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    1. PERFECTION CHRÉTIENNE##


PERFECTION CHRÉTIENNE. LES RELIGIEUX

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luni Deo ofjerenles. Q. clxxxvi, a. 1. Cette remarque

nous paraît de la plus haute importance pour hu-n comprendre la question qu’il nous reste à examiner : à savoir, si la pratique des conseils évangéliques est nécessaire pour parvenir à la perfection.

1° L’état de perfection religieuse requiert essentiellement Ui pratique des conseils évangéliques. — Nous n’avons pas l’intention de reproduire ici tout ce que saint Thomas enseigne à ce sujet, n’ayant pas à traiter de l’état religieux, mais de la perfection chrétienne ; nous voudrions seulement, dans les nombreuses pages qu’il consacre à démontrer que la pauvreté, la chasteté et l’obéissance sont nécessaires ail perfectionem religionis, recueillir ce qu’il a pu dire relativement à la nécessité des conseils évangéliques ad perfectionem carilatis, pour la perfection chrétienne, pour la perfection tout court.

1. La pauvreté volontaire (IIa-IIæ, q. clxxxvi. a. 3 ; Conl. <ient., t. III, c. cxxxii-cxxxvi ; De per/ectione, c. vu et xx). — Contrairement à ce que nous venons d’affirmer sur le but principal que saint Thomas paraît assigner à l’état religieux, l’article 3 de la q. clxxxvi débute par cette déclaration : status religionis est quoddam exereitium et disciplina per quam pervenitur ad perfectionem caritatis ; c’est qu’en effet, dit à son tour l’article 7 de la même question, l’état religieux peut être envisagé de trois manières : comme un moyen de tendre à la perfection de la charité, comme un abri contre les préoccupations extérieures, comme un holocauste enfin, par lequel le profès s’olîre, lui et ce qui lui appartient, totalement à Dieu ; et saint Thomas montre ensuite comment la pratique des conseils évangéliques permet de réaliser ces trois fins de l’état religieux. En ce qui concerne la première, dont seule nous voulons nous occuper ici, voici son raisonnement : « Pour s’exercer à la perfection, il est requis que l’on éloigne tout ce qui pourrait empêcher l’afïection de tendre complètement à Dieu, en quoi consiste, la perfection de la charité. Ces empêchements sont au nombre de trois : le désir des biens extérieurs : il est supprimé par le vœu de pauvreté ; le désir des délectations sensibles, parmi lesquelles les délectations charnelles occupent le premier rang : il est exclu par le vœu de continence ; enfin, le désordre de la volonté : il est exclu par le vœu d’obéissance. »

Le tout est de savoir si ces trois vœux sont des moyens absolument nécessaires, ou simplement des moyens très utiles, pour parvenir à la perfection de la charité. Or, nous avons déjà fait remarquer, cf. col. 1223, qu’au c. vi du Contra retrahentes, saint Thomas paraissait bien affirmer qu’en dehors des conseils et dans la vie du siècle l’observation parfaite des préceptes ne se rencontrait pas.

En ce qui concerne la pauvreté volontaire, la thèse de l’a. 3 de la q. clxxxvi semblerait aussi, au premier abord, en faire une condition absolue de la perfection : inde est quod ad perfectionem caritatis acquirendam primum fundamentum est voluntaria paupertas, ut aliquis absque proprio vivat, dicenle Domino : « Si vis perfectus esse, vende omnia qux habes et da pauperibus. » Mais l’ad 4um lui apporte un tempérament : la possession des richesses, si elle la rend plus difficile, ne rend pas cependant la perfection impossible. Le c. vu du De perfectione se maintient dans la même note : l’exemple d’Abraham prouve qu’on peut être parfait tout en possédant de grands biens ; le Maître n’a pas donné ce conseil, parce qu’il serait impossible aux riches d’être parfaits, mais parce qu’ils ne le peuvent être facilement ; mais ce n’est pas une raison pour taxer d’inutilité le conseil du Seigneur ; Abraham fut parfait au milieu des richesses, cela ne tire pas à conséquence : c’est là un de ces faits extraordinaires plus admirables qu’imitables, pour la plupart des

hommes ; par conséquent, on peut affirmer que, s’ils veulent être parfaits, ils doivent suivre le conseil du Seigneur.

Tournons quelques pages : nous voici au c. xx. ou saint Thomas doit concilier le caractère de parfaits qu’on attribue aux évêques avec ce fait qu’ils peuvent posséder tant les biens de leurs Eglises que leur propre patrimoine ; n’est-ce pas contraire au Si vis perfeclus esse’.' Non, car on peut poser en thèse qu’il est possible d’arriver à un certain degré de perfection sans l’abandon actuel de ses biens ; les conseils du Seigneur, et celui de vendre ses biens pas plus que celui de tendre la joue gauche à celui qui vous frappe sur la droite, ne doivent pas être entendus au sens littéral : non est ergo de necessilate perfeclionis ut hujusmodi (consilia) opère compleantur, sed hœc intelliyenda sunt secundum animi jirœpurationem ; c’est-à-dire, en ce qui concerne les biens de ce monde, la perfection ne demande pas qu’on les abandonne effectivement, mais qu’on soit toujours prêt à les abandonner, qu’on possède cette œquanimitalem inopiam tolerandi, dont parle saint Augustin. L’exemple des saints doit nous servir à interpréter les paroles du Seigneur ; or, il y a eu dans l’Église des évêques d’une incontestable sainteté qui n’ont pas pratiqué cet abandon effectif des richesses ; donc on peut être parfait sans observer à la lettre le conseil évangélique de la pauvreté. Qu’on lise maintenant le c. cxxxiv du Conl. gent., t. III, quomodo paupertas sil bona, et l’on y trouvera une excellente mise au point de cette question de la pauvreté volontaire.

2. La continence perpétuelle (IIa-IIæ, q. clxxxvi, a. 4 ; Cont. gent., t. III, c. cxxxvii-cxxxviii ; De perfectione, c. viii-ix). — La continence perpétuelle n’a pas seulement pour but de nous débarrasser des soucis de famille que le mariage impose à l’homme et de lui permettre de mener la vie contemplative ; elle possède aussi aliquam idoneilatem ad perfectionem adipiscendam. De perf., c. vin. Le motif en est que l’usage du mariage développe le désir, lequel absorbe la raison et la retarde dans ce mouvement vers Dieu, qui constitue la perfection. IP-II 36, loc. cit. Saint Augustin l’avouait : Nihit esse sentio quod magis ex arce pirtulis deficiat animum virilem, quam blandimenta feminee corporumque ille contactus, sine quo uxor haberi non potest. Et saint Thomas de conclure : donc la continence est tout particulièrement nécessaire pour atteindre la perfection. De perf., c. vin. Faut-il entendre au pied de la lettre ce maxime necessaria ? non, sans doute ; car quelques lignes plus loin, il n’est plus question que de huius vise utilitas. Les formules du Cont. gent. sont aussi modérées. C. cxxxvii-cxxxviii.

C’est que, en effet, il fallait sauvegarder la possibilité d’être parfait dans le mariage, puisque aussi bien des hommes de vertu très parfaite ont usé du mariage, tels Abraham, Isaac et Jacob ; Cont. gent., c. cxxxviii ; plus loin, l’on nomme encore Moïse. Il faut, pour cela, une force d’âme peu commune, mais, enfin, elle peut se rencontrer : quanto virtus mentis est fortior, tanto minus potest per quwcumque a sua altitudine defici (on reconnaîtra ici l’expression employée tout à l’heure par saint Augustin). Ibid. Cependant ces cas exceptionnels ne tirent pas à conséquence : le fait que les patriarches ont su unir la perfection avec l’usage des richesses et du mariage, ce qui tenait à la grandeur de leur vertu, ne doit pas donner présomption à des gens de vertu moins affermie. Ila-II 06, loc. cit., ad 2um. Ne peuvent imiter les patriarches et parvenir à là perfection dans le mariage que ceux qui possèdent leur force d’âme. De perfect., c. vin.

3. L’obéissance (IIa-IIæ, q. clxxxvi. a. 5, 8 ; De perfectione, c. x). — Il n’y a pas lieu de s’arrêter longtemps sur la nécessité ou l’utilité de la pratique de ce