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1419 PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX). DONNÉES SCRIPTURAIRES 1420

judaïsants ? Il faut reconnaître du moins qu’ils gardaient une pondération à quoi Paul n’était pas accoutumé. On sait du reste, Rom., xiv-xv, que les judaïsants romains étaient de nuance beaucoup moins radicale que leurs congénères palestiniens ou corinthiens. Les opposants de Paul paraissent bien plutôt étonnés des nouveautés de méthodes et de formules, ou sont jaloux d’un succès évident. Phil., i, 17-18.

Cet état d’esprit ne se pouvait rencontrer qu’à Rome et tout ceci confirme heureusement les données de la tradition et de l’exégèse.

Date de l’épître.

Sur cette question, les critiques

sont divisés. Les uns placent la lettre aux Philippiens avant les autres épîtres de la captivité (Lightfoot, Farrar). La plupart la reculent à la fin du procès en appel (Meyer, Weiss, Godet, Lipsius, Holzmann, Zahn, Jùlicher, Ramsay, R. Vincent). Jacquier ne se prononce pas.

En somme, la thèse qui place en fin de captivité la rédaction de la lettre a pour elle de solides arguments, admis par la majorité des critiques. Ce sont : 1. le progrès de l’Évangile à Rome dû au zèle et à l’autorité de l’Apôtre et qui ne fut pas l’œuvre d’un jour. Pour que « nul n’ignore la raison de sa captivité », i, 13, pour que « la parole de Dieu soit annoncée avec assurance », i, 14. il faut que l’Apôtre, par un long séjour, ait gagné peu à peu en influence ; 2. l’absence de Luc et d’Aristarque venus avec lui à Rome (Col. et Philem.) se comprend mieux après un séjour déjà prolongé, pour des raisons d’apostolat ; 3. le cas d’Épaphrodite qui, sans doute, n’a pas fait coup sur coup des voyages que la distance, malgré tout, rendait longs et difficiles ;

4. le ton général de l’épître, empreint d’une mélancolie qui convient à une longue détention et à une différence d’égards due à Tigellius, successeur de Burrhus en l’an 62 au commandement de la garde prétorienne ;

5. l’issue prochaine d’un long procès, soumise sans doute à la volonté de la Providence, mais qui laisse à Paul l’assurance d’un nouveau voyage où il reverrait la communauté de Philippes.

Il semble donc que l’on puisse fixer, après examen des raisons opposées, la rédaction de la lettre vers la fin de l’an 62 ou le printemps de l’an 63.

Intégrité.

La critique radicale scinde l’épître

aux Philippiens en morceaux différents rassemblés ensuite par un rédacteur. « Il semble que l’épître aux Philippiens ait été formée de lettres originairement distinctes… Vers le milieu, ni, 1, une coupure nette se remarque et une violente sortie contre les prétendus judaïsants, qui rappelle l’épître aux Galates et surtout l’apologie de Paul dans la IIe aux Corinthiens, tranche à tel point sur ce qui précède que le fait de la compilation paraît au moins vraisemblable. Cette tirade n’a pas été écrite en même temps que le passage du commencement, i, 17, 18, où Paul se résigne à ce qu’on prêche l’Évangile contre lui. » Il y aurait de même opposition entre les données sur Épaphrodite, ii, 25, 30, et iv, 18 : « Le principal de la seconde partie représenterait donc une lettre antérieure à celle que représente le principal de la première partie. » Loisy, op. cit., p. 172 ; cf. Revue d’hist. et de litt. Tel., 1921, p". 244. La première lettre, principal de la seconde partie, daterait du début de la captivité, la seconde lettre (du commencement à iii, 1) serait de la fin. Cette thèse est celle de Clemen et de Spitta plus ou moins modifiée.

D’autres estiment que ni, 1 ô-rv, 20, étaient écrits à des personnages particuliers de l’Église de Philippes. Schenkel et Reuss pensent à une reprise de Paul après une interruption. La plupart des critiques radicaux voient deux lettres différentes dans notre épître. Le fait d’une telle diversité d’opinions est un argument en faveur de la thèse traditionnelle.

L’allure générale de la lettre toute familière, dans

laquelle Paul mêle les conseils aux remerciements pour une générosité d’autant plus précieuse qu’elle se faisait sentir en de pénibles circonstances, le ton d’une épître écrite au courant de la plume où les impressions suscitent les recommandations, est assurément la meilleure réponse aux opinions radicales. C’est bien un écrit sans plan et sans intention systématique, où les transitions abruptes sont toutes naturelles. Les mots du début de ni, 1, tô XoiTidv, « du reste », ne sont pas nécessairement une conclusion, mais introduisent ce qui suit (R, Vincent) ; Lohmeyer, op. cit., p. 123, ajoute qu’ils équivalent à un o5v emphatique, tout aussi bien dans le grec classique que dans le grec commun et il en cite de nombreux exemples.

Si Loisy place la rédaction de la seconde partie avant celle de la première, c’est en raison des avertissements sur le danger des judaïsants et par comparaison avec l’épître aux Galates, la 11= aux Corinthiens et celle aux Romains. Mais pourquoi l’Apôtre, devant un danger qu’il connaissait, n’aurait-il pu donner, après réception de nouvelles, des conseils contre une erreur, dont rien ne laissait supposer l’existence à Philippes lors de son arrivée à Rome ? Et il en avait tant souffert que, sous sa plume, revit en termes comme stéréotypés l’àpreté d’expressions qui la stigmatisait. Quant aux remaniements intérieurs que l’on prétend voir dans l’épître, ils dépendent plus de vues subjectives que d’une étude objective.

En fait, il reste que, d’après Polycarpe (lettre aux Phil., iii, 2), on peut admettre que Paul adressa plusieurs lettres à l’Église de Philippes ; et Jacquier écrit : « Si on veut que ce verset, iii, 1, soit la conclusion d’une première lettre, nous n’y voyons aucun inconvénient, pourvu que l’on admette que la suite est aussi une lettre de saint Paul. » Hist. des livres du N. T., t. i, p. 352.

Authenticité.

Solidement attestée par tous les

anciens écrivains ecclésiastiques, elle est reconnue par presque tous les critiques. Les témoignages sont les mêmes que pour les grandes épîtres.

Clément de Rome fait allusion à Phil., ii, 2 sq., dans sa lettre aux Corinthiens, xvi, 1 ; Cor., xxi = Phil., i, 27 ; Cor., xlvii = Phil., iv, 15. Quelques expressions d’Ignace d’Antioche ont leur parallèle dans notre épître, Rom., n = Phil., ii, 17 ; Philad., vin = Phil., n, 3 ; Smyrn., iv = Phil., iv, 13. Saint Polycarpe, dans son épître aux Philippiens, leur rappelle que Paul leur adressa une ou plusieurs lettres et fait des emprunts à la nôtre : i = Phil., iv, 10 ; n = Phil., ii, 10 ; ix = Phil., ii, 16 ; x = Phil., ii, 2, 5 ; xii = Phil., iii, 18. Voir, à ce sujet, Moule, The epistle of Paul the apostle to the Philippians, introd., p. 24. On trouve quelques réminiscences dans le Pasteur d’Hermas, dans le Testament des douze patriarches, dans YÉpître à Diognèle. dans Théophile d’Antioche, dans la lettre des Églises de Vienne et de Lyon qui reproduit le passage sur les abaissements du Christ. Les hérétiques l’emploient ; elle est dans Y Apostolicon de Marcion, dans les versions latines et syriaques, enfin inscrite au Canon de Muratori. Les Pères l’utilisent et reconnaissent unanimement son origine paulinienne.

Chez les modernes, après une phase de négation, les critiques ont fini par rejeter les objections provenant de la critique interne. Les thèses de Baur ont trouvé un adversaire dans Holsten qui chercha des arguments contre l’authenticité dans l’étude littéraire et doctrinale de l’épître. Cependant, la proportion des hapax legomena est la même que dans les autres épîtres ; on y relève vingt mots particuliers à Paul qu’on retrouve dans les écrits pauliniens et nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. Les procédés littéraires, les figures, la manière générale sont bien de saint Paul. Nous verrons, en étudiant la théologie de