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PÉCHÉ. GRANDEUR DU.PÉCHÉ

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disent-ils, il dort à l’heure des matines polir avoir bu trop de vin ; il est sans bréviaire a l’heure de l’office parte qu’il l’a jeté à la mer), soit proprement un péché, ceux-là mêmes n’excusent pas le sujet de toute faute, car ils entendent hien qu’il a péché au moment où il a librement posé la cause de l’omission. C’est l’appréciation du pouvoir que, l’on a de connaître l’effet de l’acte posé où il faut mettre du discernement et juger selon la complexité des cas particuliers : il sera quelquefois patent ; d’autres fois, il fera manifestement défaut ; il sera assez souvent incertain. Ce que nous devons dire ci-dessous sur l’ignorance comme cause du péché contribuera à décider ces cas..Mais il demeure assuré que le volontaire n’est pas toujours l’objet d’un acte de volonté, il suffît qu’un acte n’ait pas été accompli que l’on pouvait et devait accomplir. Voir Aristote, Elh. Nicom., 1. 111, c. v ; S. Thomas, Sum. Iheol, IMI 33, q. vi, a. 3 ; q. lxxi, a. 5, ad 2° m.

Quelques théologiens ont étendu l’analyse que nous venons de rapporter et apprécié la qualité morale de la cause même de l’omission. Selon Capréolus notamment. Il Sent., dist. XXXV, a. 3, ad 2<" », Durandi contra 2. concl., etles Salmanticenses, disp. V, dub. iii, n. 41, auxquels peut être opposé entre autres Durand de Saint-Pourçain, // Sent., dist. XXXV, q. ii, n. 6, l’acte qui est la cause de l’omission, qu’il soit par ailleurs bon, mauvais Ou indifférent, prend raison de péché en tant qu’ordonné à une omission coupable. Et ils en donnent cette preuve que, poser la cause d’une omission coupable, c’est vouloir l’omission même dans sa cause au moins virtuellement ou de manière interprétative, etc. ; or, la volonté d’un péché est toujours un péché. Ces théologiens entendent bien que leur thèse se vérifie dans les cas mêmes où, posant volontairement la cause, on n’a pas cependant visé l’omission, car alors même il y a une influence réelle de l’acte volontaire sur l’omission, faute de quoi celle-ci ne serait pas coupable. Cet acte, qui possède une malice réellement et physiquement distincte de celle qui est dans l’omission, est coupable dès le moment où il est posé. Aussi demeure-t-il péché, quand même l’omission, en suite de quelque cause ultérieure, n’aurait pas lieu, car il peut arriver qu’un événement imprévu empêche l’effet normal de ce premier acte et que l’on soit conduit à faire cela dont on avait librement préparé l’omission. On ne saurait, en ce cas, parler de péché d’omission, lequel est encouru au moment même où. l’on était tenu d’agir, Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxxi, a. 5, ad 3um ; IIa-IIæ, q. lxxix, a. 3, ad 3 un > ; mais la thèse que nous rapportons signale opportunément que ce hasard n'ôte pas le péché déjà commis, et" dès le temps où la cause de l’omission a été posée. Dans le cas, en revanche, où l’omission advient, l’acte qui l’a causée ne fait numériquement avec elle qu’un seul péché, et pour cette raison qu’il est tout entier ordonné à l’omission. Les cas ne manquent pas où des actes élémentaires, possédant chacun sa malice propre et intrinsèque, se composent en un seul péché. Ajoutons que les actes accompagnant l’omission ou la cause de l’omission, mais qui n’ont pas d’influence sur elle (comme si, ayant décidé de ne point aller à la messe pour en éviter la fatigue, l’on passait le temps de la messe en quelque divertissement), ne sont pas viciés par l’omission et conservent leur propre valeur morale.

Quant à l’omission elle-même, nous avons fait allusion déjà aux théologiens qui voient en elle l’effet d’un péché, et non pas proprement un péché, si elle a lieu quand il n'était plus au pouvoir du sujet de l'éviter. Mais ceux-là mêmes qui, à juste raison croyons-nous, estiment qu’une telle omission est encore en elle-même un péché, lui dénient ce caractère dans le cas particulier où la cause de l’omission, d’ailleurs

librement posée, a pour effet de soustraire le sujet a la loi par rapport à laquelle se dit l’omission : soit un homme qui se rend volontairement malade pour échapper à certaines obligations qu’il redoute, mais auxquelles tout malade échappe. Il peut être utile de rapporter ici la formule de ce cas, telle que l'énoncent les Salmanticenses, disp. Y. dub. vi, n. 105 : Ubi causa impediens alicujus legis adimpletionem exlrahit omittendum ab ipsa lege, sive lalis causa alias peccaminosa ait, sive non, et sive hoc sive illa intentione apponatur, sequentes omissiones, etiam si sint prævisæ aut intenta', non imputantur ut peccata neque in causa neque in seipsis. Ubi vero prsedicta causa omittentem non exlrahit a legis obligatione, et voluntarie apposita est, omissiones sequentes in eu pnevisse vel prmvideri debilæ, omnes imputantur, et sunt jormaliter piccata tam in causa quant in seipsis. Billuart semble oe pas reconnaître le cas où l’on échappe à l’obligation 'de la loi. Diss. 1, a. 4. Par ailleurs, ce théologien signale que le péché d’omission n’est pas encouru si, avant le temps où il doit avoir lieu, on s’est repenti d’en avoir posé la cause et que, cependant, l’on ne soit plus en état d'éviter l’omission. Jbid.

On peut juger maintenant de la constitution du péché d’omission. Il est affecté en tous les cas d’une malice privative, mais qui consiste cette fois en la privation non de la rectitude requise à l’acte, mais de l’acte requis lui-même. Quand il comporte un acte. il possède en outre, avec cet acte, la malice dont celuici est grevé, et qui est privative et positive, selon l’analyse que nous avons faite au paragraphe précédent : car cet acte est privé de la rectitude qui lui revient, et du fait qu’il constitue une tendance sur un objet contraire à la règle de raison. Dans le cas où le péché d’omission a été dit ne comporter aucun acte, il consiste en une pure privation, mais possédant comme un accident la double malice de l’acte qui l’a causée. Si l’omission n’avait pas lieu, l’acte propre à la causer conserve cette double malice, comme nous avons dit qu’il conserve sa culpabilité.

La grandeur du péché.

La règle de raison s’est

introduite en toutes nos analyses. Il n’y a de péché qu’en vertu de cette règle, qui a été contrariée, dont l’acte accompli ne porte point l’empreinte. Elle donne lieu au péché, comme elle commande, en général, l’ordre des mœurs. Le sens du péché dépend donc, premièrement, du sens que l’on a de la requête de raison. Tenir qu’il y a une règle des actions humaines ; qu’elles ne sont point livrées à la fantaisie : que d’aucune l’on ne peut jouer à sa guise : c’est avoir le sens moral, partant, le sens du péché. On ne saurait trop recommander aux hommes, s’ils doivent détester le péché, d'éveiller tout d’abord et d’entretenir en eux la pensée de la règle de raison s’imposant à leurs actes.

Que l’on prenne garde cependant de n’entendre point cette règle comme un précepte impérieux, tirant sa vigueur de l’autorité qui l’impose. Cette règle est une mesure. La reconnaître, c’est comprendre qu'à l’acte humain convient une forme, où il trouve sa beauté. Par la vertu de cette règle, l’acte humain retire des objets où il s’applique cette qualité singulière et cette dignité, que nous appelons la bonté morale. Que l’idée de règle évoque celle d’obligation, il ne faut point s’y méprendre mais voir en cette obligation l’exacte rigueur avec quoi s’impose la bonté morale à notre nature. Il est requis que nous mesurions sur la raison notre action en tant que le vœu de notre nature est d’obtenir la plénitude de sa perfection. Le péché s’entend bien dans une morale de la béatitude : il n’est rien de plus opposé que cet accomplissement de l’homme à la démesure, à la difformité, au mal du péché.

Saint Thomas estime qu’il y a une notion philoso-