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    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. QUESTIONS CONNEXES

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pense due à un mérite. C’est un « présent », un « grand don », sur lequel « personne ne peut se promettre rien de certain d’une absolue certitude » ; en vue duquel « chacun doit faire son salut avec crainte et tremblement », etc. Tout cela exclut l’idée du mérite proprement dit. Ajoutons que, dans le can. 32, indiquant la vie éternelle comme objet du mérite de condignité, le concile ajoute cette condition : si tamen in gralia decesserit, ce qui implique que la condition n’appartient pas à l’objet du mérite.

De plus, les théologiens font appel au raisonnement pour démontrer que les grâces efficaces qui constituent le don de persévérance finale ne sauraient, ni collectivement, ni distributivement, constituer un objet du mérite de condignité. Ni collectivement, car il faudrait pour cela que l’homme put mériter de condigno la première grâce efficace de toute la série ; ni distributivement, car, dans l’hypothèse que le juste, muni de la première grâce efficace, pourrait mériter d’un mérite proprement dit les grâces efficaces suivantes, il se fixerait ainsi de lui-même dans I’impeccance, ce qui ne se réalise, dans le don de persévérance finale, qu’à l’ultime moment de l’état de voie, et uniquement par l’efficacité de la grâce.

En bref, l’argument de saint Thomas, IMI*, q. cxiv, a. 9, reste le fond de toute argumentation. La grâce de la persévérance finale est le principe du mouvement vers la persévérance, elle ne saurait donc être au terme du mouvement, seul objet possible du mérite. Voir col. 1294.

Faut-il faire du don de la persévérance finale un objet du mérite de congruité ?

Nombre de théologiens l’admettent, certains en spécifiant que ce mérite de congruité est essentiellement faillible. Bellarmin, Controversiæ de jiistificatione, t. V, c. xxii, Opéra, t. vi, Paris, 1870, p. 385 (s’appuyant sur saint Thomas, In epist. ad Heb., c. vi, leçon 3) ; Suarez, De gratta, t. XII, c. xxxviii, n. 14, qui adoucit son affirmation en rappelant que, à proprement parler, il n’y a pas de mérite même de congruité à un moment déterminé de la vie ou dans tels actes particuliers, mais plutôt une succession d’actes, au cours de toute la vie, partiellement méritoires, d’un mérite de simple congruité ; et d’autres théologiens, principalement jésuites. L’opinion est accueillie avec faveur par Lange, De gratia, n. 717. Elle s’appuie sur II Pet., i. 10 : Satagite, ut per bona opéra certain vestram vocationem et electionrrn /ariatis. Et, d’ailleurs, saint Augustin a lui-même employé le mot mérite » : supplicilrr BMBRERI. Cf. Van Noort, n. 220.

La plupart des théologiens, cependant, suivent saint Thomas, I » -l ! ". q, xiv. a. 10. et enseignent que la persévérance finale ne saurait être méritée, même d’un simple mérite de congruité, à moins d’entendre ici le mot « mérite dans un sens tOUl a fait impropre. Le mérite de congruité. en effet, suppose une certaine convenance de la récompense. Or, même en simple convenance. Dieu ne doit la prédestination et la per sévérance finale a personne. Ce sont la des dons absoi unent gratuits. Gonet, De justifleatione, disp. II. De merllo, a. 9, n. 228 ; Billuart, De gratia. diss. VIII, a. 5 (OÙ l’auteur reconnaît que, même chez les Iho mistes, U j a désaccord). Le P. del Prado semble toi muler une appréciation exacte en disant que la formule du mérite de congruité appliquée au don de la persévérance finale recouvre une équivoque. De gratin il libero arbitrio, t. i. p. 66 l.

Il conviendrait donc, après Gonel et Billuart, « le dire que, eu lonle hypothèse, il ne pourrai ! être ques tlon que d’un mérite de commuté improprement dit’I.ni.en, l.n Et, par la. nous rejoignons la doctrine Commune" ment admise, re » certisiima, dit Suarez, toc. <it.. n. 12. et enseignée par tous les théologiens sans exception, que la grâce de la persévérance finale peut être obtenue par nos prières et nos supplications : suppliciter rmereri potest. Il est inutile de donner ici des références, puisque c’est l’unanimité qui est en cause.

Janssens trouve opportunément dans la liturgie la conclusion de cet enseignement. Dans le missel romain, est insérée la messe ad postulandam gratiam bene moriendi. Le mot gratia indique ici la gratuité de la persévérance finale, qui ne tombe pas sous l’objet du mérite. Sans doute, les derniers mots de l’Evangile pourraient faire quelque difficulté : Yigilate itaque, omni tempore orantes, ut digni habeamini /ugere isla omnia qmv futura sunt et stare ante Filium iwminis. Luc, xxi, 3(5. Mais le mot digni n’implique ici aucun titre strict à la persévérance, comme on peut s’en rendre compte en lisant la dernière oraison : Qiursumus clemenliam tuam, omnipotens Dcus : ut jier hujus l’irlulem sacramenti nos famulos tuos gratia tua con/irmare digneris ; ut in hora morlis nostriv non prsevaleat contra nos adversarius, sed cum angelis tuis transitant habere mereamur ad vitain. De gratia Dei et Christi, p. 502.

V. Quelques concepts extra-théologiques relatifs a la persévérance finale. —

1° Les révélations privées et la certitude de la persévérance finale. —

Certaines révélations privées apporteraient à une catégorie de chrétiens la certitude d’éviter les flammes de l’enfer. Ainsi, la révélation faite par la sainte Vierge à saint Simon Stock en faveur de ceux qui mourraient revêtus du scapulaire du mont Carmel. Sur l’authenticité et la portée de cette révélation, voir Terrien, Lu Mère des hommes, t. ii, Paris, p. 300 sq. ; pour la controverse relative à l’authenticité, art. Marioldlric, dans le Dicl. apol. de la foi catbol., t. iii, col. 310. Ainsi, la révélation faite par le Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie, en faveur de ceux qui communieraient en l’honneur du Sacré-Cœur neuf fois de suite, le premier vendredi. Sur le texte, le sens, la portée de cette « grande promesse », voir J.-V. Bainvel, La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, Paris, 1910. avec toutes les références de la p. 85.

On se rappellera tout d’abord que les révélations privées ne n’imposent à l’adhésion des fidèles que dans la mesure où elles corroborent la révélation publique, close dans l’Église catholique avec la mort du dernier des apôtres. Voir I. vi, col. 146-149. D’autre part, même lorsqu’elles ont. pour ainsi dire, reçu le laissczpasser rie l’Église, elles ne se présentent encore qu’avec ries garanties humaines d’authenticité, l’autorité de l’Église D’étant jamais engagée sur ce point.

En admettant l’authenticité des révélations faites à saint Simon Stock et a sainte Marguerite-Marie, il ne s’ensuit pas que la doctrine promulguée au concile rie Trente soit Infirmée pour une catégorie de chrétiens. La promesse doit être Interprétée d’après l’analogie rie la foi et. quelle que soit l’interprétation donnée au sens de ces révélations, il restera toujours vrai qu’il ne s’agit pas de cerl il uric absolue, mais de confiance fondée SUT la miséricorde et la bonté divines et conditionnée par l’accomplissement des devoirs qu’impose le salut. Nous avons u plus haut. col. 1300, que la dévotion envers Marie est un des signes de la | ii destination et de la persévérance finale, l.a révélation Concernant le scapulaire doit être comprise en ce sens. Quant à la promesse, il semble qu’elle doive être interprétée dans un sens analogue, file supposerait donc l’accomplissement des autres œuvres et la fidélité aux grâces, dont dépend, dans les miséricordieux desseins de Dieu, la persévérance finale. L’évangile rie saint Jean nous fournit un exemple de promesse de ce genre ; Jésus y promet la vie étemelle et la résurrectli n gloi n use a i eux qui mangeront sa chair et boiront son