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PECHE. SUJETS DU PECHE

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tel péché spécifiquement moins grave, comme l’homicide, soit jugé plus grave et en conséquence davantage puni que le parjure, par exemple, plus grave selon son objet. Les théologiens énoncent communément la distinction que nous venons de faire, avec les mots de gravité au sens physique et gravité au sens moral. Salmanticenses, op. cit., disp. IX, dub. ni. La distinction semble parfaitement légitime, pour autant que les circonstances et le volontaire modifient la gravité spécifique des péchés ; mais elle ne fait que trahir par ailleurs l’impuissance où nous sommes de réduire à l’unité les différents critères de gravité, et la part 'de convention que retiennent les jugements des humains sur le péché et, en général, sur la conduite morale.


V. Du sujet du péché.

Comme on établit de la moralité en général quelles parties de l’homme elle aflecte, on demande maintenant du péché où il se trouve répandu chez le pécheur. Cette nouvelle considération doit nous découvrir le péché dans l'âme qu’il souille, contaminant ave ; la volonté les puissances qui participent de celle-là. Elle doit, en outre, nous fournir des précisions, prises de cette notion du sujet, relatives à la gravité du péché.

La théologie classique est sur ce point abondante, car elle eut à organiser ce qui avait été l’une des spéculations favorites des anciens docteurs chrétiens, saint Augustin notamment, sur le péché. Il était assez naturel que l’on abordât cette réalité, non comme devant faire une étude postérieure, par l’essence (nous avons nous-même suivi ce plan métaphysique), mais. d’une manière psychologique et concrète, selon sa genèse et son développement dans l'âme du pécheur, depuis le premier émoi sensible où il commence, jusqu’au consentement de la volonté où il se consomme. La gravité du péché elle-même fut de préférence évaluée selon le point de développement où se tenait le péché ; longtemps la scolastique usa de cette méthode et se référa au sujet pour distinguer notamment les péchés mortels d’avec les péchés véniels. Histo rique de cette théologie, dans A. Landgraf, Parles anima norma gravitalis peccati. Inquisitio dogmalicoliistorica, Léopold, 102°), in-8°, 54 p. L’effort doctrinal a consisté ici dans un assouplissement progressif -des données traditionnelles, grâce à quoi l’on rendît mieux compte de la manifeste diversité du réel ; cependant que peu a peu s’affirme l’idée de genres de péchés », gênera peceatorum, et celle du péché mortel tenu pour une aversion loin de la fin dernière ; par là on transportait insensiblement le critère de la gravité du sujet, où on l’avait cherché d’abord, à l’objet, où il serait dorénavant fixé. En définissant que la gravité d’un péché se prend premièrement de l’objet, saint Thomas conclut vigoureusement les essais de ses prédécesseurs et donne à cette nouvelle méthode, incomparablement plus souple, sa consécration. Mais, comme les initiatives de saint Thomas ne l’ont jamais détaché de la tradition, on le voit qui fait une place, dans son traité du pé< hé, à cette question du sujet et des gravités qui s’y rapportent, la plus notable part de l'étude du péché dans la scolastique antérieure. Il n'était pas sans bénéfice de procéder ainsi. la laveur de cette convenance traditionnelle, on traite la question métaphysique du sujet qu’imposai) le système ; cependant que l’on se donne l’avantage de considérer le j>éché sous un aspect n< uveau et de recueillir les meilleurs résultats du passé. Il reste que cette pari ie <Iu traité, où saint I homas combine curieusement sa pensée originale avec les matériaux traditionnels, n’offre point la simplicité ni la net teté qu’elle eût obtenues dans le.is d’une spéculation Indépen dante.

I. /, L. bujbts di Nous savons déjà

que le péché se trouve seulement où il a acte volori

taire. C’est dire que la volonté est le principe propre du péché. Or, le péché est un acte immanent. Les actes moraux le sont tous ; ils ne passent point de leur principe à une matière extérieure dont ils deviennent l’acte, mais ils sont l’opération de la puissance qui agit (on dira ci-après en quel sens des actions transitives ont part à la moralité). De ce chef, la même puissance d’où procède l’acte, en tant que moral, en est aussi le sujet. La volonté, qui est le principe du péché, en est donc aussi le sujet. En d’autres termes, le péché se trouve dans la volonté. Il souille la puissance même d’où il est issu. Sum. theol., D-lf. q. lxxiv, a. 1.

Mais l’on sait aussi que les actes volontaires ne procèdent pas immédiatement de la seule volonté. Outre les actes dénommés élicites, il est ceux que la psychologie classique de l’acte humain dénomme les actes impérés. Dès lors, peuvent être sujets du péché toutes les puissances qui sont mobiles à la volonté, soit qu’elle les meuve, soit qu’elle les détourne d’agir. Où il apparaît assez que celle-ci, qui n’est point le seul sujet du péché, en demeure néanmoins le sujet universel et principal. Ibid., a. 2 ; Cajétan, in loc., a. 1.

Les théologiens ont énoncé, sur la participation des puissances au péché, telle que nous venons de la rapporter, de grandes précisions. Ils disent que l’acte mauvais de certaines puissances possède une malice intrinsèque, et distincte réellement de la malice qui est dans l’acte de la volonté ; il ajoute donc à la malice de celui-ci : mais parce que cette malice de surcroît dérive initialement de la volonté, on n’a pas deux péchés mais un seul. Cette doctrine revient à celle-là que les vertus et les vices ont pour sujet non la seule volonté mais aussi d’autres puissances. Et l’on déclare par là qu’il y a dans les puissances dont il s’agit une participation du volontaire qui consiste en ceci : que ces puissances, étant mobiles à la volonté, possèdent une opération propre. De leur opération, elles sont vraiment le principe ; cette opération, cependant, est en liaison avec la volonté : on trouve les deux conditions conjointes d’une opération qui n’appartient pas comme à son principe à la volonté, mais qui n’est pas soustraite à l’influence de la volonté. Agunl quodam modo et aguntur, dit saint Thomas de ces puissances. Mais il est de plus requis à la participation dont nous parlons que l’acte de ces puissances soit immanent : faute de quoi sa liaison avec la volonté ne le rendrait pas intrinsèquement volontaire ; car. dans le sujet où il se trouverait, il ne serait pas ab intrinseco, ce qui est l’une des conditions du volontaire. Une telle participation se vérifie pour des puissances comme l’appétit sensible et l’intelligence ; mais aussi pour les tsens internes » : l’Imaginative, la cogitative, la réminiscence. Il est vrai qne saint Thomas ne nomme pas ces dernières, mais on peut dire qu’il a seulement nommé les puissances où le péché s’achève et non relies ou il commence ; or, les péchés qui se trouvent dans les i sens internes n ne se consomment pas en eux, mais dans l’intelligence : puisque leur désordre consiste en ce qu’ils induisent en ignorance ou en erreur, lesquelles, comme la xérité. ne sont complètes que dans l’intelligence. Four le sens commun, il est malaise d’en décider : car a I il des opérations Inde

pendantes « les sensations actuelles'.' Salin., disp..

dub. i : cf. Cajétan. Ml », q. LXXIV, a. 2.

Les membres extérieurs échappent a la participa

tion que nous avons décrite. Leur acte n’est point Intrinsèquement volontaire et. s’il est déréglé, il n’est point Formellement mauvais, ils manquent, en effet,

aux conditions susdites, car. s il est rai qu’ils sont

mobiles a la volonté, ils ne sont point cependant les principes, mais les organes de leurs actes, lesquels

sont des effets plutôt 1 que des opérations. gunlUT sed