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    1. PERFECTION CHRETIENNE##


PERFECTION CHRETIENNE. NATURE

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Dieu et de jouir de lui. La perfection est bien conçue comme une chose morale. — On peut considérer l’article du Commentaire in IIlum Sent, comme une première ébauche de l’article de la Somme théologique que nous venons d’étudier : qu’on les compare et l’on verra ce que la pensée du.Maître a gagné en précision. Les trois classes de chrétiens sont distinguées non plus secundum dlversa studio…. (voir plus haut), mais secundum aliquos notabiles effeclus quos in habente carilalem earitas relinqu.it. Le premier elïet, c’est d’éloigner l’homme du péché. Le second : ui jam ftduciam de liberatione peccaiorum habens ad bonum adipiscendum se extendat ; qu’on veuille bien remarquer la phrase suivante et l’on verra en quoi consiste, pour saint Thomas, la perfection : in hoc statu (dans l’état des progressants ) prsecipua cura est de adipiscendis bonis, dum homo semper ad perjectionem anhelat. fin fin, le troisième effet produit par la charité est ut homo jam ad ipsa bona quasi connut ri tus, quodammodo sibi connaturalia habeat ipsa et in eis quiescat et delectetur : on voit qu’il n’est question, en tout cela, que du bien moral ; le parfait est celui à qui la pratique du bien est devenue comme naturelle. Un peu plus loin, on nous dit que cette perfection de la charité comporte deux degrés : unus est secundum quod in bonis communibus quasi jam secura conquiescii (perfecta earitas), et secundum hoc dicitur perjecta ; alius secundum quod ad quirlibet diffleilia manum mittil, et secundum hoc dicitur perjectissima ; vcl perfecta quantum ad station vise, perjectissima quantum ad statum patrise.

Dans la D-ll 36, q. lxi, a. 5, saint Thomas, à la suite de Plotin, dislingue quatre manières dont peuvent être réalisées les quatre vertus morales : en Dieu, ces vertus existent excmplariter ; dans l’homme, prout secundum lias virtutes recte se habet in rébus humanis gerendis, ces vertus s’appellent polit iese, quia homo secundum suam naturam est animal politicum ; mais, parce que l’homme doit s’efforcer de ressembler à Dieu, comme le philosophe le dit in 10. Ethicor., et comme il en a reçu le commandement dans ]’Écrll lire, ces vertus vont se réaliser en lui d’une manière plus parfaite et porteront le nom de purgatorîss en ceux qui tendent à la ressemblance divine, et de jam purgati unimi en ceux qui seront parvenus à cette divine ressemblance ; ces dernières vertus sont celles des bienheureux vel aliquorum in hac vila perfeclissimorum : on peut donc penser que saint Thomas considère les précédentes comme celles des parfaits. Voici donc le portrait du parfait : sa prudence le porte a mépriser omnia mundana divinorum eonlemplalione, et à diriger toute sa pensée vers les seules choses divines : sa tempérance à rclingiicrr. in quantum natura patitur, quæ corporis usas requirit’, sa force fait que anima mm Irrreatur propler recessum a corpore et accessum ad superna ; sa justice enfin ; // uda anima consential ad hujusmodi proposai viam. I >e toute évidence, la perfection ici proposée n’est plus si u I c ment une perfection morale : on peut l’appeler une perfection religieuse, ou. si l’on veut, philosophique, puisqu’elle (’tait déjà l’idéal du philosophe. Cf. Van Lieshoul. l.a théorie plolinienne de la vertu. Essai sur la genèse d’an article de la Somme théologique de saint Thomas, Fribourg (Suisse), 1926.

2° Les "parfaits" secundum intellectium et secundum volontati (commentaire in l Cor., u. leç. 1 : in Hebr., I. leç 2).

Deux passages du Nouveau Testament donnent à s : iini Thomas l’occasion de distinguer entre la perfection de l’intelligence et celle de la volonté ; c’est la parole « le s ; iint Paul aux Corin thiens : Sapientiam loquimur in 1er perfeclos, I Cor., u. 6 ; el celle de l’épître aux Hébreux, v, 14 : Perfectarant et solidus cibus, eorum qui pro consueludine i i et i Halos habent sensus ad discretlonem l">m < « malt. Sont parfaits necundum intellectum ceux dont l’esprit

s’élève au-dessus des choses charnelles et sensibles el qui peuvent donc saisir les choses spirituelles et intelligibles » ; sont parfaits secundum voluntatem ceux « dont la volonté, s’élevant au-dessus des choses temporelles, adhère à Dieu seul et à ses commandements. In I Cor., loc. cil. Selon le commentaire de l’épître aux Hébreux, « il y a deux sortes de perfection, l’une selon l’intelligence : elle est le fait de qui est de bon jugement et sait discerner et juger ce qu’on lui propose ; l’autre est affaire d’amour (secundum uffectum) : elle est le produit de la charité, c’est elle qui fait que Ton s’attache totalement à Dieu ». Pour saint Thomas, les « parfaits », dont il est question dans ces deux épîtres, sont ceux qui possèdent l’une et l’autre perfections, quia quæ in sacra Scriplura traduntur, pertinent ad afjectum et non tantum ad intellectum ; pour posséder un jugement droit dans les choses religieuses, il faut éprouver de la sympathie à leur égard : unusquisque enim secundum quod est dispositus, sic judicat. Comme on ne se propose pas ici d’étudier historiquement le concept de perfection, particulièrement le rapport qui pourrait exister entre les « parfaits et les « initiés », on se contentera de renvoyer, sur cette dernière question, à la note du P. de Grandmaison, dans Jésus-Christ, t. ii, p. 625-H31, Paris. 1929. Cf. Guignebert, Quelques remarques sur la perfection et ses voies dans le mystère paulinien, dans Rev. hist. phil. relig., t. viii, p. 412-429.

3° La perfection consiste-t-clle dans l’accomplissement des préceptes ou dans celui des conseils ? (Suni. IheoL. Ila_Uîc) q. ci.xxxiv, a. 3 ; q. clxxxvi, a. 2 ; Conl. gent., t. III, c. < : xxx-cxxxi : Quodl., i, a. 14, ad 2° m : Qusest. disp. de carilate, a. 11, ad 5um ; Opusc, xvii, Contra pesti/cram doctrinaux retrahenlium homincs a religionis ingressu, c. vi ; Opusc, xviii, De perfectione vitse spiritualis, e. vi, vii, vin.) —

Pour qui serait désireux d’étudier ces textes de saint Thomas dans leur contexte historique, signalons l’article de P. Glorieux, Pour qu’on lise le « De perfectione », dans la Vie spirituelle de juin 1930, p. [97]-[126], et le compte rendu de l’ouvrage du Dr M. Bierbaum, licltclorden und W’eligeistlichkeit an der Universilût Paris. Texte und t’nlersuchungen zum literarischen Armutsund Exemptionsslreite îles XIII..lahrhuntlerts ( 1255-1272). dans la Rev. d’ascét. et de mysl., 1921, p. 76-81. On y voit que le De perfectione, réponse au Contra adversarium perfectionis christian ; r de Gérard d’Abbeville. aurait eu deux éditions, la sec le ajoutant Cinq chapitres à la première (les c. xxi-xxv), la première ayant paru fin 1269 et la seconde dans les premiers mois de 1270 ; que le Contra retrahentes serait d’octobre 1270 el les articles de la If II », le 1272-1273.

La perfection chrétienne consiste-t-elle dans l’accomplissement parfait des commandements, ou dans les conseils, c’est-à-dire dans les renoncements recommandés, non imposés, par 1T’. angile. en un mot, dans les conseils dits évangéliques ? Pu faveur de celle dernière opinion, ne peut on apporter la parole du Seigneur : Si ris perfectus esse, rade, rende… et reni ? I.e Christ ne met-il pas la perfection dans le fait de tout quitter et de le suivre’.' II » ’. q. clxxxiv, première objection. D’autre part, si perfectto Christian » vitse consista in preeceplis, sequitur quod pcrjeciio sit de nécessitait’salulis. el quod omnes ad eam lenentur. quod palet esse falsum, Ibid., seconde objection. Retenons d’ores et déjà ce quod palet esse /disant, qui nous livre la pensée foncière de saint Thomas relativement a l’obligation d’être parfait. Mettre la perfection dans les conseils évangéliques, c’était l’erreur fondamentale de ceux que combat le Contra retrahentes’, ils pri datent qu’on ne devait pas entrer en religion avant de s’être exercé dans la pratique des préceptes. C. m i : > tradition s’opposait a ce renversement di