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PÉCHÉ. NATURE

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il déclare : » Qui a le droit de vous accuser ? Personne, certes, parmi les hommes : mais Dieu cependant te blâme, exigeant de toi l’intégralité de son temple et l’incorruption de sa demeure. » Cette pensée est très familière à saint Augustin. (Voir art. Augustin, col. 2434.) Elle se rencontre en ceci avec la précédente que l’une et l’autre font remonter jusqu’à Dieu le désordre du péché, accusant ainsi l’importance de cet acte immoral, lui donnant une signification singulière, où s’exprime aussi bien la plus authentique pensée chrétienne. Nombre de considérations de saint Augustin atteignent à un degré d’élaboration qui les situe déjà dans la théologie ; elles entreront dans le système que nous allons présenter.

La manière de saint Grégoire est plus concrète et plus pastorale. Mais ce Père fut, avec saint Augustin, l’un des maîtres en la science du péché, dont la théologie a le mieux retenu les leçons. Sa doctrine des péchés capitaux obtient chez lui, comme chez les auteurs qui la lui ont livrée, la valeur d’une systématisation générale où vient s’enclore l’univers du péché.

Chez les auteurs que nous avons nommés et chez d’autres, on trouve des données relatives à certains éléments particuliers de la doctrine du péché. Nous les enregistrerons ci-dessous, selon l’occasion. Nous devions seulement marquer ici quelle idée générale se sont faite du péché les esprits avec lesquels la théologie catholique, à un litre ou à un autre, entretient commerce.

Le péché, tel qu’il s’impose dès l’abord au théologien catholique, appartient à l’objet de la foi. Sans doute n’y a-t-il rien en cette notion qui la rende de soi inaccessible à l’investigation rationnelle, et l’on ne peut en ce sens la comparer, par exemple, avec le mystère de la trinité des personnes en Dieu. Il reste que les philosophes n’offrent en ceci rien de ferme, comme les religions n’offrent rien de pur. Le péché, conçu comme atteignant Dieu, niais dont l’idée ne soit pas en même temps contaminée d’erreurs choquantes. ne semble guère chose commune dans l’histoire de la pensée humaine. Le théologien catholique en doit le bénéfice primordial à la révélation. Et, quand la pensée humaine se fût d’elle-même élevée jusque-là, il resterait que Dieu a pris soin d’informer les fidèles de cette sorte de réalité, et le théologien catholique ne laisserait pas de trouver, en cette vérité proposée a sa foi, le principe propre de son étude. Par ailleurs, le développement de la doctrine du péché ne peut manquer de rencontrer des doctrines proprement tfiéologiques, d’où elle recevra une influence. Enfin, la vigilance du magistère, comme l’expérience de la vie chrétienne, au long des siècles, garantissent de surcroît que nous avons alïaire. avec le péché, à un élément du dépôt de la foi. Le péché est un objet authentique de théologie.


II. La nature de péché.

Nous exposerons la théologie du péché, telle que l’a élaborée saint Thomas d’Aquin. Il est superflu de justifier cette préférence. Qu’il suffise seulement de reconnaître que saint Thomas ne doit pas également a soi même toutes les parties de cette théologie, il a hérité d’un immense effort de spéculation doctrinale, dont il a porté les résultats a la perfection : ainsi en général, ainsi dans le cas du péché. Avec quel succès fis théologiens antérieurs ont élaboré celle notion ei débattu les problèmes qu’elle entraîne, on en peut voir un exemple dans la partie « fila Somme d’Alexandre de I laies consacrée a ce sujet. Il j obtient un développement considérable. Voir Alex. de I lafis. Summa theologica, i. iii, Quaracchi, 1030 ; les saanis éditeurs oui fait précéder le texte d’une Introduction ou l’on trouvera, p xxxvi i m. un expose (le la doctrine moi aie et de la doctrine du pn lie en i i I ouvrage.

De saint Thomas nous reproduirons l’enseignement, non sans recourir, et nous le dirons chaque fois, aux éclaircissements que nous offrent ses commentateurs ; non Sans signaler les principales différences de cette* théologie d’avec les autres systèmes. Saint Thomas a traité du péché ex professo à trois reprises : In I I am Sent., dist. XXXV, XXXVI, XXXVII, XXXIX, XLI, XLII, XLIII, passim ; Qusest. disp. de malo, (pu, iii, vu ; Su/71. theol., Ia-II*, q. lxxi-i.xxxix (où est introduit le traité du péché originel, q. lxxxii. xxxiii). Nous ne renverrons expressément aux deux premiers ouvrages que dans les cas intéressants ; on trouve dans les éditions de la Somme théologique, en lète de chaque article. la mention du lieu parallèle. On ne peut isoler la doctrine du péché de celle du bien et du mal, ni de celle de l’action humaine bonne ou mauvaise (sur cette dernière, voir ci-dessus l’art. .Moralité) : dans la Somme théologique, ces matières sont traitées respectivement I a, q. v ; q. xlviii sq ; et I » -II « , q. xviii-xxi. Les commentaires de Cajétan sont importants et en eux-mêmes et pour l’autorité qu’ils ont obtenue auprès des thomistes postérieurs. Parmi ceux-ci se distinguent les carmes de Salamanque : ils ont inséré dans leur Cursus theologicus un traité du péché qui, admis le genre de la dispute et en dépit de sa prolixité, semble bien être un chef-d’œuvre d’analyse et d’exposition ; la théologie du péché a trouvé en eux ses ouvriers définitifs ; à l’exception de quelques passages, leur commentaire explique la pure doctrine de saint Thomas. Curs. theol., tr. XIII, De vitiis et peccatis, t. vu et vin (cité ici Salm.), édil. Paris-Bruxelles, 1877.

Le nom de péché désigne un acte.

L’usage théologique a approprié définitivement à l’ordre moral différents termes qui, dans leur origine, se prêtaient à une plus vaste extension.

Quant au péché, saint Thomas, notamment, a connu le sens technique et le sens naturel que recevait ce mot chez Aristote (cf. surtout II Phys., c. viii, 199 a, 33, où le grec àixapria et, un peu plus bas. àp.âpTY ; u.a sont traduits par peccatum : saint Thomas, leç. 14) ; et, selon une méthode qui lui est familière, il s’est appliqué à dégager la définition du péché comme tel, et qui s’étende à l’ordre de l’art et de la nature comme à l’ordre moral : d’où cette définition : peccatum proprie consista in actu qui agitur propler flnem aliquem, cum mm hahet ordincm debitum ad jinern illum. I a -II :, q, xxi, a. 1. Ainsi entendu, le péché est plus restreint que le mal, lequel dit quelque privation du bien requis en quoi que ce soit : mais il coïncide exactement avec l’acte mauvais, en quelque ordre qu’on le trouve, et l’acte mauvais de l’ordre volontaire ou moral vérifie, pour sa part, cette définition du péché. L’acte humain, conclut saint Thomas, loc. cit., du fait qu’il est mauvais, a raison de péché ; C’est a (lire constitue ce qui s’appelle un pèche Nous m parlerons plus désormais (lu péché qu’en tant qu’il se vérifie dans l’acte humain. Le mot de faute, de soi. comme traduisant ciitpu. appartient exclusivement à cet ordre moral, puisqu’il évoque un blâme, une inculpation qui ne peuvent convenir qu’à des ailes volontaires ; ni les péohés de la nature, ni ceux de l’art ne oui coupables, l’-ll- 1. q. xxi, a. 2. Nous entendons ne traiter ici que des pèches coupables.

Le péché, qui est un acte, de ce chef est distingué du vice, qui désigne une disposition.

Le vice s’oppose directement a la vertu, dont il est le contraire : il esi dont avec elle Incompatible. Mais le péché n’exclut pas nécessairement la vertu. Rien n’empêche en effet l’homme possédant une disposition bonne de n’en pas user ou de poser un acte contraire a cette dlspc si i ion. lequel, du même coup, ne détruit pas la vertu, non pins qu’un seul acte lion n’a sulli à l’engendra