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    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LA PERSÉVÉRANCE FINALE

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2° La possibilité pour le juste d’éviter le péché. L’analyse du concept de la persévérance continue dans le Ijii’ii implique, on l’a vii, un double élément) un élénieni statique, la possession de la grâce sanctifiante, un élément dynamique, le pouvoir de prolonger longtemps cet état. Cet élément dynamique n’est concevable, même pour le juste, qu’avec le secours de la grâce divine.

1. Il ne saurait être question, même avec le secours de la grâce, d’éviter tout péché véniel. Aussi, l’un des cadres de la théologie moderne, en conformité avec les décisions du concile de Carthagc, voir col. 1269. et du concile de Trente, voir col. 1279, concerne-t-il l’impossibilité pour le juste d’éviter, pendant toute sa vie, tous les péchés véniels, à moins d’un privilège très spécial qui, selon le sentiment général, n’a été accordé qu’à la très sainte Vierge. Denz.-Bannw., n. 106, 107, 108, 804, 833 ; Cavallera, n. 843, 884, 892. La thèse est notée comme de foi.

2. En ce qui concerne le péché mortel, la théologie moderne rattache la possibilité pour les justes de l’éviter, même complètement, au cours de toute la vie, à différentes doctrines qui, sans concerner spécialement les justes, posent néanmoins les principes d’après lesquels peut être dirimé leur cas spécial.

a) L’accomplissement des préceptes de la loi divine n’est moralement possible à l’homme déchu qu’avec le secours de la grâce ; même s’il s’agit de leur accomplissement quoad substantiam, c’est-à-dire abstraction faite de tout mérite surnaturel. La note théologique de cette thèse varie suivant les auteurs, depuis la certitude Ihéologique (Suarez, De gratia, t. I, c. xxvi, n. 12) jusqu’à la doctrine de foi (Van der Meersch, ici, t. vi, col. 1584, se référant à Billot, De gratia, th. ii, § 2) ; en passant par la note doctrine catholique (Perrone, De gratia, part. I, c. ii, prop. 2, édit. Migne, t. i, col. 1253). Voir, sur cette question, l’article Grâce, t. vi, col. 1583 sq. Mais le juste, déjà en possession de la grâce sanctifiante, peut-il, avec le soutien de cette seule grâce, remplir tous les commandements ?

b) La théologie fait observer, à cette occasion, que le juste lui-même rencontre sur son chemin tant de tentations graves que, vu la faiblesse de la nature humaine, même réparée par le Christ, le secours d’une grâce proportionnée lui est indispensable pour vaincre les tentations plus graves. Sur la raison psychologique invoquée par la théologie, voir saint Thomas, ici, col. 1275. Cette doctrine catholique se fonde sur V Indiculus de gratia, c. vi, et sur les déclarations du concile de Trente, sess. vi, c. xiii (in fine), Denz.-Bannw. , n. 132, 806 ; Cavallera, n. 886. Ci-dessus, col. 1287.

c) D’où, la thèse catholique de la nécessité de la grâce actuelle, en plus de la grâce habituelle, pour que le juste puisse éviter tous les péchés mortels au cours de sa vie. Voir t. vi, col. 1677-1678. Avec le secours de cette grâce, les commandements de Dieu ne sont plus, pour le juste, impossibles à observer. Cône, de Trente, sess. vi, can. 18 ; Denz.-Bannw., n. 828 ; Cavallera, n. 892. La seule discussion (plus théorique que pratique ) qu’agitent, sur ce point, les théologiens, est de préciser la nature de cette grâce actuelle, médicinale ou élevante ? Voir l’exposé de la question, t. vi, col. 1586-1590.

3. Nous aboutissons ainsi au cadre propre à notre question : le pouvoir de persévérance n’existe pour les justes qu’avec un secours particulier de Dieu, secours qui n’est refusé à aucun d’entre eux. Les deux assertions composant cette doctrine sont de foi. On invoque le IIe concile d’Orange, can. 10 et 25, concl. ; le concile de Trente, sess. vi, c. xi, xiii ; can. 22, voir ci-dessus, col. 1270, 1279, 1286. La deuxième partie de l’assertion, à savoir oue le secou.r= nécessaire n’est refusé à

aucun juste, se rattache à la question de la distribution de la grâce, voir t. vi, col. 159°) sq.

La discussion entre théologiens vise simplement a déterminer l’essence de ce secours spécial ». On a donné plus haut les différentes interprétations de Vauxilium spéciale préconisé au concile de Trente. Voir col. 1284 sq.

La théologie de la persévérance et lu liturgie.

La

plupart des théologiens modernes font ressortir l’accord de la liturgie et de la théologie dans la question de la nécessité de la grâce pour la persévérance du juste.

Quelques exemples :

Libéra nos quasumus, Domine, ab omnibus malis…, ut ope misericordiæ tuaadjuti, et a peccato simus semper Uberi et ab omni perturbations securi (canon de la messe).

Vota, quæsumus Domine, supplicantis populi cselesti pietate prosequere ; ut et quæ agenda sunt, videant, et ad implenda quæ viderint, convalescant (dim. dans l’octave de l’Epiphanie, secrète).

Deus, qui nos in tantis periculis constitutos, pro luimana scis fragilitate non posse subsistere (IVe dim. après l’Epiphanie, collecte).

Deus, qui conspicis omni nos virtute destitui… (11’dim. de carême, collecte).

Deus, a quo bona cuncta procedunt, largire supplicibus tuis : ut cogitemus, te inspirante, quæ recta sunt, et te gubernante, eadeni faciamus (V dim. après Pâques, collecte).

Deus, in te sperantium fortitudo, adesto propitius invocationibus nostris : et quia sine te nihil potest mortalis infirmitas, pra ?sta auxilium gratiatua ;, ut in exequendis mandatis tuis, et voluntate tibi et actione placeamus (1 er dim. après la Pentecôte, collecte).

Nunquam tua gubernatione destituis, quos in soliditate tuse dilectionis instituis (dim. dans l’octave du Saint-Sacrement, collecte).

Protector in te sperantium Deus, sine quo nihil est validum (IIP dim. après la Pentecôte, collecte).

Largire nobis, quæsumus, Domine, semper spiritum cogitandi quæ recta sunt, propitius, et agendi… (VHP dim. après la Pentecôte, collecte.)

…quia sine te labitur humana mortalitas, tuis semper auxiliis, et abstrahatur a noxiis, et ad salutaria dirigatur (XIVe dim. après la Pentecôte, collecte).

Deus, qui conspicis, quia ex nulla nostra virtute subsistimus. .. (Fêle de saint Martin, évêque, collecte.)

Et, pour terminer, la célèbre strophe, d’une saveur bien augùstinienne, de la séquence Veni sancte Spiri lus :

Sine tuo numine.

Nihil est in homine,

Nihil est innoxium.

IV. Lk problème spécial de la persévérance finale. — L’acte même de la persévérance finale est étudié à part par les théologiens. Cet acte, en effet, ajoute quelque chose au posse perseverare dont il a été question jusqu’ici.

D’une manière générale, la persévérance finale ajoute, au pouvoir de persévérer longtemps dans le bien, des dispositions spéciales de la Providence, faisant coïncider l’instant de la mort avec la continuation de l’état de grâce, et une grâce particulière, donnant à l’âme non seulement de pouvoir persévérer en ict état, mais d’y persévérer effectivement au moment ultime de l’existence. Or, ces deux éléments spécifiques de la persévérance finale échappent complètement au pouvoir du libre arbitre, même soutenu par la grâce, car il n’est jamais au pouvoir du libre arbitre de s’immobiliser dans le bien au moment précis de la mort, moment dont la détermination elle-même lui échappe.

C’est donc 1° sous cet aspect général que se présente le concept de persévérance finale, lequel : 1. a ses racines dans l’Ecriture sainte : 2. a été mis en relief par saint Augustin ; 3. a été retenu par la théologie médié-