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PERFECTION Cl ! RÉTIENNE. OBLIGATION

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parfait, ou plutôt plus ou moins imparfait, d’un précepte sous lequel tombe, saint Thomas l’avoue, perfectio divinæ dilectionis universaliter, en soit plutôt une transgression plus ou moins considérable, transgression qui ne sera pas totale, qui ne constituera pas un péché mortel, mais transgression partielle, qui constituera un péché véniel. Saint Thomas le dit équivalemment dans le non peccal mortaliter que nous avons relevé tout à l’heure.

Enfin, il est une troisième façon de limiter [’obligation qui résulte du précepte d’aimer Dieu de tout son cœur, c’est de reconnaître que cette totalité » de l’amour, qui est prescrite, peut s’entendre de plusieurs manières : quodammodo lotaliter diligitw Deus ab homine in hac vila, in quantum nihil est in affecta ejus contrarium dilectioni diuinæ. De carit., a. 10, ad ôum. Il y aurait ainsi plusieurs sortes d’amour total, plusieurs « totalités » de l’amour ; une seule d’entre elles serait obligatoire sub gravi : Diligcre Deum ex toto corde tenentur omnes ; est lumen aliquu totalitas perfectionis, quie sine peccato (mortali) præte.rmitti non potest, aliqua autem, qu ; r sine peccato (mortali) prxlcrmitlitur, dum tamen desit contemptus. Q. clxxxvi, a. 2, ad 2° m.

b) L’obligation dont parle saint Paul, de rapporter à Dieu tous ses actes, ne peut s’entendre d’une référence toujours actuelle, parce que cela est impossible en cette vie. De carit., a. 11, ad 2um. Il faut l’entendre d’une référence « virtuelle », ce qui n’est pas autre chose que habere Deum ullimum finem ; une référence simplement « habituelle » ne suffirait pas. Ibid., ad 3, lm. Cf. I*-U*, q. i.xxxviii, a. 1, ad 2um.

c) Le mot de l’Évangile Estote per/ceti paraît se rapporter à l’amour des ennemis, où il faut distinguer ce qui est de necessitale preecepti et ce qui est de perfectione consilii. De carit., ad 4um. C’est bien vite dit. Qu’il y ait des degrés de perfection dans l’amour du prochain comme dans l’amour de Dieu ; qu’on y puisse aussi distinguer un degré au-dessous duquel on ne puisse descendre sans enfreindre « totalement », comme dirait saint Thomas, le précepte de l’amour du prochain, et des degrés supérieurs qui marquent un accomplissement plus ou moins parfait, ou plus ou moins imparfait, du précepte général, aussi absolu et aussi total, à sa manière, que le précepte de l’amour de Dieu, tout le monde peut l’admettre. Mais que ces degrés supérieurs constituent des degrés de perfection non obligatoire, c’est ce qui, certainement, ne ressort pas de l’Estote perfecti de l’Évangile, qui paraît bien, au contraire, faire rentrer dans le domaine de l’obligation ce qui est précisément perfection par rapport au minimum requis pour que le précepte soit rempli « d’une certaine manière », d’une manière imparfaite. Mais nous ne pouvons nous attarder et rechercher par quels moyens saint Thomas se tirera de cette difficulté. Cf. De perfect., c. xiv ; De carit., a. 8 ; IIa-IIæ, q. xxv, a. 8-9. La solution paraît lui avoir été donnée par saint Augustin et consister à reconnaître, ici encore, que VEstote perfecti indique plutôt quo lendendum sit que quid faciendum sil ; saint Augustin dit, en effet, dans VEnchiridion, que : isla (à savoir aimer ses ennemis, faire du bien à ceux qui vous haïssent) sunt per/ectorum filiorum Dci, ad quæ quidem se débet omnis fidelis extenderc, et humanum animum ad hune affectum orando Deum secumque luctando perducere ; tamen hoc lam magnum bonum tantæ multitudinis non est, quam tamen credimus exaudiri cum in oratione dicimus : Dimitte nobis… Cité De perfect., c. xiv. Saint Thomas respecte l’interprétation traditionnelle de l’Évangile, qui distingue dans le précepte de l’amour du prochain, comme dans celui de l’amour de Dieu, ce qui est de necessitale prsecepli et de per/ectione consilii, ce qui est d’obligation sub gravi et ce qui ne l’est pas.

d) La quatrième autorité invoquée par les partisans

de la thèse affirmative était le texte de saint Jean : L’/ nos debemus pro fratribus animas ponere, qui paraît bien nous obliger a ce que tout le monde qualifiera de perfection de la charité : Majorent caritatem… Saint Thomas se déballasse de cette objection en posant en principe ce qui est précisément en question, à savoir que perfection « et obligation » sont des termes qui s’opposent, que, par conséquent, si un acte de charité parfaite devient obligatoire, il sort du domaine de la perfection ». Cum scimus fratrem posse liberari per mortem corporis a morte animæ sine periculo animæ nostræ, tune tradere animant [ira fratribus non est perfectionis set/ necessitalis ; alias autem est perfectionis. In ///u » > Sent., loc. cit., ad 2um ; cf. De carif., a. ii, ad9 nm. Saint Thomas ne commet-il pas ici, salua reverentia. une pétition de principe ? Mais les adversaires de la thèse négative, ceux qui prétendent que nous sommes tenus d’être parfaits, n’entendent-ils pas, eux aussi. par perfection ce qui n’est pas strictement obligatoire ? Autrement la question n’aurait pas de sens ; mais, ainsi posée, ne renferme-t-elle pas une contradiction ? n’est-il pas absurde de se demander si l’on est obligé de faire ce qui n’est pas obligatoire ? La question paraît donc mal posée : il ne faudrait pas demander si l’on est tenu d’accomplir ce qui ne serait que de conseil et non de précepte, mais si l’on ne serait pas tenu d’accomplir tout le bien qu’on peut, s’il ne faudrait pas abandonner la distinction d’un bien obligatoire et d’un bien facultatif, s’il ne faudrait pas prendre à la lettre les préceptes généraux de l’Écriture ; il n’y aurait de facultatif, dans la morale chrétienne, que ce qui, manifestement, nous est proposé comme tel, la pauvreté volontaire et la continence, les conseils » proprement évangéliques ; tout le reste serait matière d’obligation, grave ou légère, suivant les cas. L’objection suivante pose précisément la question de cette manière.

e) Saint Thomas reconnaît que sicut diligcre Deum ex toto corde tenentur omnes, ita etiam omnes tam religiosi quam sœculares tenentur aliqualiter facere quidquid boni possinl : omnibus enim communiter dicitur : « Quodcumque facere potest manus tua, instanter operare. » Ila-IPe, q. clxxxvi, a. 2, ad 2um. Voici donc encore un commandement divin aussi général, aussi absolu, que ceux de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Saint Thomas va lui appliquer les mêmes procédés qu’à ces derniers. De même que, dit-il. est aliqua totalitas perfectionis (ou dilectionis) qu ; v sine peccato prætcrmitli non potest. aliqua autem quæ sine peccato prætermittitur, dum tamen desit contemptus : de même ici est aliquis modus hoc præceptum implendi. quo peccatum vitatur : scilicet si homo faciat quod potest secundum quod requirit conditio sui status, dummodo contemptus non adsil agendi meliora, per quem animas firmatur contra spiritualem profeclum. Ibid. Le parallélisme nous fait entendre qu’il y a plusieurs manières de comprendre ce que veut dire « faire tout ce que l’on peut » ; il y aurait ici aussi aliqua totalitas quæ sine peccato pnrlcrmitli non potest, aliqua autem quæ sine peccato pnvtcrmittitur ; faire tout ce que l’on peut absolument parlant, accomplir tout le bien possible, choisir toujours le meilleur, le plus parfait, qui soit a notre portée : cette manière parfaite d’accomplir le précepte de l’Écriture ne s’impose pas sub peccato mortali ; ce qui est requis, c’est que homo faciat quod potest secundum quod requirit conditio sui status. Ceci a besoin d’être expliqué. Le De carilate, ad llmn.nous dit que le devoir de rendre à Dieu et aux parents tout ce qu’on peut (et parentibus et multo magis Deo tenetur homo rependere totum quod potest). doit s’entendre secundum communem modum humanæ vitse, supra quem potest aliquis aliquid erogare, ad quod tamen ex née laie prsecepli non tenetur ; qu’est-ce donc, en définitive,