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PAULIN DE VENISE — PAVIE DE FOURQUEVAUX
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PECHAM. CONFLIT ENTRE SÉCULIERS ET RÉGULIERS


pontifes, fomentée par les difficultés qui se présentaient dans le corps professoral de l’université de Paris

au sujet des droits de renseignement universitaire, la lutte à coup de plume s’ouvrit par la publication du Tractatus brevis de periculis novissimorum temporum de Guillaume de Saint-Amour. Ce traité, composé en 1255, est dirigé contre l’ouvrage du mineur Gérard de Borgo San-Donnino : Introductorius in Evangelium œternum, dans lequel les idées de Joachim de Flore, mal comprises et mal exposées, sont développées. Le livre de Gérard, composé en 1254, fut d’ailleurs examiné à Rome et condamné le 23 octobre 1255. A peine sorti de la plume de l’auteur, le traité de Guillaume de Saint-Amour fut attaqué ; plusieurs pamphlets furent publiés contre lui. Les professeurs séculiers prirent ouvertement la défense de Guillaume. Le Traclalus de periculis, qui fut envoyé par saint Louis à la cour pontificale pour être examiné, fut solennellement condamné le 5 octobre 1250 par Alexandre IV, tanquam iniquum, scelestum et execrabilem et institutiones ac documenta in eo tradila ulpote prava, falsa et nefaria. Guillaume voyait, en effet, dans les nouveaux ordres et leurs travaux, les signes précurseurs des derniers temps et soutenait que les maux imminents de la fin du monde ne pouvaient être conjurés que par la hiérarchie catholique qui, seule, a le pouvoir de réprimer les maux occasionnés par les nouveaux ordres. Les prélats de l’Église doivent leur enlever les facultés d’enseigner et de prêcher, ordonner à leurs disciples de les abandonner et de s’ingénier pour qu’ils ne fassent pas de nouveaux adeptes. Leur moyen d’existence, la mendicité, est illégitime, parce que cet acte va à rencontre de l’Écriture sainte. C’est d’ailleurs une erreur de prétendre qu’il y a une plus grande perfection dans l’abandon complet de tout bien, tant en commun qu’en particulier, que dans une vie qui conserve seulement les biens en commun. Guillaume l’ut expulsé de France, dépouillé de ses bénéfices, privé du droit d’enseigner et de prêcher.

Avant le 5 octobre 1256, puisqu’aucune allusion n’y est faite à la condamnation du traité De periculis, apparurent trois réponses à la thèse de Guillaume : le traité Manus quæ contra Omnipotentem tenditur de Bertrand de Bayonne, O. F. M. (ou de Thomas d’York, comme le soutient E. Delorme, Trois chapitres de Jean Peckam pour la défense des ordres mendiants, dans Studi franeesc, 1932, p. 54) ; le De perfectione evangelica de saint Bonaventure, Opéra, t. v, p. 125-165, et le Contra impugnantes Dei cultum de saint Thomas d’Aquin. Bertrand de Bayonne passe sous silence les injures de Guillaume de Saint-Amour à l’adresse des ordres mendiants pour ramener toute l’argumentation sur le point de la perfection et de ses corollaires. Il prouve dans la première partie de son ouvrage que l’état de ceux qui ne conservent rien en particulier ni en commun est plus parfait que celui qui se réserve les biens en commun ; dans la seconde partic, il répond à Guillaume en développant la théorie sur la mendicité appliquée aux ordres mendiants ; dans la troisième partie, il groupe toutes les difficultés soulevées par Guillaume de Saint-Amour contre le ministère apostolique des ordres mendiants.

Place de Jean Pecham.

Après cette brève mais

vigoureuse campagne littéraire s’établit un calme relatif jusqu’après l’avènement de Clément IV en 1265. Vers cette époque, les luttes reprirent plus vives et plus acharnées et atteignirent leur point culminant. C’est dans cette seconde période du débat que s’est distingué spécialement Jean Pecham.

Ce fut Guillaume de Saint-Amour qui lança le ballon d’essai pour rallumer les querelles et les démêlés entre le clergé séculier et le clergé régulier avec son Liber de Antichristo et cjusdem ministris, dont il

adressa une copie à Clément IV. Aucun régulier ne prit la peine d’y répondre, sans doute parce qu’il était déjà réfuté par la condamnation même du De periculis, duquel il se ressentait beaucoup d’après la réponse du pape à Guillaume. Le feu fut ouvert par Gérard d’Abbeville avec son Contra adversarium perfeclionis christ ianx et prselatorum et facultatum Ecclesise, composé vers la même époque (1266-1269). Gérard y prend à parti l’auteur du traité Manus quæ. contra Omnipotentem, dont il prétend extraire 110 erreurs, et abonde en invectives contre lui et, par suite, contre l’ordre des frères mineurs tout entier. Gérard d’Abbeville divise son traité en quatre livres : le premier expose le problème de la perfection chrétienne ; le second montre que les biens possédés en commun n’offensent en rien la perfection ; le troisième contient la réponse aux arguments de Bertrand de Bayonne ; le quatrième démontre que les parfaits peuvent rompre le jeûne sans préjudice pour la perfection. Le traité De periculis de Guillaume de Saint-Amour et le livre de Gérard d’Abbeville présentent, d’après le P. A. Van den Wyngært (art. cit.), beaucoup de ressemblances : « Là où Guillaume s’est borné à faire œuvre négative en détruisant la note caractéristique des deux ordres mendiants : la pauvreté poussée jusqu’aux limites extrêmes des forces humaines ; et aussi tout ce qui faisait reluire les nouveaux ordres en dehors : le ministère apostolique et l’enseignement ; Gérard d’Abbeville fait plutôt œuvre positive en construisant un système de la perfection chrétienne au moyen duquel il dévaste l’édifice spirituel des mineurs. »

En réponse au Contra adversarium perfectionis christianæ paraissent en peu de temps (1269-1270) quelques nouveaux écrits : le De perfectione status spiritualis et le Contra pestiferam doctrinam retrahentium homines a religionis ingressu, de saint Thomas ; l’Apologia pauperum, de saint Bonaventure, Opéra omnia, t. viii, p. 233-330 ; le Tractatus pauperis contra insipientem novellarum hæresum confictorem circa evangelicam paupertatem, ou Liber de perfectione evangelica, et une question : Quæritur utrum perfectio evangelica consistât in renuntiando vel carendo divitiis propriis et communibus, de Jean Pecham. Dans la question précitée de Jean Pecham, publiée par le P. E. Oliger, dans Franz. Studien, t. iv, 1917, p. 139-176, et composée probablement avec son Tractatus pauperis, l’archevêque de Cantorbéry s’elïorce de prouver que l’essence de la perfection évangélique consiste à ne rien posséder ni en particulier ni en commun. Présentant la question dans la forme ordinaire d’une dispute scolastique, il commence par énumérer 35 arguments contraires à sa thèse ou objections ; il prouve ensuite sa thèse par l’exemple du Christ et des apôtres, établit l’excellence de la pauvreté évangélique sur huit preuves, formule la loi que, de même que l’arbre se connaît à son fruit, le remède à ses effets, ainsi une famille religieuse se connaît aux élites qu’elle sait former ; enfin, il réfute les objections alléguées contre la pauvreté évangélique.

L’œuvre maîtresse de Pecham contre le libelle calomnieux Contra adversarium perfectionis christianse du maître picard Gérard d’Abbeville, est son Tractatus pauperis, que les mss. et les auteurs anciens intitulent de préférence De perfectione evangelica. Composé après V Apologia pauperum de saint Bonaventure et le De perfectione vil ; v spiritualis de saint Thomas, ce traité ressemble au premier par la doctrine, tandis qu’il semble suivre le deuxième pour la structure. Cet ouvrage de Pecham, qui attend toujours une édition critique complète, comprend 16 chapitres. Dans le c. i, Pecham expose les principes généraux au sujet de la perfection évangélique, dont la charité est le fondement et le Christ le type, et qui exige