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    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LE CONCILE DE TRENTE

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p. 281 sq. Le canon IX réprouve la prétendue impossibilité. L’anathème est brièvement formulé) car les

explications utiles ont été fournies dans le c. xi : le texte de saint Augustin, De natura et gratia, xi.m, 50, est à la base des explications. La doctrine ici formulée eoncerne uniquement te juste ; elle laisse donc intacte la controverse entre thomistes et scotistes sur l’impossibilité, pour le pécheur, d’observer intégralement la loi, uniquement avec le secours de la grâce actuelle. Voir ci-dessus, col. 1277.

L’Église sera amenée, plus tard, à reprendre cette condamnation d’une prétendue impossibilité pour le juste, par rapport à l’accomplissement des préceptes divins, dans les querelles baïanistes et jansénistes. Voir la 54e proposition de Baius, condamnée par Pie V ; ici, t. ii, col. 96 et la l re prop. de Jansénius, condamnée par Innocent X, ici, t. viii, col. 479.

Puisque les justes peuvent, avec le secours de Dieu, accomplir les préceptes divins et éviter ainsi le péché, il est donc faux d’affirmer que leurs bonnes œuvres soient des péchés au moins véniels et même (ce qui est plus intolérable encore) des péchés mortels méritant les peines éternelles. Can. 25, Denz.-Bannw., n. 835 ; Cavallera, n. 892. Voir bulle Exsurge Domine, prop. 31, 32, 35, 36, Denz.-Bannw., n. 771, 772, 775, 776 ; Cavallera, n. 869. Pour la justification historique des assertions luthériennes et calvinistes, voir Justification, t. viii, col. 2132, 2137-2138 ; et Calvinisme, t. ii, col. 1401-1403. De même, il est contraire à la foi d’affirmer que le juste pèche en agissant en vue de la récompense éternelle. Can. 31, Denz.-Bannw., n. 841 ; Cavallera, n. 892.

Ainsi donc, s’il le veut, s’il n’abandonne pas Dieu le premier, le juste pourra pratiquer son devoir et assurer ainsi sa persévérance dans le bien. Sans doute, il ne pourra pas éviter tout péché véniel, ce privilège ayant été, selon la croyance de l’Église, le partage de la sainte Vierge. Can. 23, Denz.-Bannw., n. 833 ; Cavallera, n. 892 ; voir Grâce, t. vi, col. 1594. Mais il résulte de tout ce qui précède que c’est un article de foi que le juste peut éviter le péché mortel, c’est-à-dire persévérer dans le bien.

II. DU SECOURS « SPÉCIAL » NÉCESSAIRE A LA PER-SÉVÉRANCE. — Pour qu’il ne demeurât aucun doute au sujet de la persévérance du juste, le concile a promulgué le célèbre canon 22, qui, en quelques mots, condense la doctrine de l’Église sur ce point :

Si quelqu’un dit que

l’homme justifié ou bien

peut, sans un secours spécial

de Dieu, persévérer dans la

justice reçue, ou bien, avec

ce secours, ne peut pas persé vérer, qu’il soit anathème.

Can. 22. — Si quis dixerit,

justificatum vel sine speciali

auxilio Dei in accepta justi tia perseverare posse, vel

cum eo non posse, A. S.

Denz.-Bannw., n. 832 ; Ca vallera, n. 892.

Le sens général du canon est clair et n’a pas besoin d’explication : la persévérance est possible aux justes, mais avec un secours spécial de Dieu. Il est aussi faux de prétendre que, sans ce secours, le juste peut persévérer que d’affirmer qu’il ne le peut pas avec ce secours.

Toute la difficulté réside dans l’interprétation du mot « spécial ».

Les actes du concile nous apprennent peu de chose sur la pensée des Pères. On se souvient que les légats avaient dénoncé de prime abord l’erreur, selon laquelle l’homme justifié pouvait, sans un secours spécial de Dieu, persévérer et éviter tous les péchés, même véniels. Les théologiens n’avaient pas retenu l’expression : secours spécial. Dans le premier projet, le canon était ainsi rédigé : Si quis dixerit, quod justiftcali vel sine gratia Dei perseverare possunt, vel cum Dei gratia non possunt, A. S. Conc. Trid., p.389. L’explication annexée rappelait qu’avec la grâce de Dieu et la pratique des mortifications le juste pouvait parvenir

a éloigner de lui tout amour contraire à l’amour de Dieu, c’est-à-dire tout péché mortel. On notait aussi l’utilité de la communion, p. 390. Les théologiens consultés sur ce canon (16) ne firent aucune observalion : placet decretum cum suis probalionibus. 1’. 393.

La première forme du décret ayant déplu à un certain nombre de Pères, voir p. 408-410, la même doctrine était reprise dans le second projet. Dans le c nui, le projet aflirmait : Justificati ergo ex hac ftde et amici Dei ac domestici fucli, in accepta gratia perseverare et proficere debent ; polerunt enim per D..Y..lesum Christian, per quem habuerunt accessum in gratiam islam. Nam Deus sua gratia semel justificalos non deserit nisi ab eis prius deseratur… Xam Deus impossibilia non jubet, sed jubendo monet, etc. Et le canon correspondant reprenait l’expression : secours spécial » : Si quis dixerit, justificatum vel sine speciali auxilio Dei perseverare posse in accepta justitia, vel cum eo non posse, A. S. (can. 12), Conc. Trid., p. 424, 427. Cette nouvelle rédaction est l’œuvre de Seripandi, Conc. Trid., p. 418, note 1. Il n’y a rien d’étonnant que Seripandi ait puisé dans sa doctrine augustinienne l’expression spéciale auxilium. La première remarque faite au sujet de ce canon est de l’évêque des Canaries. Antonio de Cruce. P. 509. Le prélat demande qu’en parlant ainsi du concours divin on ne jette point le blâme sur différents théologiens qui ne pensent pas ainsi. Seripandi qui, dans son projet personnel (que nous avons intercalé entre la seconde et la troisième rédaction, voir col. 1281), avait maintenu textuellement le canon 12 du second projet officiel (can. 21 de son projet personnel, p. 516), répondit à l’évêque des Canaries que, « dans ce canon.il n’était nullementquestion du concours divin, et qu’en conséquence aucun docteur ne pouvait paraître être condamné ». P. 522. Dans la troisième rédaction, le texte du canon fut maintenu intégralement, can. 21 (d’après Conc. (ms.), 17, d’après Theiner, 22). P. 641. L’évêque des Canaries revint à la charge et demanda la substitution de sine gratia Dei à sine auxilio speciali. Conc. Trid., p. 720. Le 6 janvier 1547, à la majorité de 12 voix (dont celle de Seripandi ) contre quatre, l’expression spéciale auxilium est maintenue de préférence à gratia Dei. Mais les actes ne nous donnent aucune explication. Cf. Jos. Hefner. Die Entstehungsgeschichte des Trienter Rechlfertigungsdekretes, Paderborn, 1909, p. 352, note 1 ; Fr. Hùnermann, Wesen und Notuyendigkeit der akluellen Gnade nach den Konzil von Trient, Paderborn, 1926, p. 26.

Une grande liberté est donc laissée aux théologiens dans l’interprétation de ce canon, en ce qui concerne le sens précis à donner à l’expression « secours spécial ».

Tout le monde est d’accord sur deux points : ce secours spécial est distinct de la grâce sanctifiante et s’y ajoute. Le canon du concile serait inintelligible s’il n’avait ce sens. Et c’est bien là l’enseignement de l’Écriture qui veut que les justes eux-mêmes prient encore Dieu de les aider pour ne pas succomber au mal. Cf. Malth., vi, 13 ; Joa., xvii, 15 ; Matth., xxvi. 41 ; Eph., vi, 18. Voir ci-dessus, col. 1260. A cet enseignement scripturaire, les théologiens ajoutent le raisonnement formulé par saint Thomas, I a -II*. q. cix. a. 9. Voir col. 1276.

Ce secours spécial ne saurait être confondu avec le concours général prêté par Dieu à toute activité créée. En dehors du non-sens que représenterait pareille interprétation, nous avons, dans les débats mêmes du concile, l’affirmation de Seripandi à l’évêque Antonio de Cruce. Sur ces deux points, voir Straub, Ueber den Sinn des 22. Canons der VI. Sitzung des Konzils von Trient, dans Zeitschr. fur kathol. Theol., t. xxi, 1897, p. 108 sq., 121 sq.

Ces deux points admis, commencent les divergences.