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    1. PERFECTION CHRETIENNE##


PERFECTION CHRETIENNE. OBLIGATION

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que cette « commune mesure de là vie humaine » qui détermine le minimum obligatoire de ce que nous devons à Dieu et à nos parents, au delà duquel se trouve le domaine du surérogatoire laissé à notre générosité ? Les formules précédentes, le secundum quod requirit condilio status hominis, le secundum communem modum humaine vitæ, doivent être interprétées, il nous semble, par l’ad 4° m de Vin /// » « > Sent., toc. cit. Ici, saint Thomas déclare formellement que sicut Deus non exigit a nobis quantum ipsc dédit nobis, quia non possumus, ita non exigit a nobis quantum possumus, quia hoc effet contra rationem nostri status. Et cette ratio nostri status qui s’oppose à ce que Dieu exige de nous tout ce que nous pouvons, c’est le caractère de notre libre arbitre dans la vie présente : cum homines in statu isto non habeant liberum arbitrium detcrminatum, non exigitur quod totum posse expendatur in servitium Dci : hoc erit in patria, quando juin defectus incidere non poterit ; sed su/fuit quod nihil de posse nostro contra Deum expendamus, et Ma quæ nobis determinata sunt faciamus : alias periret ratio nostri status. Notre libre arbitre, ici-bas, n’est pas déterminé ad unum, comme il le sera dans l’autre vie : or, in illis quæ non sunt determinata ad unum, non potest tota potentia obligari ad aliquid unum, quia periret ratio conlingenliæ secundum quam aliquid deficere potest in minori parle. En somme, il s’agit de tenir compte de la condition actuelle de l’homme, de l’homme moyen, secundum communem modum humanæ vitæ, et de ne pas lui imposer un joug qu’il ne pourrait porter ; si sa volonté tendait infailliblement et sans difficulté vers ce qui lui est présenté comme bien, il n’y aurait pas d’inconvénient à l’obliger à tout donner, à donner tout ce qu’il peut ; mais il n’en est pas ainsi ; on se contentera donc de lui imposer sub gravi le strict minimum : quod nihil de posse nostro contra Deum expendamus et Ma quæ nobis determinata sunt faciamus.

A une condition pourtant, c’est qu’il ne méprise pas ce qui dépasse ce strict minimum : dummodo contemplas non adsit agendi meliora, per quem animus firmatur contra spiritualem profeclum. Q. clxxxvi, a. 2, ad 2um. Le moment est venu de nous occuper un peu de cette fameuse restriction mise par saint Thomas à sa thèse négative. Remarquons d’abord que cette formule diffère de celle du commentaire in IIJum Sent., que nous avons citée plus haut (cf. col. 12 : 57) : sed tenetur eam (perjectionem quæ est secundum objecta) non contemnere, née contra eam se obfirmare ; ici, le mépris et le raidissement de la volonté contre la perfection étaient présentés séparément comme deux choses à éviter également ; là, le mépris est envisagé comme la cause du refus et du raidissement de la volonté à l’endroit du progrès spirituel. Le contexte du dummodo eontemptus… ne permet pas de douter que, pour saint Thomas, celui qui se trouve dans ce déplorable étal d’âme ne soit gravement coupable ; cela ressort encore de l’enseignement de la I l’-I l : i. q. uv, a. 3, sur la négligence : dupliciter conlingere potest quod negligentia sit peccalum mortale : uno modo ex parle e/us quod preetermtttitur per negligentlam : quod quidem si tit de necessitate salutis, erit peccalum mortale ; alio modo ex porte causée… et hoc prsecipue conlingit quando negligentia sequitur ex conlemplu ; altoquin si negligentia constatât in prtelertntsstone alicujus quod non sit de necessitate salutis, nec lux liât ex conlemplu… tune negligentia non et mortale peccalum, sed venlale. Saint

Thomas nous donne la raison de cette malice du mépris ; c’est, dit-il. que, par lui, VOluntOI in tunliun est

vernissa circa ta quæ sunt Del, ut toioiiier a Del carttate dr/iriid. ibid. ; le mépris de la perfection, qui aboutit m refus catégorique de’oui progrès spirituel ! est en

opposition, en contradiction, avec l’amour de Dieu.

Comment cela ? I on ene I donnée dans le Quod

libet III, a. 14 : quamvis lieitum sit al> aliquo bono opère abstinere, lamen illicitum est impedimentum opponere quominus in illud bonum opus proeedere possil ; cujus ratio est, quia prætermillere aclum virtutis potest aliquis absque peccato, co quod prærepta afflrmaliva quæ sunt de aclibus virtutum non obligant ad semper ; sed

IMPEDIMENTUM BONI OPERIS DIRECTE VIRTUTI CON trariatur, et ideo cadit sub prohibitione præcepli negativi, quod obligat ad semper. Ainsi donc, ce mépris qui nous fait opposer un refus formel à tout ce qui n’est pas strictement obligatoire, à toute inspiration, à tout appel vers une perfection supérieure, ce mépris qui déclare équivalemment à Dieu : vous me commandez cela, vous l’aurez, parce que je ne puis pas faire autrement sous peine d’être damné, mais vous me conseillez ceci, vous ne l’aurez pas, parce que c’est bien assez de vous accorder ce que vous exigez sous peine de damnation, ce mépris directe earitati conlrariatur, lolaliter a Dci caritate déficit, il est la négation même de l’amour.

j) L’objection tirée de la nécessité où l’on peut être de mourir pour le Christ se résout de la même manière que celle qui se tire de l’obligation qui peut s’imposer de mourir pour le prochain ; à savoir, quand il y a nécessité, il n’y a plus « perfection » : perjectionis est quod homo persecutionibus se ofjerat, quando incumbit periculum jidei ; sed quod comprehensus non negel, hoc necessitalis est. In III" m Sent., loc. cit., ad 3 U ">.

g) Enfin, à ceux qui s’appuient sur la parole de saint Bernard pour affirmer que omnes tenentur ad perjectionem carilatis tendere. saint Thomas concède que cela est vrai de projectu qui est secundum intensionem. in quem débet homo semper conari. Ibid., ad lum.

2° Les « par/ails » sont-ils tenus ad omnia quæ sunt perjectionis, ad id quod melius est ? — Si tous les chrétiens ne sont pas tenus, comme nous venons de le voir, à cette perfection de la charité quæ est secundum objecta, les « parfaits » ne le seraient-ils pas ? C’est ce. que saint Thomas se demande dans le commentaire des Sentences, t. III, dist. XXIX, q. i, a. 8, qu.3.En faveur de l’affirmative, on pourrait faire valoir les raisons suivantes : 1. Il est dit dans l’Évangile : Cui plus committitur, plus ab eo exigitur, Luc, xii, 18 ; n’est-ce pas le cas des parfaits ? Et ita videtur quod tencantur ad ea quæ perjectionis sunt. — 2. Sicut se habet imper feclus ad communia, ita se habet perjeelus ad ca quæ perjectionis sunt. Sed imperfeelus teneiur ad communia. Ergo cl perfectus ad ca quæ perjectionis sunt. — 3. L’Apôtre se tenait pour obligé à l’évangélisalion du monde, ce cpii est sans nul doute une œuvre de perfection ; et ce ne pouvait être qu’en raison de sa qualité de parfait ; ergo illi qui habent perjeelam caritalem tenentur ad ea quæ perjectionis sunt.

A ces raisons, saint Thomas oppose, l’aphorisme de saint Paul : ubi spiritus Domini, ibi libcrlas ; quanta aliquis plus habet de caritate, plus habet de libcrlale ; et. par conséquent, ceux qui possèdent une charité par faite jouissent aussi d’une liberté parfaite. Donc, le parfait minus habet de obligutionc ; ergo obligalus est ad minora quam alii. Les parfaits seraient ils donc dis pensés de la loi morale ? Allons-nous verser dans l’ano misme ? Nous verrons tout à l’heure qu’il n’en est rien. Mais voici qui paraît vraiment singulier : un deuxième Sed contra propose l’argument suivant : l’er fecttonts est llngua non ofjendere et peccata veniala nilarr ; srd hoc nullus facit, etiam apostolt ; ergo perfectl non obtigantur ad ea qua perjectionis sunt. Les « parfaits » ne seraient-ils donc pas tenus d’éviter les péchés véniels ?

La solution donnée à la qu. 2 est assez brève : elle

consiste a allirmcr. sans apporter de prime, que Je « parfait t non obligatnr ad opéra perjectionis nisi sicut alii : mais que obligatur ad intenstus Deum dlligendum