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PÈRE

PÈRES DE L’ÉGLISE

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c) La raison théologique. —

Pour qu’un nom soit au sens strict un nom personnel, trois conditions sont requises : qu’il désigne la personne non par un de ses attributs accidentels, mais par l’élément qui la constitue ; qu’il désigne cet élément constitutif non d’une façon vague, mais en marquant sa note individualité et distinctive ; enfin, qu’il marque cette note d’une façon non arbitraire, mais conforme à sa nature même. Or, ces trois conditions sont réalisées dans le nom de « Père » appliqué à la première personne de la Trinité. Il désigne la relation réelle de paternité en celui qui, la possédant, est constitué par là-même dans sa personnalité. Et par là se trouve vérifiée la seconde condition. Bien plus, rien d’arbitraire dans cette désignation. Car, en Dieu, la paternité est ce qui constitue la personne comme telle ; donc, bien plus strictement qu’aux hommes revêtus de la qualité de pères, le nom de « Père » convient à la première personne divine ; aucun homme n’est constitué dans l’être par sa paternité ; en Dieu, c’est par la relation de paternité que le Père non seulement est Père, mais qu’il est. Billot, De Deo trino, th. xx, § 1. En disant « le Père », on a tout dit de ce qui doit être dit de la première personne. Voir Cajétan, In I* m part., q. xxxiii, a. 2.

A la troisième condition qu’on vient d’exposer, on pourrait objecter certaines expressions de Pères de l’Église, affirmant que le Père engendre et que le Fils est engendré par volonté. Cf. S. Hilaire, De Trinitate, c. m ; De synodis, c. lviii-lix, P. L., t. x, col. 77, 250 ; S. Grégoire de Nazianze, Orat., xxix, n. 6, P. G., t. xxxvi, col. 81 ; S. Grégoire de Nysse, Cont. Eunomium, t. VIII, P. G., t. xlv, col. 773-776. Mais cette formule, uniquement employée pour répondre aux objections des hérétiques, peut conserver, nonobstant la profession de foi dite de Damase (Pater Filium genuit, non voluntate, nec necessilale, sed natura, Denz.-Bannw. , n. 15), une signification très orthodoxe : elle exprime simplement que la génération divine, quoique naturelle et nécessaire, est cependant consciente, sans contrainte, ainsi qu’il convient à tout ce qui touche à la vie intime de l’Être nécessaire, mais indépendant de tout autre être. Voir, sur ce point, saint Thomas, I a, q. xli, a. 2, et les commentateurs. A propos d’expressions analogues, voir Fils de Dieu, col. 2463.

2. Père, nom essentiel. —

Le nom de Père convient aussi à Dieu par rapport aux créatures. Cf. Joa., xx, 17 ; Matth., v, 48 ; vi, 9 ; Rom., viii, 29 ; cf. Joa., xx, 17 ; 1s., lxiii, 16. Or, toute relation ad extra étant commune aux trois personnes, il s’ensuit que cette paternité, subsidiaire, contingente, postérieure en comparaison de la paternité ad intra, est une paternité essentielle, appartenant à Dieu, comme tel. Par appropriation, et en raison de sa paternité personnelle, cette paternité d’essence est attribuée plus spécialement à la première personne, relativement aux créatures. Saint Thomas, I a, q. xxxiii, a. 3.

Cette paternité comporte elle-même divers degrés et acceptions. D’abord, tous les êtres, quels qu’ils soient, parce qu’ils sont un vestige de Dieu, peuvent l’appeler « Père ». Saint Thomas invoque ici Job, xxxviii, 28. Ensuite, la créature raisonnable, image de Dieu par l’intelligence et la volonté, la connaissance et l’amour, a un motif particulier de lui donner ce nom. Deut., xxxii, 16. Mais c’est encore l’ordre naturel, dans lequel l’homme ose à peine adresser cette dénomination à son Créateur. C’est dans l’ordre surnaturel, à cause de la filiation adoptive par la grâce, qu’avec plus de vérité l’homme peut appeler Dieu son Père. Rom., viii, 16. Enfin, la similitude divine, dans la gloire de la vision béatifique, donnera à notre filiation son plein épanouissement. Rom., v, 2. Saint Thomas, loc. cit.

L’inengendré.


1. Inengendré, c’est-à-dire ne procédant d’aucune autre personne, nom propre du Père. —

Ce sens doit être bien déterminé. Car le terme « inengendré « est susceptible de trois significationi différentes : ou bien incréé et, dans ce sens, il s’applique aux trois personnes ; ou bien, n’émanant pas par voie de génération et, en ce sens, il convient aussi au Saint -Ksprit ; ou bien, enfin, ne procédant d’aucun autre il d’aucune manière et, en ce sens, il devient un nom propre du Père. Ces sens différents doivent être retenu ! quand il s’agit d’interpréter certains textes anciens. Voir la remarque de saint Cyrille d’Alexandrie contre les ariens, Thésaurus, assert, i, P. G., t. lxxv, col. 23.

Primitivement, la terminologie catholique a eu, sur ce point, des hésitations. On employait assez couramment l’un pour l’autre les termes àYÉwrçToç, « non engendré », et à.yévqx<jc_, « non fait », « non créé Cf. Th. de Régnon, Études sur la sainte Trinité, t. m. p. 185-259, étude xvi, L’innascible ; P. Stiegele, / a AgennesiebegrifJ in der griechischen Théologie des IV. Jahrhunderts, Fribourg-en-B., 1913 ; L. Prestige.’AyÉv[v]y)toç and yev[v]7)t6ç, and kindred words, in Eusebius and the early arians, dans The journal oj theological studies, t. xxiv, 1923, p. 486-496 : J. Lebreton, Histoire du dogme de la Trinité, t. ii, note C, p. 635-647, voir également, à la table, les références à fgnace, Justin et Irénée, p. 690. Il faut donc faire attention à la double acception possible du mot « inengendré » pour interpréter correctement plus d’un ancien texte. C’est au sens d’ « improcessible » que le Père doit être dit inengendré. Cf. Jean Damascène, De ftde orlhodoxa, t. I, c. viii, P. G., t. xciv, col. 817. Ainsi, le Père doit être dit ingenitus ; le Fils, genilus ou unigenitus ; le Saint-Esprit, non genitus, sedprocedens.

2. Consécration de ce terme dans les symboles et documents du magistère. —

Symbole d’Athanase, Denz.-Bannw. , n. 39 ; I er conc. Tolède (Pastoris libellusj. ibid., n. 19 ; XIe conc. de Tolède, ibid., n. 275 ; Symbole de Léon IX, ibid., n. 346. Voir un excellent exposé dans saint Anselme, Monologium, c. i.vi, P. L.. t. clviii, col. 303 sq.

Saint Thomas, III a, q. xxxiii, et les commentateurs. Nous avons suivi plus particulièrement Billot, De Deo trino, th. xix-xxi ; Hugon, Le mystère de la 1res sainte Trinité, IIe part., c. n ; L. Jansscns, Tractatus de Deo trino, part. III, sert, i, memb. i. — Voir également D. Petau, Ce Trinitate, 1. V.

A. Michel.


PÈRES DE L'ÉGLISE. — On désigne par ce terme des écrivains ecclésiastiques de l’antiquité chrétienne, considérés par l’Église comme des témoins particulièrement autorisés de la foi.
I. Notion.
II. Autorité (col. 1198).
III. Disciplines qui en traitent(col. 1199).
IV. Histoire sommaire de ces disciplines (col. 1202).
V. Renseignements d’ordre pratique (col. 1210).

I. Notion. —

Le nom et son emploi.


Quoi qu’il en soit de l’emploi antérieur du nom pour désigner soit les évêques, en tant que tels, soit les niaîtres de doctrine, on peut dire qu’à partir de la seconde moitié du ive siècle l’expression « Pères » (au pluriel) a très sensiblement la signification que nous donnons aujourd’hui aux mots « les Pères de l’Église ». Entendons par là un groupe plus ou moins nettement circonscrit de personnages ecclésiastiques appartenant au passé et dont l’autorité est décisive en matière de doctrine. Cette autorité ne leur vient pas seulement de leur âge, elle n’est pas simplement l’autorité particulière de tel ou tel, elle résulte de l’accord de ces personnages entre eux. « Ce que nous enseignons, écrit saint Basile, ce ne sont point les résultats de nos réflexions personnelles, mais ce que nous avons appris des saints Pères, âmp roxpà tô>v àytoiv naTÉptov o’zSiS&yiJ.zBot.. " ^e t enseignement, c’est celui des Fércs réunis à Nicée. Epist.. cxl, 2, P. G., t. xxxii, col. 588,