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PEZ (BERNARD)


mille obstacles et faillit se terminer brusquement par un renvoi, la communauté doutant de ses aptitudes. Il fit profession en 1700, puis se consacra à l’étude de la philosophie pendant deux années, et à un court enseignement des belles-lettres : en 1704, il fut envoyé à Vienne pour faire ses études théologiques, qu’il acheva brillamment. Mais ses goûts le portaient surtout à l’étude de l’histoire et des anciens documents nationaux et, déjà, tous ses loisirs d’étudiant, il les avait consacrés à l’étude du français et des langues anciennes.

Il s’était essayé, au lendemain de son ordination sacerdotale (1708), à retracer la chronique récente de son pays : L’invasion du Tyrol par les Bavarois et les Français en 1703, qu’il publia à Vienne en 1709, sous le pseudonyme de Bernard d’Ips. En 1712-1713, il avait exercé la charge de maître des novices. Il reçut, écrit son biographe, la charge de bibliothécaire en 1713 et la conserva jusqu’à sa mort. Il semble même qu’il l’ait exercée bien plus tôt, si l’on en croit dom Massuet, qui lui en donne le titre dans une lettre du 25 mars 1711, et le montre en grand commerce de livres et de documents avec le continuateur des Annales ordinis S. Benedicli : Aliam rnihi Mellicio transmittendam habet sarcinam R. P. Bernardus Pc :, illius cœnobii bibliothecarius, tibi non ignotus (lettre de Massuet à dom M. Mùller, dans Dantier, Archives des miss, scient i/iq. ci littéraires, 1857. p. 458). La suite de la lettre précise que dom Bernard s’était chargé de rassembler, dans les monastères de Basse-Autriche, des livres et des notes sur l’histoire de ces maisons. On peut donc croire que ce sont les maurist.es qui ont révélé à Pez sa vocation de chercheur. Joignons-y la fréquent ition de deux de ses confrères de Melk : dom Anselme Schramb, qui avait publié, en 1702, une chronique de Melk, et dom Philibert Hueber, qui préparait alors, d’après les archives de l’abbaye, une histoire diplomatique d’Autriche. Les lacunes mêmes de ces derniers travaux et aussi le peu de cas et l’usage modéré que fa saient les mauristes de ses monographies monastiques firent sentir à Pez la nécessité de se documenter dans les autres monastères et bibliothèques du pays. L’austère dom Massuet lui écrivait, aussi poliment que possible, qu’il n’osait pas « lui demander de composer lui-même des dissertations… Mais je VOUS demande seulement de nous entremettre près de vos confrères pour qu’ils me communiquent leurs documents. 1. et Ire de Massucl à Pez, de 1711.

Les chroniques monastiques elles-mêmes n’étaient pas d’une grande valeur historique ; aussi, lorsque les abbayes allemandes se plaignaient d’avoir si peu de place dans les derniers tomes des Annales. Massuet, dans une lettre de 171 I. leur répondait qu’il n’avait que faire des récentes histoires. et que le moindre diplôme » ferait bien mieux son affaire. Certains jésuites, de leur côté, faisaient publiquement grief aux moines bénédictins allemands de leur oisiveté. I.e jeune bibliothécaire de Melk se résolut donc à compléter sa documentation, et d’abord a passer en revue les

travaux imprimés de ses devanciers, il faut dire que ce besoin de documentation étaii général en Allemagne, des ce début tin wiir siècle ; mais, sauf ccrtaines collections historiques régionales, cet effort

devait aboul lr, faute de ressources et de collaborai ions

continues, .< des encyclopédies gigantesques, vite abandonnées, telles que le Corpus diplomatum de Leyser H727). la Gzrmania sacra de Gatterer et le Corpiu scriptorum Médit Moi de Krause (1797). Seul Pez ci son frère réussirent en partie dans leurs pro

jels. en les amenuisant peu a peu et en profitant des ressources des monastères autrichiens et allemands. Avec l’ambition démesurée habituelle a la jeunesse. Pez projet i d’écrire l’histoire littéraire de l’ordre » > ru

dictin et, à la manière des mauristes, il en publia le prospectus le 8 décembre 1715, dans les Acta eruditorum de Leipzig, 171 (i ; l’ouvrage serait divisé en douze centuries, où les auteurs seraient rangés d’après la date de leur mort. Il s’intéressait vivement à l’œuvre des bénédictins français et donna, dans le même recueil, l’année suivante, une Bibliotheca benedictino-mauriana, d’après un catalogue que lui avait communiqué Mont faucon et les ouvrages qui avaient pu lui tomber entre les mains. Mais, sentant bientôt la pénurie de livres les plus essentiels, tels que le Spicilège de d’Achery, mesurant aussi l’immensité de la tâche qu’il s’était assignée, il la laissa à d’autres confrères, qui devaient eux-mêmes l’abandonner à Ziegelbauer, lequel s’empressa d’ailleurs de recopier sans discernement les notices de Pez. Dom Bernard fixa dès lors ses recherches sur l’histoire d’Allemagne, histoire religieuse et civile ; mais, là encore, il laissa l’histoire profane à son frère Jérôme, qu’il s’était associé, et, se limitant à l’activité littéraire des Églises et des abbayes, il parcourut les principales bibliothèques et archives des villes et des monastères de l’Autriche, de la Souabe et de la Bavière, déjà très unies entre elles, sous la juridiction de l’évêque de Passau. Il faisait, en même temps, le classement et l’histoire des bibliothèques où il était reçu. Il assure avoir consulté plus de 8 000 manuscrits.

Son entreprise suscitant la jalousie de ses confrères et lui amenant des remarques désobligeantes de la part de quelques savants, jésuites ou laïcs, il dut surseoir à ses recherches pour écrire, en 1710, ses Epislolæ apologeticse pro ordine Sancfi lienedieti, adversus anonymum Yiennenscm.e Soc. Jesit, et, en 1717, une Dissertatio apologetico-litteraria ad Genlilollum ab Engelsbrunn. Ce Gentilotti, bibliothécaire à Bamberg, lui faisait un grief de publier à nouveau le Codex diplomaticus d’Udalric, OÙ se trouvent relatées les discussions entre le pape Grégoire VII et l’empereur Henri IV. Pez réplique qu’un historien ne doit s’inquiéter que d’être exact et objectif, à l’exemple de Baronius, de Mabillon et de Sirmond. Il s’excuse aussi du retard mis à sa publication sur « les fatigues des voyages, les milliers de lettres à envoyer jusqu’en France et en Italie, sur la mauvaise volonté des bibliothécaires ». Dissertatio ad Genlilottum, p. 47.

Cependant, Pez insiste auprès des abbés allemands pour trouver des aides. Il obtient l’assistance de plusieurs moines de Mondsee. du prieur Hueber de Mehrerau, d’un grand nombre de religieux de la congrégat ion bavaroise. Ce sont surtout les monastères de l’Allemagne du Sud qui rassemblèrent des matériaux pour Pez. Krfurt. Paderborn, Lamtnspring et surtout le monastère Saint-Laurent, près de Liège, furent à peu près les seuls collaborateurs dans l’Aile magne du Nord. C’esl à Saint Laurent qu’il trouva l’aide de Buchels, un de ses meilleurs amis, bibliothécaire a Dusseldorf, mais que ses recherches amenaient Souvent à Liège. Pez prisa fort cette collaboration, comme en témoigne une lettre du 20 avril 1721 relative au Thésaurus. Il faut citer encore Schannat de WurzboÛrg et de nombreux saanls prof est an ! s. comme Conrad. Buder. etc. Mais le plus célèbre des

collaborateurs protestants fui Jean de Eckhart, ami

et plus tard successeur de Leibniz à la bibliothèque de Hanovre. Il admirait beaucoup l’érudition de

Pez, el Ce dernier eut l’occasion de lui communiquer quelques inédits précieux et de contribuer ainsi ; i

sa conversion au catholicisme, qu’Eckhart attribuait uniquement à l’étude des anciens textes ». Lettrt A Pez du 16 mai 1725.

Ses relations aec l’ex dom Yayssièrcs méritent d’être signalées. Celui ci, malmené par le prieur de Saint Germain des Prés, avait quitté clandestinement