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PHILARÈTE DROZDOV. DOCTRINE


auteurs nommés qui, sauf Platon, les méritait le moins. Il rappelle, à ce propos, non sans quelque amertume, que ces manuels reçurent l’approbation du Saint-Synode et de toute la hiérarchie russe, en particulier des métropolites Gabriel de Novgorod, Ambroise, titulaire du même siège, Michel de Pétersbourg, Séraphin de Novgorod. Il ajoute : « Au jugement de ces personnages et du Saint-Synode il faut, sans aucun doute, attribuer une plus grande importance et une plus grande valeur qu’à l’avis du Comité de 1837 sur les livres classiques. » Voilà qui est suffisamment révélateur de sa pensée.

Notons enfin qu’en 1859, revisant son opuscule sur les Différences entre l’Église orientale et l’Église occidentale, il laisse intact son texte de 1811, n’ajoutant que trois courtes phrases, qui éclaircissent sa pensée sans la modifier substantiellement. Il existe cependant de véritables contradictions entre cet écrit et la rédaction du catéchisme de 1839. C’est, sans doute, la raison pour laquelle Philarète non seulement ne l’a pas publié lui-même, mais a empêché d’autres de le faire. En 1859, en effet, et de nouveau en 1865, Ossip Bolianskii voulut livrer à l’impression le curieux opuscule, dont l’autographe lui était tombé entre les mains. Chaque fois, l’auteur le pria de n’en rien faire. En 1865, il prétexta la nécessité d’une revision plus approfondie, qu’il ferait quand il en aurait le temps. Le temps, il ne le trouva pas. Est-il téméraire de supposer qu’il ne voulut pas le trouver ? Était-ce un si gros travail de relire et de corriger ces quatorze pages ? Les Russes n’en connurent le contenu qu’après la mort de Philarète, en 1870, dans les Lectures de la Société historique de Moscou, grâce au même Bolianskii, à qui nous empruntons les détails que nous venons de donner. Tchténiia, t. i, 1870, fasc. 1, p. i-vi.

Autres questions théologiques.

Terminons cet

examen de la théologie de Philarète en signalant brièvement la position qu’il a prise, sur quelques autres questions controversées entre les Églises, à savoir sur la procession du Saint-Esprit, l’immaculée conception, la validité du baptême par infusion, la signification théologique de l’onction des empereurs le jour de leur sacre, et la forme de l’eucharistie.

Sur la procession du Saint-Esprit, notre théologien n’a pas varié. Aussi bien dans V Exposé des différences que dans le Catéchisme détaillé et le Rite de réception <lrs catholiques à leur entrée dans l’Église russe, il se garde d’enseigner que le Saint-Esprit procède du l’ère seul. Il veut qu’on s’en tienne à la simple affirmation de l’Évangile et du symbole, sans aucune addition : Le Saint-Esprit procède du l’ère. D’après lui. Nbtre-Seigneur et le 1I « concile œcuménique ont dit tout ce qu’il fallait dire. Il passe donc sous silence le De mai aa piei de l’Évangile et le per Filium des Pères grecs ;

mais il se garde aussi de Va l’aire solo des disciples d.

Photius. ()n peut dire qu’il garde la neutralité dans le débal ent re Grecs et Latins.

Sur l’immaculée conception, nous ne croyons pas

qu’il ail rien écrit ; mais nous savons par l’une de ses

Icitrcs m a. Mouraviev, datée < 12 février 1857, qu’il était hostile au dogme catholique. Il félicite son correspondant d’avoir fait œuvre utile pour l’orthodoxie, en ni ni ; nii |’ou rage du p. Gagarin sur l’immaculée concept ion chez les Musses r i en faisant connaître l’opposition de saini Bernard au dogme défini par Pie IX. l’isma I : A. X. M., éd. cit.. p. 505.

On sait que l’anglican William Palmer. avant d’ein brasser le catholicisme, voulut d’abord entrer dans

l’Église gréco-russe. Il frappa successivement à la porte du Phanar ci a ci lie du synode russe de Pétersbourg. A Constantinople, on voulait le rebaptiser : a Pétersbourg, on n’exigeait de lui qu’une formule d’abjuration et la récitation du symbole. Devant ce

désaccord, Palmer ne voulut plus d’une Église « qui parlait comme un ventriloque, sans voir grand mal à tourmenter les particuliers par ses deux voix discordantes ». Cette affaire fit grand bruit tant en Occident qu’en Orient. Cela affligea fort le métropolite de Moscou. Dans ses lettres à Mouraviev, il revient à plusieurs reprises sur cette divergence entre l’Église russe et l’Église grecque. Il la trouve grave et y découvre des germes de schisme : « Si l’Église grecque, dit-il, rejette sur l’Église russe la responsabilité de recevoir comme baptisés ceux qu’elle-même considère comme non baptisés, c’est donc que l’Église grecque pense que l’Église russe est en faute sur une affaire extrêmement importante, et par conséquent que l’unité ecclésiastique n’existe pas entre elles. Le fait que la première « ne se croit pas obligée d’examiner « les actes de la seconde », cela, ce n’est plus l’unité, mais la froideur et l’éloigncment. En vertu de l’unité et de la communauté de foi et d’amour, chaque Église particulière doit maintenir sa sœur dans la rectitude et la pureté de la conduite. Cette obligation incombe spécialement à la plus ancienne. » Le théologien russe fait ensuite une critique pertinente de la curieuse théorie de « l’économie », mise en avant par les théologiens grecs pour expliquer les variations de leur Église à l’égard du baptême des hétérodoxes et n’arrive pas à comprendre comment l’Église peut rendre valide ou invalide à son gré un sacrement institué par Jésus-Christ. Lettre du 18 novembre 1851, op. cit., p. 368-371 ; cf. p. 376, 379, 385, 386, 406, 412, 575-576, 577-580. II s’emploie, vainement d’ailleurs, à ramener l’Église grecque à la pratique russe. Il fait parvenir à Constantinople la lettre du patriarche œcuménique Jérémie III à Pierre le Grand en 1718, défendant de rebaptiser les luthériens et les calvinistes.

Sur la signification théologique de la chrismation impériale dans la cérémonie du sacre, Philarète enseigne l’opinion commune des théologiens russes. Il y voit une action vraiment sacramentelle accompagnée de l’infusion de la grâce, une sorte de degré supérieur de la confirmation, dont le rite est exactement reproduit d^is cette cérémonie. Dans le discours qu’il prononça le jour du couronnement d’Alexandre II (26 août 1856), il dit textuellement : « L’onction impériale n’est pas un simple rite visant à frapper l’attention des assistants ; ce n’est pas un signe mort et vide. mais une action vraiment sacramentelle (dcislvié tainstvennoe), dans laquelle l’acte extérieur est pénétré par une vertu spirituelle et vraiment divine ; à l’onction du chrême est attachée l’infusion de la grâce. Cf. Tserkovnyi viestnik, 1896, p. 540 ; Suppléments aux œuvres des saints Pères, t. xvi, 1857, p. 325.

La position de Philarète sur la question de la forme de l’eucharistie et de l’épiclèse se rapproche de celle de Marc d’I'.phese et d’Isidore de Kiev au concile de Florence. D’après lui. la forme totale et nécessaire par laquelle s’opère le mystère de la transsubstantiation esl constituée, à la fois, par les paroles du Seigneur et par l’invocation du prêtre appelée épiclèse. Le changement du pain et du vin au corps et au sang de Notrc-Seigneur ne se produit sans doute qu’au moment où le

prêtre prononce les paroles de l’épiclèse dans la messe

orientale ; mais l’efficacité de l’épiclèse est conditionnée

par la récitation des paroles du Seigneur à la dernière cène : Ceci est mon corps, Ceci est mon sang, de telle suit c que, si ces paroles n’avaient pas été dites par le ci le brant, la transsubstantiation ne se produirait pas au

moment « le l’épiclèse. Telle est la vraie pensée « le notre théologien. EUe n’a point cette précision dans le < ah chisme détaille. Philarète fui amené > s’explique !  ; i fond sur cette question par une petite controverse qu’il eut pal cm ic -pondante avec son ami A. N. Mon raviev, entre 1847 et 1853, a l’occasion de la publica