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PECHE. GRAVITE INEGALE DES FAUTES


du brutal sur l’humain. Sum. theol., Ia-II*, q. i.xxiii, a. 5 ; cf. un texte fort intéressant, IIa-IIæ q. cxviii, a. 5.

Par une autre application du même principe, on juge de la gravité d’un péché selon la dignité de la vertu à laquelle il s’oppose. Car la dignité de la vertu se prend précisément de l’objet, duquel dépend aussi, nous l’avons dit, la gravité du péché. I a -II ffi, q. i.xxiii, a. 4. Ainsi dirons-nous que les péchés contraires aux vertus théologales sont plus graves, de gravité principale, que les péchés contraires aux vertus morales ; ceux-là sont dirigés contre Dieu, suprême principe de l’ordre raisonnable, ceux-ci contre la créature. On peut confirmer cette appréciation en signalant que l’on se désordonné là non seulement par rapport à un objet plus haut, mais aussi d’une manière plus directe : car on y veut se détourner de Dieu ; l’aversion même — et la pire de toutes — y est l’objet de l’intention volontaire, égarée jusqu'à rechercher un bien dans ce désordre ; l’adhésion à quelque bien périssable n’est que consécutive à ce premier mouvement de la volonté. Tandis que, dans les péchés contraires aux vertus morales, l’on adhère directement à quelque bien périssable, d’où suit l’aversion dont cet acte est frappé : la volonté ne s’y porte donc [joint d’un mouvement droit vers cela même où se consomme la gravité du péché. Cf. Sum. theol., ID-ID', q. xx. a. 1. ad lum. Entre ces deux genres de péchés, se situe le cas singulier de l’orgueil, qui participe de l’un et de l’autre, et dont on peut dire, en un certain sens, qu’il est le plus grave de tous les péchés. Voir ORGUEIL, col. M23 sq.

Il arrive, notamment en matière morale, qu'à la même vertu s’opposent deux vices contraires (on cul l’occasion déjà de le dire plus haut) ; sont-ils également graves ? A la suite d’Aristote, saint Thomas énonce là-dessus une règle générale : c’est que ce vice est le plus grave qui s’oppose davantage à la vertu. Car des deux vices contraires, il advient toujours que l’un est plus semblable à la vertu, ne faisant que trop incliner dans le même sens, tandis que l’autre incline dans le sens contraire. On s’informera donc en chaque cas du sens où incline la vertu. La force, par exemple, est une vertu d’impulsion : l’audace, qui excède dans l’impulsion, ressemble à la vertu davantage que la crainte. Elle est aussi moins grave. La tempérance est une vertu de retenue : l’insensibilité <|ui est trop réservée, ressemble à la vertu plus que l’intempérance. On en déduit sa moindre gravité, etc. Eth. Nie, t. II, c. vin ; S. Thomas, leç. 10.

Sur cette règle de l’opposition à la vertu, les commentateurs de saint Thomas ont énoncé des précisions, dont voici la substance, Salin., disp. IX, dub. I v :

La règle vaut quand l’opposition porte sur l’objet premier et principal de la vertu, don celle-ci revoit sa dignité. I.e schisme, par exemple, oppose a la charité quant à son objet secondaire, savoir le prochain, est moins grave que l’infldéliti

La règle vaut si le peelié. oppose a une ertll in le

rieure. n’inclut pas en outre une opposition à quelque vert h supérieure. L’adultère, par exemple, contraire à la chasteté', est plus grave que le vol, contraire a l.i justice, car il inclut aussi une injustice. D’une façon générale, on observera que les pèches contraires i la tempérance, la moindre des vertus cardinales, ne sont tenus pour si graves que parce qu’ils Incluent opposition soit a la Justice, soit à quelque autre vertu supérieure a la tempérance.

La règle vaut pour les péchés s’opposanl de la même manière aux erlus. c’esl ; < duc toit pal mode de transgression, soit par mode d 'omission. Il est très probable que tel péché d’omission opposé > une vertu supérieure, l’abstention de la messe, par exemple.

est moins grave que tel péché de transgression opposé à une vertu inférieure, soit un homicide.

Dans le cas d’une matière tombant exclusivement sous la loi positive, il se peut que le péché soit plus grave qui était davantage interdit, encore qu’il ne s’oppose qu'à une vertu inférieure. Mais ceci ne vaut que peur les péchés d’omission.

Tout ce que l’on vient de dire de l’opposition aux vertus elles-mêmes s’entend aussi de l’opposition aux actes vertueux, en ce sens que, dans la matière d’une même vertu, ce péché est plus grave qui s’oppose à un acte plus élevé de la vertu.

L'évaluation de la gravité du péché selon les personnes contre qui l’on pèche, n’est qu’une" autre application de la mesure que nous avons dite. Car ces personnes sont de quelque façon objet du péché. L’on peut déterminer leur effet sur le péché, si l 'on considère leurs relations avec ce que l’on sait être les fins plus ou moins hautes de l’action humaine. Offenser une personne conjointe à Dieu soit par la vertu, soit par son office, c’est atteindre de quelque façon Dieu luimême : on aggrave d’autant son péché. Offenser une personne conjointe à soi-même, soit par les liens naturels ou par les bienfaits, ou autrement, c’est dequelejue façon pécher contre soi-même : le péché en est rendu plus grave. Offenser enfin une personne dans laquelle nombre d’autres se trouvent lésées, c’est atteindre son prochain beaucoup plus que dans le cas où l’offense n’aurait pas d’extension ; ainsi advient-il quand le péché porte sur une personne publique ou une personne célèbre : et le péché s’en trouve donc aggravé. Observons que, des trois catégori s de personnes que nous venons de recenser, la première ne donne pas lieu, dans tous les cas, aux péchés les plus graves : car il se peut que l’on doive aimer davantage de charité des personnes conjointes à soi-même qui, cependant, sont moins unies à Dieu. Sum. Iheol., l a -Il ; », q. i.xxiii. a. 9 ; cf. IIMI », q. i.xv. a. 4.

c) Secondairement, la gravité du péché se tire des circonstances du péché. Nous voulons dire, bien

entendu, celles qui demeurent Circonstances et ne

deviennent pas spécifiantes.

De même qu’il est en toute chose une perfection essentielle, due aux principes spécifiques, à quoi s’adjoint une perfection accidentelle, tirée des propriétés et des accidents ; de même, dans le péché, outre cette gravité principale, prise de l’objet, que nous venons de considérer, il est une gravité accidentelle que déterminent les circonstances. Comme une seule circonstance défectueuse peut donner lieu à péché, on conçoit aisément que la multiplication de telles circonstances cause dans le péché une gravité plus grande.

L’aggravation du péché par les circonstances a lieu de deux manières. Ou bien la circonstance est ellemême mauvaise, représentant pour sa pari une certaine corruption de l’ordre raisonnable. En Ce cas. sa propre malice s’ajoute a celle qui vient au pêche de son objet. Soit le prodigue qui, non content dl dépenser trop, dissipe sa fortune en folles largesses :

cette dernière circonstance aggrave, dans le cas, son

péché de prodigalité. Il en Va comme d’une maladie

déterminée qui gagnerait de nouvelles parties (w

corps. Ou bien la circonstance n’est pas de soi mau aisc ; mais, adjointe a ce qui fait le pèche, elle se trou ve augmenter le desordre de l’acte, donc aggrave le péché. Avoir beaucoup on peu d’argent de soi ne dit ni bien ni mal ; mais si c’est l’argent d’aulrui que l’on délient de la sorte, il n’est pas Indifférent que l’on en ail beau

coup ou peu ; la circonstance de la quantité, Joli

la possession indue, contribue ;. la gravité du p( Sum. theol.. I* 1 1. <|. i xxiii. a 7 : De nudo, <|. il. a. 7. t ii classement des circonstances selon leur ordrt d’aggravation, une fois les circonstances spécifiant !