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PHILIPPE DE HARVENGT


lui conseillèrent de quitter Bonne-Espérance pour quelque temps. Philippe fut relégué, avec sept de ses religieux désignés comme les plus rebelles, dans un autre monastère. C’est de cette retraite que Philippe expédia à saint Bernard sa seconde lettre, pleine de tristesse, pour lui exposer sa pénible situation et déplorer le manque de charité qu’il constatait entre les différents ordres. Nous ignorons si saint Bernard lui donna une réponse, mais déjà l’innocence de Philippe s’était fait jour, et le chapitre de 1151 le réintégra dans sa charge. Une dernière lettre de Philippe a trait à ses malheurs : il l’écrivit au pape Eugène III, ancien moine cistercien, qu’il craignait d’avoir offensé lors de son différend avec saint Bernard et auquel il fit part de ses sentiments de respect et de soumission.

A la suite de l’abdication d’Odon, premier abbé de Bonne-Espérance, vers 1158, le choix des religieux plaça Philippe à la tête de l’abbaye. Sous sa direction, Bonne-Espérance parvint à un haut degré de prospérité : ses biens s’accrurent et son influence s’étendit au loin. Philippe présidait aux offices du chœur et le traité De institulione clericorum doit être considéré comme le miroir de la direction spirituelle qu’il donnait à ses religieux. Il augmenta considérablement le fonds de manuscrits qu’avait constitué son prédécesseur, Odon, et il est considéré à juste titre comme le promoteur des études dans le célèbre monastère hennuyer. Il voua en même temps ses soins à la communauté de sœurs norbertines de Bivereuille et entretint une correspondance régulière avec de hautes personnalités du temps, comme Philippe d’Alsace, comte de Flandre, Henri, comte de Champagne et de Brie, Bcinald de Dassel, prévôt de Hildesheim.

Durant l’avent de 1182, Philippe abdiqua la charge abbatiale. Il mourut le Il avril 1183.

Le ins. 76 E 1~> de la bibliothèque de La Haye (fin du xii 1’siècle) renferme une courte notice, qui dépeint en quelques traits le second abbé de Bonne-Espérance :

Phllippus, Bone Spei abbas, ingenii subtilitate sagacissiniiis, moribus et vita conspicuus, necnon et nectareis scripturarum fluentis adplene imbutus, sui nominis ethimolosiam secutus, sed, ut vcre vérins dicam, assecutus est, dicente qtiodam catholico, dictis ac factis hic lampade plus radiabal.

Porro vir Iste inter tanta virtutum refertus copia quam eleganti stilo Cantica canticorum enictaveril in propatulum a studioso Icctore repperiri potest. Scripsil etiam librum uniim de salute primi iiominis, alium vero quid patres orthodoxi de Salomonls dampnatione senserint, de dignilate vero clericorum et silentio libros II. Vita [m | etiam h. pairis nusiri Augustin), propter historié prolixitatem ne legentibus onerosa videretur, nichil tameu inde pretermittens s-, tis convenienter adbreviavit, Ad quosdam autem

familières 3UOS diversas sciipsit cpistolas necnon et passâmes h. S ; ii i i martiris ci sanctorum Foillani ci Landelini confessorum. Scripsil etiam unum librum de obedientia ci alla quamplura sahs legentibus utilia.

Ecce quomodo Dei servus, conversatione precipuus, pie ta te aflluens, visceribus in divlnarum meditatione scripturarum assiduus, ocio non vaca^ il. sed lilum psalmographi verslculum memoritei recolens, Laborefs] manuum tuanim manducal is, illi nimirum placere cupiens, qui mundo displicult, domum suam duplictbus vestivii qui pauem, Simm comedere cum ocio refutavlt. Cf. P. Lehmann, Philipp nnn Hnrvengt, dans iiisinr. Jahrbuch, t. xi. l !)2.">, [nalecla Priemonstratens ta, t. ii, 1926, p. 318-319.

II. Œuvm L’œuvre littéraire, exégétlque i i

ascétique de Philippe de Harvengl lui assigne une place distinguée parmi les écrivains de son temps. Ses

écrits furent édiles une première lois par Nicolas

chaînait. ahbe de Bonne Espérance (Douai. 1621). Mlgne repril cette édition dans P. /… i. cciti, 1H55.

Cette cdil ion coin prend une série de lellrrs (col. 1 180) |

Commeniariut m <, <mtti ! CT. DE TIIÉOL. CATH.

Responsio de salute primi hominis (col. 593-622) ; et une autre Responsio de damnatione Salomonis (col. 621664) ; le traité De institulione clericorum (col. 6651204) ; la Vita S. Augustini (col. 1205-1232) et la Vita S. Amandi (col. 1233-1302) ; la Passio SS. Cgrici et Julitse (col. 1303-1310) et la Passio S. Salvii marlyris (col. 1311-1324) ; la Vita S. Foillani martgris (col. 13251336) ; la Vita S. Gisleni confessons (col. 1337-1348) ; la Vita S. Landelini confessoris (col. 1349-1358) ; la Vita B. Odæ virginis (col. 1359-1374) ; la Vita S. Waldetrudis (col. 1375-1387) ; la Passio S. Agnelis (col. 1388-1390). Le volume finit par des Carmina varia (col. 1391 sq.).

Le commentaire In Cantica canticorum constitue l’ouvrage exégétique le plus important de l’abbé de Bonne-Espérance ; il dénote sa profonde connaissance des livres saints et des saints Pères, l’exactitude de sa doctrine théologique, ainsi que son intelligence de l’ascèse, où l’on sent quelque peu l’influence de saint Bernard et de Bupert de Deutz.

Le traité du Salut du premier homme fut la réponse à une question posée par un religieux de Bonne-Espérance. Elle se base sur le livre d’Osée et sur celui de la Sagesse (auquel l’auteur n’attribue pas la même valeur canonique) et sur la sentence des Pères, pour proclamer que la tradition de l’Église est unanime à reconnaître la pénitence et le repentir d’Adam.

Le traité de la Damnation de Salomon est également une réponse aux demandes de ses confrères. Philippe conclut que Salomon, n’ayant pas expié ses désordres, ne peut être sauvé. L’auteur rejette en même temps la sentence qui attribue à Salomon le livre de l’Ecclésiastique et n’accepte pas les livres apocryphes.

Philippe de Harvengt fut mêlé, par ses écrits, à la controverse sur la chair du Christ qui entre dans la discussion théologique du xiie siècle. Plusieurs de ses lettres s’en font l’écho. Il fut de même mêlé à la discussion au sujet de la dignité des clercs, dont son livre de V Institution des clercs est imprégné. Ce livre est composé comme suit. 1. De dignitaie clericorum. 2. De scienlia clericorum. 3. De justifia clericorum. 4. De continentia clericorum. 5. De obœdienlia clericorum. (i. De silentio clericorum.

Les écrits hagiographiques de Philippe de Harvengt, dans la tradition du temps, sont surtout inspirés par la dévotion vouée au saint et le désir d’en faire un modèle de vie chrétienne et ascétique. Comme l’auteur le dit lui-même, « c’est à la demande de ses frères et de ses amis qu’il les a écrits, afin de leur donner un opuscule d’une lecture plus facile et plus agréable » que les biographies jugées barbares du viie ou du vin° siècle.

La Vie <le saint. ugustin fut le premier travail de ce genre. Elle fut composée à la demande des religieux de Bonne-Espérance et n’est que le résumé de la Vie de Possidius, ornée d’allégories et de réflexions morales et rehaussée de citations empruntées au poètes classiques. A la demande du prieur du monastère bené dictin de Saint-Saulve, près de Yalencienncs. Philippe retoucha une ancienne Vie de saint Sauloe, l’enrichit <le réflexions morales et de rhétorique fleurie. Il nous laissa de même la Vie de saint Landelin, écrite sous la même inspiration, el. à la demande des chanoines de fosses, il convertit la ie en vers de siiinl Feuillan qu’ils possédaient en une prose imagée. lue même demande lui fut adressée par les moines de Saint (ihislain. Il leur fournit un pieux panégyrique de leur patron dans ce style cadencé el Henri qui plaisait lanl

aux ici i us du mi’siècle.

La Vie de la vénérable Ode de Rivereuille est la seule biographie originalequ’il ait écrite. Il connut pcison

nellement la sainte prieure des sœurs norbertines et écrivit, en un style agréable ci parsemé de textes

la vie de celle dont il fut le père spirituel.

T. — Ml