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164’PIE IV

PIE V. SA LUTTE CONTRE L’HERESIE

1648

général P. Richard, dans son Concile de Trente, L930-1931, indiqué plus liant ; G. Constant, Concession à l’Allemagne de

lu communion sous les deux espèces. Étude sur les débuts de la réforme catholique en Allemagne (18H-1631), 121° fascicule de la Bibliothèque des écoles françaises d’Athènes et de Rome Taris, 1923 ; H. Outram Evennett, The cardinal of Lorraine, and the council of Trent, A studg in the counter-reformation, Cambridge, 1930.

G. Constant.

PIE V (Saint), pape du 7 janvier 1566 au 1° mai 1572.

Michel Ghislieri, né le 27 janvier 1504 à Bosco, d’une famille noble mais ruinée, lit ses études chez les dominicains de Foghera, entra dans l’ordre à quinze ans, reçut le nom de Michel Alexandrin, fut ordonné prêtre en 1528, se fit remarquer par son intelligence, prit ses grades à l’université de Bologne et enseigna avec succès pendant seize ans la philosophie puis la théologie. Après avoir été prieur de Vigevano, puis d’Albe, il fut nommé inquisiteur à Côme. Dans ce poste difficile, il déploya une indomptable énergie pour arrêter les doctrines protestantes qui s’insinuaient secrètement en Lombardie : brisant les complicités que la Réforme trouvait même chez certains membres du clergé, il ne craignit pas de faire déposer Soranzo, évêque de Bergame. Son intelligente vigueur conquit l’admiration du cardinal Caraffa qui le fit nommer commissaire général du Saint-Office (non maître général, comme le dit à tort Moréri) et qui, devenu pape sous le nom de Paul IV, en 1555, le promut évêque de Sutri et Nepi, puis, bientôt, cardinal (15 mars 1557) du titre de la Minerve, ensuite de Sainte-Sabine, avec la charge d’inquisiteur général de toute la chrétienté. Après l’élection de Pie IV, il partagea quelque peu la disgrâce des amis de Paul IV et fut nommé évêque de Mondovi, en Piémont, mais il fut bientôt rappelé à Rome où sa présence apparut nécessaire ; il dut agir contre les huit évêques français accusés d’hérésie, sans se laisser briser par la résistance de la cour de France qui invoquait les libertés de l’Église gallicane.

Il montra sa rude indépendance quand il fut seul à protester contre le dessein de Pie IV de conférer la pourpre aux princes Ferdinand de Médicis et Frédéric de Gonzague, respectivement âgés de treize et de vingt et un ans ; il fut plus audacieux encore quand il s’opposa à l’intention du pape de faire allouer par la Chambre apostolique une somme de 100 000 ducats à son neveu Annibal Altemps.

A la mort de Pie IV, il fut élu à l’unanimité pour lui succéder et sur le désir de saint Charles Borromée, qui avait contribué à son élection, il prit le nom de Pie V pour rassurer les amis de son prédécesseur et reconnaître les mérites du pape qui avait mené à bonne fin le concile de Trente, mais il fit aussitôt reviser le procès des Carafîa. Voir ci-dessus, col. 1635.

L’usage était que les papes, à leur couronnement, fissent des largesses au peuple de Rome, il préféra distribuer d’abondantes aumônes aux pauvres. Il s’imposa à l’admiration et au respect de tous par sa piété, son austérité et son amour de la justice. Il trouvait le moyen de dire sa messe tous les jours et de faire deux méditations à genoux devant le très saint sacrement. Il mourut le 1’r mai 1572, fut béatifié par Clément X en 1672 et canonisé le 1 août 1712 par Clément XI. Son corps est conservé dans l’église Sainte-Marie-Majeure.

I. La lutte contre l’hérésie. — Le zèle de saint Pie V se manifeste pour la défense de la foi contre le protestantisme qui menace d’envahir l’Europe tout entière.

En Allemagne.

Maximilien II souhaitait secrètement

affranchir ses Iitats de toute juridiction romaine ; cédant aux sollicitations des princes protestants, il avait réuni une diète à Augsbourg (1560 ; sous

le prétexte mensonger de mesures à prendre contre les musulmans. A peine élu, Pie V ordonne à son nonce Commendone d’y assister, de ne tolérer aucun amoindrissement des prérogatives du Saint Siège et de s’opposer à toute irruption dans le domaine de la foi. Le légat obtint gain de cause. Peu après, nouvelle diète à Spire (1570) ; le pape, dont le prestige a grandi, menace de déposer l’empereur et déjoue par sa vigueur les projets qui s’élaboraient contre le catholicisme.

Pie IV avait exigé une profession de foi conforme aux décisions du concile de Trente et certaines universités allemandes se refusant à prêter le serment, l’énergie du pape les y contraint, notamment à Ingolstadt.

Pour répondre aux Centuries de Magdebourg, Pie V charge Canisius de leur opposer un travail analogue. Le saint docteur composa un i" volume, De corruptelis verbi Dei, et comme le travail dépassait les possibilités d’un seul homme, le pape lui adjoignit plusieurs cardinaux, notamment Sirlet et Hosius. Il encouragea le chartreux Laurent Sirius à poursuivre sa Vie des saints Pères.

En France.

Le pays était désolé depuis plus

de quatre ans par les guerres de religion ; il y envoie Michel Turiani prier Catherine de Médicis d’éloigner de ses conseils le cardinal hérétique Odet de Châtillon, sous peine de n’obtenir dorénavant le chapeau cardinalice pour aucun prélat français. Achevant le procès des huit prélats convaincus d’hérésie, il les déclare « nominativement privés et déchus de tous titres, droits et honneurs épiscopaux, soit au spirituel, soit au temporel ». Comme la cour de France refuse d’exécuter sa décision, il évite par prudence de leur donner des successeurs.

Il revient sans cesse à la rescousse pour décider la régente à brider le protestantisme et, comme celle-ci prétend manquer de ressources, il lui fournit des troupes et des subsides, tant cette lutte lui paraît nécessaire « pour la cause de Dieu et le salut du royaume ». Par contre, lorsqu’il apprend que la cour de France ourdit dans l’ombre l’assassinat de Coligny et du prince de Condé, il la désavoue et la blâme. Ce qu’il veut, c’est une croisade parallèle à celle qu’ilorganise contre les Turcs, guerre défensive aux yeux de ceux qui savent que « tout en poussant très loin l’art de se faire passer pour des victimes, les protestants furent les instigateurs de toutes les violences ». (Baudrillart.) Après les succès de Jarnac et de Moncontour (1569), il ordonna des cérémonies d’actions de grâces dans les basiliques majeures de Rome, mais il regretta la malheureuse paix de Saint-Germain (août 1570) parce qu’elle ne sut pas utiliser les avantages obtenus.

Ce fut pour empêcher l’alliance plus étroite des protestants et des catholiques qu’il refusa d’accorder la dispense nécessaire pour le mariage d’Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, sœurdu roi ; il essaya même, d’ailleurs sans succès, d’unir cette princesse avec le roi de Portugal, don Sébastien.

En Angleterre.

Pie V montra une audacieuse

énergie lorsque, venant seul au secours de l’infortunée Marie Stuart, il osa promulguer en consistoire la bulle Regnans in excelsis qui excommuniait la reine Elisabeth et déliait ses sujets de leur obédience (février 1570). La reine, exaspérée, non contente de faire exécuter le courageux Felton qui avait affiché nuitamment en plein Londres la bulle pontificale, répliqua aussitôt par trois bilfs qui soumettaient les catholiques à des mesures vexatoires.

Pie V pressa vivement Philippe II de descendre en Angleterre et peut-être le roi d’Espagne eût-il réalisé ce projet, si le duc’d’Albe ne l’eût prévenu que la France profiterait de cette expédition pour envahir les Pays-Bas.