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PETAU (DENYS). IMPORTANCE


doctrina in eo libro trad.ta ab heterodoxi cujusdam oppugnalione de/enditur (éd. "Vives, t. vii, p. 339-377). C’est le résumé des réponses (Sommervogel, n. 52-53) faites à diverses brochures publiées sans nom d’auteur par l’abbé de Bourzéis qui prétendait ramener la doctrine du concile de Trente sur la grâce et la prédestination à celle de saint Augustin, telle qu’elle était comprise par Jansénius : pas d’autre grâce que la grâce efficace ; la prédestination ante prævisa mérita, article de foi.

Les dernières publications théologiques de Petau sont donc toutes consacrées à réfuter les partisans de Jansénius. Ainsi avait-il fait paraître, tandis que s’éditait son t. iv, en 1648, son De lege et gratia libri duo et son Elenchus theriacæ Vincentii Lenis (éd. Vives, t. v, p. 1-143) : les deux sont une réponse à l’ouvrage pseudonyme publié en 1647 à Louvain par Libert Fromond sous le titre : Vincentii Lenis theologi arausicani adversus Dion. Petavii et Ant. Richardi [ = Et. Deschamps ] de libero arbitrio ; en 1649 et 1650, les deux dissertations contre l’abbé de Bourzéis résumées dans l’appendice au 1. XIII du De incarnatione : De Tridenlini concilii inlerprelatione et sancti Augustini doctrina. De Augustini doctrina et Tridentina synodo dissertatio posterior. En 1651’.Dissertatio brevis de adjulorio sine quo non ad mentem sancti Augustini (éd. Vives, t. v, p. 145-150) : explication d’un passage de saint Augustin (De correptione et gratia, c. xi-xii), où Jansénius pensait trouver affirmé qu’il n’est point de vraie grâce — adjutorium quo — en dehors de la grâce efficace.

III. Place dans l’histoire de la théologie. — Professeur de théologie positive, Petau n’a pas voulu faire de la théologie scolastique ; mais il n’a pas non plus prétendu écrire une histoire du dogme ou de la théologie. Il a voulu proprement faire œuvre de théologien. Son intention, dans les Dogmata theologica, a été d’exposer la doctrine catholique telle qu’elle apparaît dans ses sources véritables, l’Écriture et la tradition catholique. En cela, il a repris exactement, à cinquante ans de distance, l’enseignement qu’avait inauguré, à Paris, le célèbre Maldonat. Dès 1609, le roi Henri IV avait voulu que cette chaire fût rétablie ; elle ne le fut qu’en 1618 et le P. Fronton du Duc, que le roi avait choisi dès l’abord à cet effet, fut le premier à l’occuper. Fouqueray, Hist. de la Comp. de Jésus en France, t. iii, p. 121, 429. Mais Petau, qui l’y remplaça, contribua plus que personne à faire du Collège deClermont ce qu’un juge plutôt difficile n’a pas craint d’appeler une petite université. Saltet, Les leçons d’ouverture de Maldonat, dans Bulletin de litt. ecclés., 1923, p. 344.

A en juger par ses œuvres, c’est bien la méthode même de Maldonat que Petau s’appliqua à suivre. Méthode positive laissant à d’autres celle de la théologie scolastique, mais ne se proposant nullement de la supplanter. Encore que lui-même appelle cette théologie contentieuse et subtile » et que ses goûts d’humaniste lui fassent souhaiter de la voir s’exprimer en un latin plus soigné ( Prolegomena, c. i, 1), il s’applique, dans son introduction générale, à la venger des sarcasmes dont elle est l’objet. Depuis Érasme, la mode est de s’en prendre à elle : pour la moindre teinture d’érudition ou d’humanisme dont on croit pouvoir se glorifier, on s’est ime autorisé à lui reprocher son aspeef barbare et son amour de la dispute. Les novateurs sont les plus ardents a la poursuivre de leur haine el Jansénius ne lui est guère moins hostile que h s fonda tcurs du protestantisme : c’est elle qu’il accuse d’avoir Corrompu la pureté primitive de la doctrine « m. 9). Petau réfute ces accusations, en rappelant les attitudes

diverses adoptées par l’Église à l’égard de Platon et

d’Aristote et en distinguant la dialectique, avec ses disputes verbales, de la saine philosophie. Celle c i

place nécessaire dans l’exposé de la doctrine révélée ;

elle permet de l’élucider et d’en acquérir ou d’en donner une connaissance exacte. Son rôle peut s’y résumer en trois mots : elle intervient dans la théologie vel ad ornandam, vel ad luendam, vel ad formandam divinarum rerum scienliam (c. iv, 1). Quant aux questions théologiques que les novateurs se plaisent à qualifier d’oiseuses, Petau montre que beaucoup d’entre elles ont déjà retenu l’attention des Pères et que, d’ailleurs, en beaucoup de cas, ce sont les hérétiques eux-mêmes qui ont obligé ou qui obligent de s’y arrêter (c. v, 6-7). Aujourd’hui encore, d’ailleurs, les novateurs les plus acharnés à réprouver la doctrine catholique, sous prétexte de subtilités scolastiques, ne sont eux-mêmes, le plus souvent, que des dialecticiens retors, dont on ne pourrait réfuter les arguments captieux qu’en se servant de leurs propres armes : raison de plus, et elle suffirait, pour que les théologiens scolastiques n’aient pas à rougir de leur méthode (c. vi, 8). Cette introduction, on le voit donc, reproduit à sa manière, et en les adaptant aux nécessités du temps, les principes rappelés par saint Thomas, I a, q. i ; Cont. gent., t. I, c. ii, sur la nature propre de la science théologique, sur ses principes et sur la place qu’il convient d’y faire à la philosophie. Mais elle se présente sous la forme d’un plaidoyer en faveur de la scolastique qui rappelle celui-là même par lequel Maldonat s’était complu à ouvrir ses cours (voir Saltet, art. cit., p. 335-339). Pour se rendre compte, en tout cas, à quel point l’un et l’autre sont éloignés de la vouloir décrier, il suffit de comparer ce qu’ils en disent avec les appréciations qu’en fera Mabillon dans son Traité des éludes monastiques, IIe part., c. vi.

Seulement, comme Maldonat. Petau ne peut s’empêcher de reconnaître que la culture exclusive de cette théologie a fait et fait perdre trop souvent de vue le véritable but de la science sacrée. Il arrive qu’on s’y laisse entraîner à des questions de pure dialectique, qu’on y ramène tout à des disputes d’école et qu’on ne distingue plus les vérités s’imposant au titre des autorités proprement théologiques des constructions purement systématiques édifiées sur les dires de tel ou tel docteur particulier.

Cajétan avait déjà eu quelque impression du malaise provoqué par ces excès. A propos des paroles de saint Thomas sur les raisons d’ordre philosophique, auxquelles la théologie ne fait appel que comme à des arguments étrangers à son domaine : hujusmodi auctoritalibus uiitiir quasi extraneis argumentis : l a, q. î. a. 8, ad 2um, il s’était posé la question : Pourquoi donc alors tant de philosophie en théologie ? Dubiunt hic occurrit non dissimulandum. Si ex rationibus naturalîbttS theologia procedil ut ex extraneis et probabilibus, cur tantus labor a doctoribus speculativis assumptus est’.' Quorsum libri « Contra gentiles. rationibus naturalibus pleni ? etc. Aut enim hi non trudunt Iheologiam, aut in extraneis nimis morati mi ni. Sa réponse, toute formelle, avait montré que lui non plus, tout entier à la méthode en vogue, ne saisissait ni la gean ité du mal. ni ne soupçonnait la crise qui en devait résulter. Mais la révolte protestante vint, qui mit en tout son jour le danger de tant de spéculations a vide. Il est universellement reconnu aujourd’hui que le point de départ de Luther se trouve dans son dégoût d’une théologie se préoccupant trop peu de mettre en lumière ce qu’enseigne Il i rif lire ou la tradition et S’absorbant dans des dis eussions philosophiques sans fin et sans portée. Voir, entre autres. (Irisar. Der deutsche Luther, t. i. p. 105 110. Aussi la réforme catholique se Ht elle, idem par un retour aux sources : où cesse la discussion eut ri’catholiques ? que faut il croire ? pourquoi l’Église Impose t elle de croire tel ou tel dogme ? C’était rendre

à la théologie positive la plaie qui lui revient de droit

dans l’enseignement de la doctrine sacrée. Melchior