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PERFECTION CHRÉTIENNE

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troisième conseil évangélique pour l’acquisition de la perfection. D’abord est-ce bien un conseil évangélique ? Non invenitur (Christum) dédisse consilium de obedientia, a. 8, obj. 1. Et saint Thomas paraît assez embarrassé pour retrouver ce conseil dans l’Évangile : consilium obedienlis’, dit-il, includitur in ipsa Christi sequela ; qui enim obedit, sequitur alterius voluntatem, ibid., ad lum ; allusion au Si bis perfeclus esse, sequere me. Ailleurs, a. 5, Sed contra, il fait ce raisonnement : la perfection de l’état religieux consiste avant tout à imiter le Christ, mais, dans le Christ, c’est l’obéissance qui est surtout mise en évidence. Enfin, dans le De per/ectione, l’obéissance religieuse est présentée comme la réalisation la plus parfaite, après le cas des martyrs, du conseil de Vodium et abneyatio sui ipsius donné par le Seigneur : Si quis vult venire post me, abneyet semelipsum. C’est bien un conseil, et non un précepte, comme le fait remarquer saint Jean Chrysostome. Or, après la vie, nous n’avons rien de plus cher au monde que la liberté ; y renoncer pour Dieu, c’est donc réaliser de la manière la plus parfaite le conseil évangéliquede Yabneyaiio sui ipsius : aliqui vero libertati propriæ voluntatis tolaliler ubrenuntiant, se propler Deum cdiis subjicienles per obedientiæ votum.

Maintenant, ce renoncement total à la libre disposition de soi-même, de son activité, de son temps, car « le vœu d’obéissance religieuse s’étend à l’organisation de toute la vie », a. 5, ad 4um, est-il nécessaire pour l’acquisition de la perfection ? La preuve que saint Thomas essaie d’en donner nous paraît démontrer seulement la nécessité de la direction, la nécessité d’avoir un guide, auquel nous obéirons in his quæ pertinent ad exercitium per/ectionis, ibid., ad lum, mais en cela seulement : < quiconque s’entraîne et s’exerce pour atteindre un but déterminé, doit suivre la direction de quelqu’un et se soumettre pleinement à son autorité, comme c’est le cas des disciples à l’endroit de leur maître. » A. 5. Encore moins que la pauvreté volontaire et la continence perpétuelle, la pratique du conseil de l’obéissance religieuse ne paraît donc être une condition nécessaire, un moyen indispensable de perfection.

VI. Conclusion. Pour revenir à notre point de départ, nous pouvons nous demander quelle conception, en résumé, saint Thomas se fait de la perfection chrétienne. Nous pouvons répondre hardiment qu’elle est pour lui chose essentiellement morale, puisqu’elle consiste principalement dans l’amour de Dieu le plus actuel, le plus intense qu’il soit possible à l’homme de posséder ici-bas ou dans le ciel : ut animas Itominis ab afjectu rerum temporalium aoerlatur, ut sic liberius mena lendat in Deum, contemplando, amando et ejus voluntatem implendo. De perfect., c. vi. Que cet amour procède de la grâce sanctifiante et s’accroisse avec elle, saint Thomas n’en doule pas : mais il constitue une réalité distincte de la grâce sanctifiante ; avec lui, nous restons dans le plan, dans la sphère, dans le domaine psychologique de l’action, dans le domaine moral par conséquent ; avec la « rare sanctifiante, nous descendons, si pou peu ! dire, dans le plan, dans la sphère, dans le domaine infrapsychologique de la substance, dans le domaine ontologique par conséquent. Que si de n’insister pas, lorsque l’on parle de la per feetion chrétienne, sur les grandes réalités dogmatiques qui dominent toute noire Vie Spirituelle expose an reproche de moralisme, il faudrait donc en accuser loul d’abord saint Thomas.

Maintenant, que cette union psychologique à Dieu

par la contemplation, l’amour et l’ace plissement

de sa volonté soii le fruil de grâces actuelles ordinaires ou de la grâce mystique, que nous l’acquérions par

noire effort, OU qu’elle nous soil donnée et pour ainsi « lire imposée par l’action souveraine ci envahissante de Dieu, cela ne i hange pas ^a nature, el l’on ne oii

DICl Dl i m mi i i moi, .

pas pourquoi « la contemplation mystique au sens strict, pour autant qu’elle n’est autre chose que l’exercice passif et éminent des vertus de foi et de charité, constituerait la perfection par excellence ». Dire que l’union produite par la grâce mystique sera plus forte, plus intense, plus continuelle, qu’elle aboutira à un accomplissement plus parfait de la volonté divine, cela se comprend aisément : l’amour ressenti, l’amourpassion est plus obsédant, plus tyrannique, que l’amour commandé, que l’amour de volonté..Mais l’amour mystique ne dépend pas de nous, il est un don gratuit que Dieu accorde à qui il lui plaît ; ce n’est pas lui qui nous est commandé par le grand précepte : Diliyes Dominum Deum tuum ex loto corde luo ; cet amour ne se commande pas, et l’on ne peut pas dire, par conséquent, qu’il soit « le terme final auquel doit tendre toute vie chrétienne ». Le terme final auquel doit tendre toute vie chrétienne, c’est d’aimer Dieu activement, de toute notre âme, de toutes nos forces, en attendant qu’il nous soit donné de l’aimer passivement, quand la vision intuitive fixera pour toujours notre cœur dans l’amour béatifique.

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