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PÈRES DE L'ÉGLISE. DISCIPLINES PATRIST IQU ES


d’abord l’expression des personnalités dont elle se préoccupe. Comme le fait très justement remarquer O. Bardenhewer, loc. cit., « la patrologie ne peut se résigner à abandonner la considération du contenu des écrits dont elle traite ».

Mais la patrologie ne saurait consister en une série de notices sur chacun des Pères de l'Église. Comme toute étude historique, elle a le devoir de faire de ces notices dispersées un tout organique. Elle doit les grouper de telle sorte qu’apparaissent nettement les rapports plus ou moins étroits qui unissent les écrivains considérés. En combinant d’une manière judicieuse les données fournies par l’histoire générale et la chronologie, par la considération des langues, par l'étude des rapports des écrivains chrétiens avec leur milieu, elle se donne la faculté d’envisager les divers auteurs non plus comme des isolés, mais comme les acteurs d’un drame immense qui se joue dans le domaine spéculatif. Il est de toute nécessité qu’une histoire littéraire bien conduite aboutisse à fournir une histoire des idées. Et la patrologie finira donc par être une histoire littéraire des idées chrétiennes dans l’antiquité. Peut-être les préoccupations scolaires, qui ont inspiré le plus ordinairement la rédaction des manuels de patrologie, ont-elles fait reculer à l’arrière-plan cette considération. Elle n’en doit pas moins rester l’idée directrice de tout véritable patrologue.

Il va de soi qu’une histoire ainsi réalisée peut et doit rendre à la théologie les plus signalés services. Sous cet aspect, la patrologie nous apparaît, non comme une branche de la théologie (ce qu'était à coup sûr la theologia patristica), mais comme une science auxiliaire de celle-ci, ayant dès lors son objet, propre et ses méthodes indépendantes. Ces méthodes sont en définitive les marnes que celles de l’histoire en général et de l’histoire littéraire en particulier.

Ancienne littérature chrétienne.

 Cette histoire

littéraire du christianisme antique ne serait pas néanmoins complète si elle faisait exclusivement état de ceux qu’au sens défini ci-dessus l’on appelle des Pères de l'Église. De tout temps — et cela remonte jusqu'à l'époque de saint Jérôme — les savants qui ont étudié les Pères leur ont associé ces auteurs dont l’autorité est moindre au point de vue dogmatique, qui ne laissent pas néanmoins d’avoir leur intérêt pour l’histoire des idées et que nous avons appelés les « écrivains ecclésiastiques ». Nul n’a jamais songé à rédiger une patrologie d’où seraient absents les noms d’Origène, de Clément d’Alexandrie ou d’Eusèbe de Césarée, d’Arnobe ou de Lactance, que de multiples raisons empêchent de considérer comme des Pères, au sens technique du mot. Ainsi la patrologie a toujours été comprise comme l’histoire de l’ancienne littérature ecclésiastique, entendons l’histoire des productions littéraires en provenance de gens appartenant à l'Église et traitant, au moins dans l’ensemble, de questions ecclésiastiques.

Mais il faut aller plus loin encore et se mettre une fois de plus à l'école de saint Jérôme. Celui-ci, dans le Dr l’iris illustribus, n’a pas hésité à faire une place non seulement aux écrivains ecclésiastiques (et certains noms qu’il mentionne étaient plus ou moins suspects), mais aux hérétiques qualifiés eux mêmes. On relevé dans son catalogue un certain nombre de noms qui figurent avec la mention hæresiarches. Sans compter que Philon le Juif, d’une part, le païen Séncque, de l’autre, obtiennent eux aussi une nient ion Ne mettons pas seulement au compte de la pensée apologétique qui inspire à coup sûr le Dr viris cette manière de faire, d’abord un peu surprenante. Si. au lieu « les 135 noms qu’il aligne, Jérôme n’vn avait trouvé que Il » OU 120, il n’en aurait pas moins prouvé que l'Église

chrétienn comptai ! des philosophes, des orateurs, des

docteurs. Voir la préface du livre. Mais Jérôme, plus ou moins clairement, s’est rendu compte de ce fait qu'à négliger les écrivains sortis de l'Église ou ayant vécu en marge d’elle, l’historien se privait d’un élément d’information qui n'était pas sans importance. S’il y a intérêt, en effet, à écrire l’histoire littéraire des idées chrétiennes, on ne le fera d’une manière adéquate que si l’on situe dans son milieu chacun des écrivains ecclésiastiques. Or, une bonne partie des ouvrages composés par ceux-ci visent des adversaires qui, tout en ayant rompu avec l'Église, ne laissent pas de se dire chrétiens. L'étude de la littérature hérétique (et à un degré moindre des attaques littéraires dirigées par les païens contre le christianisme) paraît indispensable pour donner toute sa portée à l’histoire littéraire ecclésiastique.

Or, l’on ne voit pas d’autre mot à utiliser pour désigner une étude qui englobe à la fois hérétiques et gens d'Église que celui d’histoire de l’ancienne littérature chrétienne. Et il n’est pas facile de comprendre les raisons pour lesquelles le doyen des études patrologiques dans l'Église catholique, O. Bardenhewer, a polémiqué naguère avec tant d'âpreté contre un vocable qui n’avait certes pas le mérite de la nouveauté. Moins encore comprend-on que, se résignant — il le fallait bien — à faire dans sa magistrale Histoire de l’ancienne littérature ecclésiastique, une place aux écrivains non catholiques, il la leur ait mesurée de manière si juste, que leur étude se ramène d’ordinaire à une sèche nomenclature de noms et de dates, sans presque rien sur les idées.

A la vérité, ce contre quoi s'élevait cet éminent patrologue, c'était surtout l’esprit dans lequel le protestantisme libéral entendait traiter le sujet, mettant sur le même pied les productions hétérodoxes et les catholiques comme étant toutes deux des manifestations d'égale valeur de l’idée chrétienne. Mais il ne tient qu’aux auteurs catholiques, qui écrivent l’histoire de l’ancienne littérature chrétienne, de réagir contre ce nihilisme théologique. L’esprit dans lequel on traite un sujet est une chose, la détermination du sujet en est une autre. On peut faire, dans une histoire littéraire du christianisme, une place considérable à l'étude de la gnose sans avoir aucune tendresse pour les manifestations de cette étrange philosophie. Nous pensons donc qu’il n’y a aucun inconvénient a utiliser le mot d’histoire de l’ancienne littérature chrétienne. « Quoique le concept de témoins patristiques. vàterlichen Zeuge, ait été déterminé par la tradition ecclésiastique, c’est-à-dire par des points de vue théologico-dogmatiques et non par des considérations d’histoire littéraire, il est de fait que patrologie et histoire de l’ancienne littérature chrétienne ont en définitive même matière et couvrent la même période. Cette phrase de B. Altaner, qui vient de rééditer l’ancien Précis de patrologie de G. Rauschen, semble bien mettre le point final à des polémiques qui furent assez vives en Allemagne. H auschenvltaner, Patrologie, lO-lPédit., Fribourg-en-B., 1931, p. 1.

Quant à la question de savoir si les écrits du Nouveau Testament doivent trouver place dans une histoire de l’ancienne littérature chrét lenne, elle n’est pas de noire ressort. Jadis. P. Batiffnl commençait son Histoire de la littérature grecque chrétienne par l'étude des écrits néo-testamentaires ; il ne croyait pas. à coup sûr. manquer par là à la considération spéciale que vaut à ces livres le fait fie l’inspiration. Ici encore, saint Jérôme avait donné l’exemple, qui ouvre son De m’ris par les notices littéraires des auteurs Inspirés, à commencer par saint Pierre.

IV. Histoire sommaire ; m s disciplinbs pàtrism. o i s. t "ne histoire sommaire de ces disciplines

permettra d’en mieux saisir la signification