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    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LA PERSÉVÉRANCE FINALE

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joint à l’instant de la mort ; de la part de l’homme, il comporte une série de secours par lesquels l’homme, ou est préservé des I en talions, ou arrive à les surmonter, ou, s’il tombe, se relève en temps opportun. Et, enfin, il consiste en une ultime grâce efficace, qui relie le dernier mouvement de l’âme avec l’état de terme et qui, étant la grâce efficace par excellence, justifie, pour le don de persévérance, l’appellation de grand et insigne don de Dieu. > Tractatus theologici, t. n. Tract, de gratia, q. ii, a. 8, n. 7, p. 145. Cf. Jean de Saint-Thomas, loc. cit., n. 10.

Cette explication de l’efficacité de la grâce de la persévérance finale chez les adultes, par la fixation de la volonté dans le bien, amène, sous la plume des théologiens, des questions subsidiaires, que nous ne pouvons qu’indiquer ici.

Comment la perséuc’ranee finale se différencie-t-elle de la confirmation en grâce ? Évidemment, la persévérance finale est une sorte de confirmation en grâce ; mais ce n’est pas, à proprement parler, la véritable confirmation en grâce qui est un don bien plus spécial. Voir Impeccabilité, t. vii, col. 1272. On pourra consulter, sur ce point très particulier, Suarez, De gratia, t. X, c. vin ; Salmanticenses, De gratia, disp. III, dub. xi, § 5 ; Ch. Pesch, De gratia, n. 191 ; Schiffini, Tractatus De gratia divina, Fribourg-en-B., 1001, n. 124 ; Beraza, Tractatus De gratia Christi, Bilbao, 1916, n. 250 ; Lange, De gratia, n. 572.

La grâce de la persévérance finale eût-elle été nécessaire dans l’état d’innocence ? La réponse affirmative ne saurait faire de doute, en raison du IIe concile d’Orange, can. 19, voir t. xi, col. 1098, bien qu’elle doive affirmer une plus grande facilité pour l’homme innocent de se conserver dans le bien. Cf. Salmanticenses, op. cit., disp. III, dub. xi, § 4, n. 243-246 ; Gonet, De gratia, disp. I, a. 8, § 5. La persévérance finale, en tout état de cause, est un bienfait très spécial, soit pour l’ange, soit pour l’homme.

2. Justification de cette doctrine dans chacune des opinions particulières sur l’efficacité de la grâce. — Cette unanimité dans l’explication de la persévérance finale par la grâce efficace laisse subsister toutes les divergences d’école relativement à l’explication de cette efficacité. Et c’est dans cette explication que les théologiens modernes rattachent, chacun selon sa conception personnelle, le problème de la persévérance finale au problème de la prédestination. Ad solam ejus référendum esse voluntatem, cujus inscrutabilia judicia sunt, quique unum dilexit prse altero, graluitum ci confcrens donum, quod absque injustitia non contulit et alleri. Billot, De gratia, p. 125-126.

Suarez, De gratia, t. X, c. v, n. 8, a bien noté la parfaite liberté, gardée par les théologiens, d’expliquer, conformément à leur système de la grâce efficace, le secours spécial de la persévérance finale. « Ceux qui enseignent que le secours efficace ajoute le secours de la prédétermination physique de la part de Dieu, disent conséquemment que le don de persévérance ajoute un secours analogue, ou, plus exactement, un ensemble de secours analogues, proportionnant leur nombre au mode de persévérance, savoir pour un temps plus ou moins long, par des actes plus ou moins nombreux et même par un seul acte. Mais nous, avec la même logique et tenant compte des mêmes proportions, nous pensons que le don de persévérance ajoute la congruité d’un appel, ou de plusieurs appels, selon qu’il est nécessaire pour une persévérance plus ou moins longue. » Le grand théologien jésuite situe parfaitement ainsi la position des modernes et montre comment le dernier aspect de la grâce de la persévérance finale doit être, dans la théologie posttridentine, étudié en fonction des différents systèmes sur l’efficacité de la grâce et sur la prédestination. Cet aspect a

déjà été étudié ici. Voir Grâce, t. vi, col. 1662-1077 ; CONGRtTISME, t. m. col. 1120 s(|. ; MOLINISME, t. X,

col. 2160 s(|. ; Prédestination.

Quoi qu’il en soit des objections qu’on peut légitimement adresser a chacun des systèmes en cours dans renseignement catholique, tous s’efforcent de mettre en relief la gratuité de la prédestination et de la grâce efficace. Tous concluent donc que cette grâce eflicace par excellence, qui assure, à l’heure de la mort, l’exécution de la prédestination, mérite l’appellation que lui donna saint Augustin et qu’a consacrée le concile de Trente, magnum donum Dei.

II. CONSÉQUENCES DE CETTE DOCTRINE.

1° DlCeT titude de lu persévérance finale. — Cette incertitude, proclamée par le concile de Trente, voir col. 1288, se tient tout entière du côté de l’homme, qui, tant qu’il est sur cette terre, demeure dans l’ignorance des secrets desseins de Dieu sur lui et dans l’impossibilité de prévoir sa fidélité à la grâce. C’est un dogme de foi, connexe au dogme de l’incertitude de notre prédestination. Voir ci-dessus, col. 1287. Il est clairement indiqué dans l’Écriture, I Cor., x, 12 ; Phil., ii, 12.

Cette doctrine n’empêche pas qu’à l’aide de certains signes l’homme ne puisse concevoir quelque confiance au sujet de sa persévérance finale et de sa prédestination ; Jésus-Christ nous y invite lui-même dans le sermon sur les béatitudes. Matth., v, 3. Ces signes sont, d’une manière générale, le souci de pratiquer les bonnes œuvres et de s’exercer dans la vertu. On peut énumérer les signes suivants : 1. Un constant souci de conserver la pureté de la conscience ; cf. I. Joa., iii, 21 ; Rom., vin, 16. 2. L’esprit de prière et de méditation ; cf. Eccli., vii, 40. 3. Une véritable humilité, qui est le meilleur gage de la grâce et de la garde des vertus ; cf. Jac, iv, 6. 4. La patience chrétienne dans l’adversité ; cf. Rom., viii, 17 ; II Tim., ii, 12. 5. lue charité agissante à l’égard du prochain et un fréquent exercice des œuvres de miséricorde spirituelles et temporelles ; cf. Tobie, IV, 11 ; Jac, v, 20. 6. Une dévotion sincère envers le Christ rédempteur, eucharistie, passion, Sacré-Cœur, envers la très sainte Vierge, mère de la divine grâce et refuge des pécheurs, envers l’Église, dispensatrice de la grâce et de la vérité. Cf. Van Xoort, De gratia, n. 107 ; Einig, De Deo uno ci trino, Trêves, 1906, p. 116 ; Van der Meersch, op. cit., n. 348.

Cette confiance est elle-même suggérée par le concile de Trente : Nemo sibi certi aliquid absoluta ceriitudine polliceatur, tametsi in Dei auxilio firmissimam spem collocare et reponere omnes debeant.

2° Impossibilité de mériter « de condigno » la persévérance finale. — L’impossibilité de mériter, d’un mérite proprement dit, le don de la persévérance finale, vient de ce que ce don est constitué par une série de grâces efficaces ou par une seule grâce efficace. Or, tous les théologiens excluent la grâce eflicace de l’objet du mérite de condignité. Voir Salmanticenses. De merito, disp. VI, dub. v ; Suarez, De gratia, t. XII, c. xxvi, n. 24-25 ; Ch. Pesch, De gratia, n. 425 ; Billot, De gratia, th. xxii. § 2 : Beraza, De gratia. n. 1036 ; Van Noort. De gratia, n. 219, etc. C’est là une doctrine commune et certaine. Beraza, loc. cit.

En conséquence, bien que rien ne soit défini par l’Église à ce sujet, les théologiens posttridentins considèrent, les uns comme de foi, Gonet, De justificatione et de merito. disp. IL a. 9, n. 217, la plupart comme au moins théologiquemeiit certain, que la persévérance finale ne puisse être l’objet d’un mérite de condignité. Cf. Suarez, loc. cit., et Ripalda, De ente supernaturali, I. IV, disp. XC1V, sect. i. La raison de cette note théologique est que le concile de Trente, sess. vi, c. xiii et can. 16, voir ci-dessus, col. 1286-1289, a décrit le don de persévérance finale de telle sorte qu’il apparaît manifestement qu’il ne peut être la récom-