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PECHAM. CONFLIT ENTRE SECULIERS ET REGULIERS


ments des Pères, se fonde presque exclusivement sur les opinions des philosophes, de telle sorte que la maison du Seigneur s’est remplie d’idoles et de la langueur qu’engendrent les disputes ; qu’elle considère enlin quel péril une telle doctrine constitue pour l’avenir de l’Église ! N’est-il pas absolument inévitable que l’édifice s’écroule si l’on en brise les colonnes ? Si l’on méprise les docteurs authentiques, tels qu’Augustin et les autres, ne faut-il pas que le prince des ténèbres l’emporte et que la vérité succombe à l’erreur ? »

Les dominicains anglais ne désarmèrent point. Mais, même s’ils l’avaient voulu, cela leur devenait impossible après les décisions prises aux chapitres de Milan (1278) et de Paris (1279) pour enrayer l’opposition qu’on faisait au thomisme. Cf. A. Callebaut, art. cit., p. 465-466. « De guerre lasse, explique Jules d’Albi, op. cit., p. 133, Pecham retourne contre les dominicains l’argument de leur propre conduite. On l’accuse de s’acharner contre un mort (à savoir Thomas d’Aquin) ! Eh bien ! non seulement c’est là chose fausse, mais au jour où frère Thomas était discuté à Paris en présence de l’évêque et des maîtres de l’université, où étaient-ils donc ces défenseurs intrépides ? En face de frère Thomas qu’ils accablaient de leurs arguments vigoureux, c’est lui, Pecham, lui qu’on accuse de s’en prendre à un mort, c’est lui qui, seul, a essayé de prendre la défense de frère Thomas. » Telle est l’idée centrale de la célèbre lettre que Pecham adressa, le 1 er juin 1285, à Olivier Sutton, évoque de Lincoln. L’écart profond entre la pensée franciscaine et augustinienne et le courant aristotélicien s’était tellement accentué que Pecham affirme dans cette lettre que les deux écoles de saint Bonaventure et de saint Thomas étaient en lutte ouverte dans presque toutes les questions qui n’étaient pas matière de foi. Pecham y écrit, à l’adresse d’un de ses détracteurs, ces lignes historiques : « Vous savez que nous ne réprouvons aucunement les études philosophiques pour autant qu’elles servent aux dogmes théologiques ; mais nous réprouvons ces nouveautés profanes qui, contre la vérité philosophique et au détriment des Pères, se sont introduites, il y a environ vingt ans, dans les profondeurs de la théologie, entrai nant le rejet et le mépris manifeste de la doctrine des Pères. Quelle est donc la doctrine la plus solide et la plus saine, celle des fils de saint François, c’est-à-dire de frère Alexandre de Halès de sainte mémoire, de frère Bonaventure et de leurs pareils, dont les œuvres, à l’abri de tout soupçon, se fondent à la fois sur les Pères ei les philosophes ; ou bien cette doctrine nouvelle qui lui est presque totalement contraire, qui consacre ses forces à détruire ou à ébranler tout ce qu’enseigne Augustin sur les règles éternelles et la lumière immuable, les puissances de l’âme, les raisons séminales innées dans la matière et sur d’innombrables autres questions, propageant ainsi la dispute a travers le monde entier ? Que nos anciens le voient. eux en qui réside la sagesse, que le Dieu (u ciel le voie et le corrige… Nous VOUS prions donc inslain ment, au nom de la sollicitude vigilante que VOUS devez à votre troupeau, de ramener dans le sentie ! de la vérité, en leur communiquant fidèlement le contenu de cette lettre, ceux qu’un écrit indigne aurait fait tomber dans une erreur de droit ou de fait.’M. comme la doctrine de l’un des deux ordres est presque totale ment contraire à celle de l’autre, sauf tes données de la foi, je vous prie de méditer sur la grandeur du péril que constituent les défenseurs obstiné di multiples erreurs qui sont répandues dans le monde presque entier et dont certain ;  ! même dédaignent de se soumettre à la correction des prélats de l’Eglise et loi leurs catholiques. Cf.. I.ongpré. < ; II. cit., p I : Il

Après de telles déclarations il n’est pas surprenant que l’affaire eut son épilogue. « Le 30 avril 1286, dans une réunion ecclésiastique célébrée dans l’église de Sainte-Marie-des— Arches à Londres, écrit E. Longpré, ibid., en présence d’Olivier Sutton, évêque de Lincoln, et d’Hervé de Saham, chancelier d’Oxford, Jean Pecham renouvela les défenses de Bobert Kilwardbv. condamna huit articles du dominicain Richard Knapwell et censura expressément l’article suivant : Septimus est quod qui vult isla docere non tenetur in talibus fidem adhibere auctoritati pupse vel Gregorii vel Augustini et similium aut cujuscumque magislri sed lantum auctoritati Biblin’et necessarite rationi. » Pour ces diverses lettres de Pecham, on peut encore consulter Registrum epistolorum jr. Johannis.Peckham, éd. Ch.-Trice Martin, t. i. p. 66-68 ; t. iii, p. 840-843, 852-853, 862-863, 864-866, 870-872, 896-902, 921923.

De ce court aperçu il résulte que, dans tout ce débat, Pecham continua explicitement l’action de saint Bonaventure et suivit le courant de la curie romaine, comme l’a abondamment prouvé le P. André Callebaut, art. cit. D’aucuns lui ont reproché, non sans amertume, affirme E. Longpré, art. cit., p. 44-45. cette attitude, mais des médiévistes très renseignés, G. von Hertling, Wissenscha/tliche Richtungen und philosophische Problème in xiii. Jahrhunderl, dans Historische Beitrâge zur Philosophie, 1914, p. 175 ; Et. Gilson, La philosophie jraivÀscaine, dans Saint François d’Assise, son œuvre, son influence, Paris, 1927, p. 157, et le P. Jules d’Albi, op. cit., p. 137, par des voies plus ou moins semblables, ont si bien mis en relief la gravité extrême des débats engagés par Jean Pecham et la noblesse des motifs qui les ont inspirés qu’il serait oiseux de s’y arrêter. Nous ne pouvons terminer cet exposé sur la position doctrinale de Pecham dans les luttes contre l’aristotélisme et l’augustinisme qu’en transposant, sous le nom de Jean Pecham, les conclusions développées ici par le P. E. Longpré à propos de Mathieu d’Aquasparta (t. x, col. 388-389) : « Le jour seulement où les écrits de Jean Pecham auront été étudiés à fond, l’histoire de la scolastique dans la seconde moitié du xiii c siècle pourra être écrite. »

IV. Position DE PECHAM dans LE conflit ENTR1 SÉCULIERS ET RÉGULIERS. — Les querelles littéraires engagées au xine siècle par les maîtres du clergé contre les ordres mendiants des prêcheurs et des mineurs, nouvellement fondés, querelles dont le point culminant peut être fixé entre 1255 et 127’.), et dans lesquelles revient une place à part à Pecham, se déroulaient autour de deux questions fondamentales : la pauvreté évangéliqUe et le ministère des âmes qui constituaient la base de vie des deux nouveaux nulles. Dans ces joutes littéraires revient une place d’honneur, pour ce qui est du clergé séculier, à Guillaume de Saint Amour, Gérard d’Abbeville et Nicolas île Lisieux qui dépensèrent une bonne partie de leur activité a diminuer le prestige,

ire à démontrer

l’illégalité ecclésiastique de l’existence des ordres mendiants, et de la part du clergé régulier, à Bertrand de Hayonne. saint Bonaventure, Jean Pecham et saint Thomas qui luttèrent pour l’existence même de ces

ordres.

I" Les premières lutte », Les querelles littéraires ne

sont pourtant, d’après le P. A. Van den Wyngært, 1 1 i M.. Querelle » du clergé séculier et </e^ ordres men dlatu » d l’université de Part » au KltP stècle, dans la France franctosalne, t., 1922, p. 257-281, 389-397 ;

t. vi, 1923, p. 17 70. que le dernier stade d’une lutte qui durait depuis de longues années entre le clergl

séi ulirr et les réguliers. Commencée ent re les évoques et

les ordres ineudianls a propos des privilèges toujours grandissant s BCCOrdél a i es derniers par les sou crains