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PETAU (DENYS). OPINIONS PARTICULIÈRES


innovation en matière d’absolution aux adultères dont Tertullien se glorifie lui-même en sens contraire (voiries deux mômes ouvrages n. 23 i-241, et p. 143-168). Il est permis de croire que Petau, s’il avait traite ces diverses questions à fond et ex professa, à propos du sacrement de pénitence, au lieu de ne les aborder, comme il l’a fait toujours, qu’incidemment, aurait été amené à modifier encore ses positions premières.

La doctrine trinitaire des Pères anténicéens.


Petau, nous l’avons dit, l’expose à la fois aux chapitres m-vi du 1. I de son De Trinitate et dans la préface spéciale dont il l’a fait précéder.

L’idée qu’il en donne est d’une complexité qui a paru aller jusqu’à la contradiction. Les chapitres qui y sont consacrés, au cours même de l’ouvrage, donnent l’impression très nette que Petau croit avoir trouvé, chez les écrivains de cette période, des formules propres à énoncer l’erreur d’Arius. Sous l’influence des doctrines platoniciennes, ils ont subordonné le Fils au Père au point de lui attribuer une génération s’accomplissant au début du temps et faisant de lui l’exécuteur des volontés du Père. Tum [illum] a supremo Deo ac Pâtre productum esse dixerunt, cum hanc rerum universitatem moliri statuit ut illum velut administrum adhiberet… Mvo, dignitate ac potentia superiorem esse Verbo Palrem arbitrati sunt, ac, tametsi de Patris esse substantia sive natura Filium assererent — qua una re ab cœteris, quæ creaturx proprise vocantur, illius conditionem diversam jaciebant — non minus lamen quam creaturas initium habuisse, hoc est minime ex œterno distinctam hypostasim fuisse, putarunt. L. I, c. v, n. 8, éd. Vives, t. ii, p. 316. Aussi, lorsqu’il arrive à Arius lui-même, Petau conteste-t-il que, comme on le lui a reproché, il ait tenu un langage inouï jusque-là. En fait, lui aussi s’est mis à l’école de Platon et ce qu’il dit n’est pas uniquement de son invention : on le trouve déjà chez beaucoup d’écrivains antérieurs : Planissime constat germanum platonicum Arium exslitisse, tum illorum veterum seculum esse dogma, qui, nonduin palefacta constitutaque re, ad eumdem errorem offenderunt… Quamobrem, quod Arium illius dogmalis archileclum fuisse, cujusmodi hactenus auditum non erat, Alexander [Alexandrinus] in epistola queritur, …oratorio more et per exaggerationem dici arbilror, siquidem magna est a nobis producla copia priscorum qui idem quod Arius ante tradiderunl. L. I, c. viii, n. 2, Vives, t. ii, p. 329 b.

La préface, au contraire, se fondant sur la distinction à faire de la doctrine et de son expression, de ce qui est la substance du dogme et de ce qui en représente seulement quelques aspects secondaires ou dérivés, conclut à l’orthodoxie foncière, au sujet de la Trinité, de la plupart de ces mêmes écrivains : Complures anliquorum illorum… mullum a nobis diversa scripserunt ; verum et paucissimi illi sunt, qui in re dissentiunl a communi ftde et, si sinceros purosque catholicos quærimus, omnino nulli. In re ipsa dixi. Nam in loquendi modo paululum quondam variasse… monstravimus. Deinde, eu jusque modi tandem islorum scripta et testimonia sunt, in preecipuis tamen et quæ ad summam speclant mysterii lolius, ut concordes invieem sunt, ita nobiscum congruunt. C. i, 12, Vives, t. ii, p. 259 b. Tametsi nonnulli… [suis] in libris quædam admiscuerint haud satis sincera, quie arianorum errori gratificari videntur, … errores illi ac labes opinionum privatarum vel magis in loquendi modo quam in re ipsa consistant, vel ad ipsam communis dogmatis substantiam non pertinent, sed ad quædam capila illius et consequentia décréta, vel denique in sola versantur interpretandi ralione, dum mysterii ipsius fideique summam, in qua omnes invieem congruunt, alius aliter disseril. C. vi, 1, Vives, t. ii, p. 277 b. En somme, les quelques écrivains anténicéens signalés au t. I, si l’on met à part les hérétiques manifestes, tels que Tatien, et, dans la

pensée des anciens, Tertullien, peuvent se diviser en deux groupes : 1° ceux qui, tout en tenant la foi commune et la substance même du dogme, s’en écartent sur quelques points secondaires : tels sont saint Justin, Athénagorc et Théophile d’Antioche ; 2° ceux qui, d’accord pour tout avec la doctrine actuelle, ne l’expriment cependant pas dans les termes requis pour qu’à la rectitude de la pensée corresponde l’exactitude du langage : tels sont Clément d’Alexandrie, saint [renée, saint Grégoire de Néocésarée, saint.Méthode, auxquels se peuvent ajouter, pour la plus grande partie de leurs écrits, des hérétiques ( !) tels que Tertullien et Origène. C. i, 12, Vives, t. ii, p. 259 b.

Ces conclusions furent très remarquées. Elles introduisaient dans l’histoire du dogme, de sa transmission et de ses énoncés une idée d’évolution qui, jusque-là, y était à peu près totalement étrangère. Catholiques et protestants étaient également habitués à considérer la vérité révélée comme ayant revêtu dès l’abord son expression définitive et immuable. Aux mots près, elle devait avoir été également connue et formulée à toutes les époques. Les incorrections, les hésitations, les inexactitudes signalées par Petau firent donc, en certains milieux, crier au scandale. On s’y montra d’autant plus empressé à les relever qu’elles parurent fournir des armes pour les querelles et les disputes du moment. Les partisans de Jansénius et d’Arnauld paraissent avoir été les premiers à s’en servir. Dès avant 1650, l’abbé de Bourzéis avait accusé le savant jésuite de faire « nier la divinité du Fils de Dieu » à presque tous les Pères des trois premiers siècles : à la fin de son t. iv, Petau lui-même dénonce ce putidum et illiberale mendacium. Adv. heterodoxi cavillationes, c. xi, 9, Vives, t. vii, p. 374-375. D’autres allèrent plus loin et se plurent à insinuer que, si Petau ne faisait point profession lui-même d’arianisme, il faisait tout au moins le jeu des sociniens, qui renouvelaient les erreurs d’Arius. Telle fut, en particulier, l’explication que se plut à donner, des conclusions de Petau, l’anglican Bull dans la Defensio fidei Nicœnæ, proœmium, vm, p. 8, qu’il publia en 1685 pour les réfuter. Les Ballerini, au xviiie siècle, devaient reprendre cette accusation. De Zenonis Veron. op. dissert., Il, c. i, § 1, P. L., t. xi, col. 86 B. D’autres allèrent plus loin et se plurent à imaginer que ses relations bien connues avec Grotius avaient entraîné le jésuite à servir la cause des sociniens. (Bruit rapporté par Richard Simon — qui n’y croit pas — dans une de ses lettres : Lettres choisies, iv, t. i, p. 21.) Les sociniens, de fait, se réjouirent de trouver chez lui des constatations qui semblaient favoriser leur doctrine. De même, le ministre Jurieu, dans ses Lettres pastorales contre les Variations reprochées aux protestants par Bossuet. Tout à l’encontre de l’anglican Bull, il fit siennes les conclusions de Petau sur les variations relevées par lui et s’en servit comme d’un argument contre l’invariabilité du dogme prêchée par l’évêque de Meaux. Mais il s’attira par là des réponses de Bossuet qui vengèrent Petau de toutes ces incompréhensions intéressées. Pourquoi ne tenir compte que des chapitres insérés au t. I, et ne pas se référer à la préface où l’auteur « s’explique, où il s’adoucit, où il se rétracte, si l’on veut ; en un mot, où il enseigne la vérité à pleine bouche » ’? Avertissements aux protestants, vi. n. 100 ; voir aussi n. 101-103, et i, n. 28.

Cependant, les « explications », les « adoucissements », les « rétractations », si l’on veut, ainsi donnés, on en mit en doute la spontanéité et la sincérité. Petau n’y aurait-il pas eu la main forcée ? A plus d’un demisiècle de distance, L’histoire janséniste citée par Bayle l’affirma : c’est la Sorbonne, qui, pour autoriser l’impression, aurait exigé cette correction. « C’est quelque chose, dit Bayle. de surprenant et d’inconcevable de ve r