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PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX). CHRISTOLOGIE


foncière malignité dos motifs, tournait à l’avantage de l’Évangile, i, 1K. Dans l’hypothèse d’une reprise, à une époque différente, du thème de la lettre, on pourrait penser que les difficultés avaient grandi. Il existe, en effet, une différence de ton entre la première partie de la lettre se terminant à iii, 1</, et la seconde où l’Apôtre parle en termes véhéments des judaïsants dont il avait l’ail le procès en d’autres épîtres. Leurs menées, qui visaient d’abord sa personne, avaient pu glisser sur le plan doctrinal. Mais si le tô Xoltt6v n’est pas terminât if, s’il marque, comme dans I Cor., vii, 29, la conclusion générale des considérations qui précèdent et sert de terme de liaison — et cette hypothèse s’accorde mieux avec l’ensemble du chapitre iv

— il reste possible que les difficultés avec les judaïsants romains aient incité Paul à mettre en garde les Philippiens contre eux ou que des nouvelles sur des dissensions dans l’Église de Philippes aient invité l’Apôtre à des recommandations pressantes.

Le prosélytisme des judaïsants était-il un danger pour l’Église de Philippes ? Avait-il déjà exercé quelque emprise sur certains membres, dont Paul parle avec larmes et qui, par leur vie, offraient un terrain propice à leurs démarches ? L’analyse du c. m peut donner, sur cette question, quelques renseignements. Le ꝟ. 2 renferme une énumération qui semble s’appliquer à diverses catégories. BXsTreTS toùç xiivaç, ^Xéire-re toùç xaxoùç êpYOCTaç, Pàéttets t/)v xaTxrou/ifjv. On peut remarquer que le verset suivant reprend cette idée de circoncision et emmène toute la péricope par attraction. N’y aurait-il pas lieu de rechercher, dans la suite des développements, ce qui correspond à ces qualificatifs mis en exergue ? Ceux qui marchent en ennemis du Christ pourraient être les xùveç ; les xaxol èpyâToci. marqueraient ces ouvriers qui, par opposition à Paul, ne cherchent point dans l’apostolat leur perfection personnelle. Ainsi, la pensée de Paul, au cours de sa lettre, aurait une suite logique. Les jaloux, ceux qui annoncent le Christ avec des motifs qui ne sont pas purs, c. i, seraient qualifiés par opposition au zèle de l’Apôtre pour le Christ. Les judaïsants seraient, par opposition à la circoncision véritable qu’est la foi dans le Christ, clairement stigmatisés. Et, enfin, il semble que l’on puisse trouver l’antithèse des ennemis de la croix dans ii, 14 : « Faites toutes choses sans murmures, ni hésitations, afin que vous soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu d’une génération perverse et corrompue. » Certains commentateurs voient dans ce relâchement que blâme Paul une tendance épicurienne, d’autres un gnosticisme avant la lettre dont les spéculations ne seraient pas sans influence sur la morale. Mais n’y pourrait-on soupçonner ce scepticisme des Athéniens en face du mystère de la croix et de la résurrection ?

Mettre en garde plutôt que réformer, telle paraît bien être la pensée de Paul quand il écrit aux Philippiens. Sans exagérer l’importance de l’élément féminin dans l’Église de Philippes, qui n’est rien moins que prouvée, il reste que la situation sociale de certaines recrues, puissantes par leurs libéralités, excitait des contentions dont n’avaient pas facilement raison les chefs de la communauté. Paul invite les compagnons de son apostolat à Philippes, entre autres Clément, qui, certainement, n’a rien à voir avec Clément de Rome, à calmer ces dissensions. Bien qu’extérieures, elles sont loin de cette douceur du Christ qu’il recommande.

Des rivalités naissaient autour de personnages quelque peu remuants, et la charité de l’un ou de l’autre était le prétexte d’une vaine gloire. Précisément, le c. n de notre épître est une exhortation à l’humilité à l’exemple du Christ. C’est sur cette humilité, source de la charité, que Paul insiste constamment. Et cette humilité ne s’acquiert pas sans combat intérieur. Lui même ne souffre l il pas des mêmes difficultés, et c’est ce qui le rapproche davantage encore des Philippiens.

Quant à voir, dans ses paroles, une exhortation au martyre, c’esl une thèse qui paraît bien insoutenable. Il souffre de l’isolement, de la jalousie, de mesquineries de prédicants Improvisés ou peu loyaux ; il est prisonnier et l’issue de son procès se présente à lui tantôt sous un jour favorable, tantôt comme douteuse. En fait, il l’envisage sous différents aspects qui dépendent de ses désirs, des espérances de ses lecteurs, des conjonctures humaines, comme aussi des révélations surnaturelles, et, si l’on omet ces distinctions, on risque d’opposer des textes qui, étudiés sous des jours différents, s’expliquent d’eux-mêmes clairement. Rien du martyre en tout cela, mais la plume rapide d’un homme qui se raconte et ne peut contenir ses sentiments, et qui offre à des lecteurs très aimés les mêmes remèdes spirituels dont il use pour lui-même.

III. La théologie de l’épître aux Philippiens.

— 1° Enseignement dogmatique. — Aucune épître de saint Paul n’est plus lettre dans le sens où nous l’entendons communément. C’est un cœur attristé qui s’épanche en une intime conversation où les mots sont chargés de sentiments. Sa douleur continue et supportée avec résignation trouve appui dans une charité débordante pour le Christ et devient la source de conseils affectueux d’humilité, de patience et de charité. La doctrine n’est intéressée qu’accidentellement, en tant que le Christ est la cause exemplaire de notre vie chrétienne et que tout, initialement et finalement, se rapporte à lui.

La situation privilégiée des Philippiens, leurs relations suivies avec l’Apôtre, l’absence de déviation dans leur foi, leur ferveur ne fournissaient pas l’occasion d’éclairer des points de doctrine, ou de relever des erreurs. Et, cependant, l’épître est riche d’enseignements, parce que l’âme de Paul, débordant de méditations profondes, ne peut livrer son affection qu’à travers la charité du Christ. Christologie, foi qui justifie, incorporation au Christ, souveraineté du Christ glorieux, tout autant d’enseignements sousjacents à un développement moral qui tend à parfaire la vie intérieure des chers Philippiens par l’humilité, la charité bienveillante, la persévérance, l’union des cœurs, la soumission, la prière et la paix.

f. Christologie. — On peut suivre un développement dans la christologie paulinienne dont le point culminant est le texte de l’épître aux Philippiens, ii, 6-11.

Dès ses premières lettres, Paul conçoit le Christ comme préexistant à son apparition historique. Le rocher spirituel, I Cor., x, 4, qui suivait les Hébreux, auquel ils buvaient, était le Christ, donc le Christ préexistant en sa divinité. Le Fils de Dieu est envoyé dans la plénitude des temps, prenant naissance d’une femme, Gal., iv, 4, et Dieu l’envoie dans la ressemblance de la chair du péché et à cause du péché. Rom., viii, 3. C’est l’énoncé même du mystère de l’incarnation que la préexistence du Fils à son envoi. C’est une idée identique bien que sous-jacente qui est exprimée, I Cor., xv, 47, dans la distinction entre le premier et le second Adam : ô -pcÔTOç avOpco-.ç ix y7)ç /ol’xoç, ô SsÛTspoç avOpcoTcoç ô oùpivioç sç oùpavoù. Il semble bien ici que l’antithèse porte sur l’origine de l’un et de l’autre Adam ; dès lors, marquer l’origine céleste du second, c’est, du même coup, affirmer sa préexistence. Sans doute, pourra-t-on objecter que le type à l’image duquel nous devons être transformés est le Christ ressuscité et glorieux, mais précisément la vertu du second Adam vient de ce qu’il a puissance de vie spirituelle, puissance qu’il tient de son origine céleste, ô ser/a-roç’ASào, sîç ïrveuu.a "oo— oioùv. Cette préexistence n’est point celle d’un homme, ni une préexistence idéale dans l’intelligence de Dieu, car