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PÈRES DE L'ÉGLISE. DISCIPLINES PATRISTIQUES

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Dans l’antiquité.

1. Saint Jérôme. - — Eusèbe,

dans son Histoire ecclésiastique, avait fait une large place à l’histoire littéraire. Saint Jérôme, en 392, réalisa le premier une histoire indépendante de l’ancienne littérature chrétienne. Son De viris illustribus. rédigé sur le modèle de l’ouvrage de même titre de Suétone, se compose de 135 courtes notices, mises bout à bout dans un ordre qui est à peu près celui de la chronologie. La première est relative à saint Pierre, auteur des deux épîtres catholiques qui portent son nom, la dernière à Jérôme lui-même. Dans les notices, dont les éléments sont fournis par Eusèbe, Jérôme apporte peu de renseignements nouveaux et on lui a reproché, non sans raison, d’avoir parfois embrouillé les données de son garant. Les articles consacrés aux contemporains sont beaucoup meilleurs et d’infiniment plus de prix. Les lectures de Jérôme étaient immenses, il en a fait profiter le lecteur. Ce précieux manuel d’histoire littéraire a été traduit d’assez bonne heure en grec (vne siècle ?). Texte latin et grec dans P. L., t. xxiii, col. 601-726.

2. Gennade. — La vogue dont ont bientôt joui ks œuvres de saint Jérôme a suscité des imitateurs, qui, successivement, ont voulu mettre à jour le De viris illuslribus. Le premier en date de ces continuateurs est le prêtre marseillais Gennade, qui, entre 467 et 480, supplémente, à deux reprises, semble-t-il, l'œuvre hiéronymienne y ajoutant 97 (100) notices. Reposant lui aussi sur de nombreuses lectures, ce petit ouvrage n’est pas indigne de figurer à la suite de celui de Jérôme : il est particulièrement précieux pour l'étude des auteurs occidentaux du v c siècle. Texte dans P. L., t. lviii, col. 1059-1120.

3. Isidore de Séville († 636) et Ildejonse de Tolède († 667). — Au moment où achève de disparaître la culture antique, deux Espagnols veulent encore sauver de l’oubli quelques noms d'écrivains, surtout latins, dont ils ont eu connaissance, et qui manquent dans les recueils précédents. L’ordre suivi par Isidore, celui du moins dont témoigne l'édition d’Arevalo (reproduite dans P. L., t. lxxxiii, col. 1081-1106), se révèle bien capricieux. Aux 47 noms fournis par Isidore, son disciple Ildefonse croit opportun d’en ajouter 14 autres dont 12 sont des Espagnols, parmi lesquels 7 sont des évêques de Tolède. P. L., t. xevi, col. 195-206.

4. Photius.

Ni dans l’ancienne littérature grecque, ni dans la littérature byzantine nous ne trouvons d’ouvrage comparable à ceux que nous venons de signaler. La traduction grecque du De viris hiéronymien, les diverses histoires ecclésiastiques qui se succèdent et se complètent au cours des âges permettent néanmoins aux Grecs instruits de garder des notions d’histoire littéraire. Hésychius de Milet, vers le milieu du vie siècle, avait rédigé une table des écrivains du monde hellénistique, où d’ailleurs les écrivains chrétiens n’avaient pas trouvé place. Plus tard, un auteur inconnu remania cette œuvre, mit les notices dans l’ordre alphabétique et ajouta quelques douzaines d’articles sur les écrivains catholiques. Édit. J. Flach, Hesychii Milesii onomatologi quæ supersunt, dans Bibliolheca Teubneriana, 1882. Une partie de ce butin passera dans le Lexique de Suidas au ix c siècle. D’un tout autre caractère est le Myriobiblvn rédigé par Photius avant son élévation au siège de Constantinoplc (858). C’est le catalogue descriptif de la riche bibliothèque que Photius s'était constituée et qui comprenait 280 manuscrits, parmi lesquels un certain nombre d’ouvrages ecclésiastiques. La description des œuvres est assez fréquemment une occasion de donner sur les auteurs des renseignements biographiques. En tout cas, le livre de Photius, s’il ne constitue pas une véritable histoire littéraire, fournit pour celle-ci des matériaux importants. Texte dans P. G., t. cm et civ, col. 1-356.

Au Moyen Age.

On se tromperait lourdement

en pensant que le.Moyen Age n’a pas prêté attention aux Pères de l'Église. L'époque carolingienne, tout d’abord, a étudié avec zèle nombre de livres anciens Pères latins, et l’on est surpris du sérieux des connaissances dont témoignent les grands auteurs du ixe siècle. La controverse prédestinatienne donna même lieu à soulever des questions d’authenticité. Mais le De viris de Jérôme suffisait en somme à tous les besoins, puisque aussi bien les auteurs que l 'on étudiait étaient les classiques de la patrologie. Quand, après la nuit du xe siècle, les études commencent à refleurir, on donne de nouveau plus d’attention aux textes anciens. Les connaissances en matière patristique de la première scolastique, pour fragmentaires et dispersées qu’elles soient, ne laissent pas d'étonner. Le xii c siècle a gardé, plus que ne fera le xme ou le xive, le contact avec l’ancienne littérature chrétienne. Il suffit d’ouvrir les Sentences de Pierre Lombard ou le Décret de Gratien, ces deux « trésors » du Moyen Age, pour voir la place qu’y tient l'érudition patristique. On remarquera néanmoins que les citations interviennent avant tout, le P. de Ghellinck l’a fait remarquer avec insistance, comme des aucioritates dont la valeur est indépendante des contingences spatiales ou temporelles. Des théologiens pour qui un texte a une sorte de valeur absolue n'éprouvent guère le besoin de compulser une histoire littéraire. On ne s'étonnera donc pas que les livres sur cette matière aient été si rares à une époque qui fut animée d’un si grand zèle pour toute science, et qui pratiqua aussi assidûment les Pères.

1. Sigebert de Gembloux († 1112) se donne expressément comme le continuateur de Jérôme et de Gennade. Des 171 notices que compte son Liber de sertptoribus ccclesiaslicis, il n’en est qu’un tout petit nombre qui reproduisent celles de ses prédécesseurs. Il croit devoir compléter le catalogue hiéronymien en y ajoutant le pseudo-Marcellus, le pseudo-Linus, le pseudo-Aréopagite (dont il s'étonne que ni Jérôme, ni Gennade n’aient parlé). Mais surtout il ajoute de nombreuses notices sur les écrivains de l'époque carolingienne et des siècles qui ont suivi. Sa chronologie — c’est visiblement sur l’ordre chronologique qu’il se règle — est parfois déconcertante ; mais son recueil témoigne néanmoins de sérieuses connaissances. C’est à coup sûr l'œuvre la meilleure en ce genre du Moyen Age. Texte dans P. L., t. clx, col. 547-588.

2. Honorius d’Aulun et l’Anonyme de Melk.

Bien plus médiocre que le travail de Sigebert se révèle le De luminaribus Ecclesiæ, rédigé, vers 1122, par Honorius Augustodunensis, qui donne, en trois petits livres, un abrégé (avec des fautes) de Jérôme, de Gennade et d’Isidore et y ajoute un libellus IV de variis collectus de 17 numéros. Les diverses notices sont extrêmement succinctes. Texte dans P. L., t. clxxii, col. 197234. — Du même genre est un catalogue anonyme De scriptoribus ecclesiaslicis, ordinairement désigné comme VAnonymus Mellicensis (du nom du couvent de Melk, en Basse-Autriche), et composé vraisemblablement vers 1135. L’auteur, préoccupé de questions liturgiques, commence d’abord par des renseignements sur les auteurs qui ont contribué à l'établissement définitif du texte de la messe, complète la notice littéraire d’Ambroise qu’il jugeait (avec beaucoup de raison) insuffisante dans le catalogue hiéronymien, ajoute une notice curieuse sur Jean Chrysostome que n’avaient mentionné ni Jérôme, ni Gennade et, à partir du n. 14, donne son travail pour une continuation de Gennade. L’ordre suivi est bien fait pour dérouter le lecteur. Texte dans P. L., t. ccxiii. col. 961-984 ; édit. spéciale de E. Ettlinger, Der sog. Anonymus Mellicensis, Karlsruhe, 1896. — Du même