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PETAU (DENYS). OPINIONS PARTICULIÈRES


l’Écriture, la démonstration risquerait d’en demeurer inefficace. Cf. n. 11, p. 258 6-259 a. En ce sens, il est très vrai que, si la Préface ne « corrige » pas le livre, elle l’achève. Dans la pensée même de l’auteur, elle est la suite logique et le complément nécessaire de son livre II, et elle s’y rattache si étroitement qu’à son défaut l’ensemble de l’ouvrage présenterait la plus grave des lacunes. Il y manquerait ce que Petau lui-même déclare en être la partie capitale. C’est comme telle, en effet, que lui-même la présente à son lecteur : s’il l’arrête ainsi au seuil de son traité, c’est qu’il s’agit du fruit principal à en retirer : Quisquis es, … paucis hic delinere volo te, et, qui priecipuus ex his libris de Trinilale capi jruclus débet, eum tibi ante oculos ponere. C. i, 2, Vives, t. ii, p. 254 a. Le but qu’il y poursuit est celui-là même qui fait l’objet principal de ses efforts dans l’ensemble de ses Dogmata theologica : montrer par la tradition que les dogmes catholiques ont bien leur source dans l’Écriture : Etenim in id potissimum incumbimus toto in hoc… opère, ut singula fidei christianse. .. capita, suam ad originem jontemque revocemus. Ibid. Cet effort se poursuit à travers les diverses parties de l’ouvrage ; mais le dogme de la Trinité étant le fondement de tous les autres et ayant été, pour ce motif, l’objet des attaques les plus violentes et les plus longues de l’hérésie, il importait de lui faire une. application spéciale de la méthode : Quod officium… per totius operis membra dissipalum est ; sed in eo, quod prœcipui momenli esse docui, Trinitatis mysterio, singulare islud faciam uti professionis illius duclum ac. velul filum repelam ab initio Ecclesiæ ad Nicsena usque tempora. C. i, 3, ibid.

Voilà donc, d’après Petau lui-même, la raison d’être de cette Préface fameuse. La seule question, par conséquent, à se poser à son sujet est celle du motif qui a fait placer ainsi, en tête de l’ouvrage, ce qui devrait en être la partie centrale.

Un détail révélé par le livre III pourrait suggérer que le contenu de la Préface se trouvait d’abord à sa place logique, et qu’il en a été enlevé pour faire place au livre III actuel. L’avant-propos qui le précède signale, en effet, qu’il s’est produit, en dernière heure, une modification du plan primitif. Au moment où, son De Trinitate fini, Petau songeait à le faire imprimer, il a reçu de Pologne un ouvrage du pasteur Crell qui l’a déterminé, contrairement à son intention première, à ajouter une réfutation du socinianisme. L. 111, procem., 1, Vives, t. ii, p. 501 a-b. Il y consacre donc ce livre III tout entier, et l’on est, par conséquent, autorisé à se demander s’il ne le substitue pas alors à un livre III qui, dans son premier plan, aurait correspondu à ce qui fait le fond de la préface actuelle et complété, comme il le dit lui-même, la démonstration, par l’Écrit nie, du livre 1 1. Cette hypothèse, cependant, ne saurait s’appuyer sur une indication plus précise du texte lui-même, et il est donc probable que la place assignée à

la démonstration de la Pr^/ace tient uniquement, mais précisément, à son importance. Partie essentielle du traité, Petau la met en tête pour lui donner plus de relief. Avant d’aborder avec le livre I l’histoire des

erreurs dont a élé l’objet le mystère de la Trinité, il tient a (ii établir la vérité sur la base solide de la tra dit ion primitive.

Quoi qu’il en soit, au reste, des raisons qui lui ont fail accepter ce plan, on ne saurait admettre qu’il ait jamais omis d’y faire place a ce qu’il en considère comme la partie capitale. Imaginer qu’il y ail songé

seulement après coup et n’j voir qu’une précaution prise contre les détracteurs possibles de son œuvre serai) méconnaître la méthode et le but avérés de ses Dogme » théologiquu et supposer qu’il avait laissé d’abord au cœur de son Dr Trinitate la plus évidente et la plus ruineuse des lacunes. — Sur toute cette

question, voir P. Galtier, Petau et la préface de son De Trinitate, dans Rech. de se. rel., 1932, p. 472-476.

La sanctification des âmes par le Saint-Esprit.


C’est ici, semble-t-il, la doctrine la plus personnelle de Petau. Elle fait l’objet des c. iv-vn, dans le livre VIII du De Trinitate.

Le point de départ en est dans l’insistance des Pères grecs sur le don qui est fait aux justes de la personne même du Saint-Esprit. Ce don, Petau trouve que les théologiens de son temps le méconnaissent ou y insistent trop peu. Ils lui semblent identifier le Saint-Esprit qui vient en nous avec les dons créés de la grâce qu’il y produit. Or, cette identification, légitime ailleurs, ne saurait s’admettre ici sans méconnaître le sens réel des affirmations de l’Écriture et des Pères. A lire attentivement les textes, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’il s’agit ici du don de la substance même de la personne divine ; le mode d’union qui s’y affirme, entre nous et elle, dépasse celui qui consiste dans la production en nos âmes de la grâce sanctifiante ; ce dernier, très réel, est d’ordre accidentel : mais, en plus de lui, les Pères en décrivent un autre qui se termine à la substance même du Saint-Esprit, qui, pour ce motif, peut être dit substantiel, et qui nous rend saints, justes, enfants de Dieu. C. iv, 5, Vives, t. iii, p. 456.

Telle est la thèse que Petau s’applique ensuite à prouver. Elle ne consiste nullement à reprendre l’opinion de Pierre Lombard et à contester avec lui la réalité du don créé de la charité : cette erreur est formellement exclue et répudiée par lui. C. vi. 3-4. Sa thèse ne conteste pas davantage que la justification et la sanctification des âmes se fasse par la grâce sancti fiante ou que cette grâce en soit, au sens défini par le concile de Trente contre les protestants, la cause formelle unique. Petau suppose toujours et explicitement la production et la présence dans les justes de ce don créé : il le conçoit comme inséparable de leur union avec la substance de la personne divine. Mais, pour autant que la justification est conçue, ainsi qu’elle doit l’être, comme une entrée en participation de la nature divine faisant de nous les temples et les enfants de Dieu, il conteste que le principe propre s’en trouve uniquement ou principalement dans la grâce créée : considérée en elle-même, et abstraction faite du don incréé, elle ne saurait avoir de tels effets. D’après les Pères grecs, une créature quelconque, si parfaite qu’on la suppose, ne saurait par elle-même, par sa seule pré sence dans une âme, la rendre participante de la substance d’une personne divine ; il ne suffit pas d’une image de la divinité en nous pour autoriser à dire que Dieu y habite en personne. Aussi, à distinguer entre le don créé et le don incréé, ce n’est pas au premier que revient la part principale dans la sanctification du juste ; à lui seul, il ne saurait la constituer telle qu’elle nous est décrite par l’Écriture et la tradition. Le second, au contraire, y est absolument indispensable cl son rôle y est si important et si efficace que si, par impossible, le premier faisait défaut, la sanctification cependant serait produite. C. iv, 5. 9-12 ; c. v, 8 sq. ; c. vi, 1. Telle est. dans ce qu’elle a de plus essentiel aux yeux de Petau. la doctrine qu’il eroil pouvoir présenter comme incontestable. Il la distingue lui même soigneu

sèment de plusieurs questions subsidiaires auxquelles

les Pères grecs ne lui semblent pas permettre de faire une réponse aussi ferme. Le mode, par exemple, rie l’union qui s’établit entre l’âme juste et la substance divine lui demeure forl obscur. Tout en le qualifiant

le substantiel, pour l’opposer a celui qui resuite de

la production de la grâce, il ne songe nullement à le

confondre avec celui de l’union bypostatique. A vrai

il ne. et sauf explical ions ul I crieures qu’il promet et n’a pas pu donner au traité de la grâce, il se borne a dire que, si la réalité s’en impose, la nature propre nous en