeau de cardinal demandé pour lui par Catherine II (consistoire du 20 septembre 1784). L’entremise d’Archetti, en ces circonstances, peut être rapprochée du rôle que le fils et la bru de Catherine II avaient pu jouer à Rome, sous les noms de duc et de duchesse du Nord, au moment où, quelque temps avant de partir pour Vienne, Pie VI les avait vus. On peut, au surplus, trouver entre les résultats obtenus par le Saint-Siège à Vienne et à Saint-Pétersbourg des analogies assez grandes ; de part et d’autre, on constate l’embarras du pape, contraint de céder devant les brutalités, masquées ou non, de Joseph II et de Catherine II, obligé de tenir compte par ailleurs des exigences des cours de Madrid et de Versailles touchant les jésuites.. Tout de même, l’histoire mouvementée des négociations de Pie VI avec Catherine II n’est pas sans intérêt dans la série des relations du Saint-Siège avec les puissances schismatiques et dans l’analyse du « despotisme éclairé ».