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PECHAM. VIE


vêque et au synode, prêt à se tenir, une lettre datée du 27 septembre, aussi concise que brutale : « Si vous tenez à vos baronnies, ne vous mêlez pas de ce qui ne regarde que la couronne, le roi et l’État. » Nonobstant ces menaces, le synode s’assembla et, en confirmant de nouveau le décret du concile de Londres de 1268, rappela les statuts de celui de Lambeth de 1261 et ordonna l’exécution, d’ailleurs gravement obligatoire, des constitutions du dernier concile général de Lyon. Ce fut précisément cette remise en vigueur des décrets du synode de Lambeth de l’année de 1261, qui fut désagréable au roi. On y établit d’autre part 27 nouveaux capitula, sur d’autres points de discipline. Le concile se termina le 10 octobre 1281 et, le 19 du même mois, l’archevêque punit les abbés et les prieurs, en particulier les exempts, qui, ayant été convoqués au concile, avaient refusé de s’y rendre ^ous prétexte d’exemption. Le 2 novembre suivant, il adressa au roi une lettre courageuse en réponse à celle que ce dernier lui avait écrite. Il exhortait son souverain à abroger les lois injustes et oppressives pour l’Église, parce que toutes les lois doivent être en harmonie avec les décrets des papes, les statuts des conciles et les sanctions des Pères.

Le 15 février de l’année suivante, 1282, Pecham tint à Londres un autre concile, auquel les évêques de Londres et de Rochester assistèrent seuls. Tous les autres étaient représentés par des procureurs. Cette assemblée fut convoquée sur l’ordre donné par Martin IV aux évêques anglais de s’employer à faire délivrer le chapelain du pape, le comte Amaury de Montfort, prisonnier des Anglais depuis 1276, avec sa sœur Éléonore, qu’il conduisait au prince Llewellyn de Galles, son fiancé, en guerre alors avec l’Angleterre. Dès le mois de janvier, le roi Edouard, ayant vaincu Llewellyn, lui renvoya sa fiancée. Quant au comte Amaury, le roi ne lui rendit la liberté qu’après de nouvelles instances des papes Nicolas III et Martin IV et sur l’avis du synode de Londres de 1282.

L’archevêque de Cantorbéry tâchait de s’assurer de l’application et de l’observation des statuts portés dans les différents conciles par la visite des diocèses et des monastères d’une grande partie de l’Angleterre. Ainsi, en 1279, on le trouve dans les diocèses de Coventrc et Lichfield ; en 1280, en celui de Norfolk ; en 1281, à Chester et Wales ; en 1284-1285, à Lincoln et Ély.

La plus importante visite fut celle que le primat eflectua, en 1282, dans le Pays de Galles, qui était en lutte armée avec l’Angleterre et fort éprouvé matériellement et moralement. Cette visite tint lieu de synode provincial alors impraticable. En s’occupant du bien spirituel de ce peuple, il travailla ardemment à rétablir la paix. On possède les recommandations écrites qu’il adressa au peuple (le Galles et à son prince Llewellyn. Nous avons aussi deux autres lettres du primat a l’évêque de Londres contre les Gallois et une commission donnée au doyen d’Hereford pour les excommunier. Après la déroule des révoltés du pays de Galles, Pecham rappela fortement au vainqueur, Edouard V, l’obligation de réparer les maux causés par la guerre et de respecter les droits de l’Église galloise. Il promulgua aussi des ordonnances qui, encore qu’elles ne puissent être considérées comme des décisions d’un concile provincial, s’en rapprochent par leur contenu et sont très importantes pour l’histoire de l’Église en question. Elles se trouvent dans deux lettres d’information adressées par l’archevêque aux évêques suffragants de Saint Asaph (28 juin 1284) et de Saint David i i oui 1284). Dans ses nombreuses visites pastorales, Pecham voulait se rendre compte de l’étal des cathédrales, des monastères, des auires églises, ainsi que de la régularité du clergé et

des mœurs du peuple. Les monastères surtout avaient besoin de réformes, et il leur en imposa de salutaires.

Son zèle pour l’application des lois disciplinaires se montrait partout et en tout. S’agissait-il de défendre les prérogatives de son siège archiépiscopal et primatial, il savait le faire avec la plus grande fermeté. C’est ce dont s’aperçurent le monastère de Saint-Augustin à Cantorbéry et l’archevêque d’York qui se faisait précéder de la croix dans la province de Cantorbéry. Il s’opposa à l’évêque de "Winton, Richard de la Mare, parce qu’il jouissait de deux bénéfices à charge d’âmes. Il lutta pour la liberté de l’Église d’Hereford contre l’évêque Thomas de Cantalupe, élevé plus tard au rang des saints, auquel il créa beaucoup de difficultés et que même il excommunia. L’archevêque se montra-t-il trop autoritaire dans ses rapports avec les autres prélats et poussa-t-il trop loin son zèle pour les réformes ? Il est permis de le penser, puisque ces derniers en ont appelé plusieurs fois à Rome et qu’en 1282 déjà, ils avaient rédigé contre lui trente et un chefs d’accusation. Pecham, dans une pensée de paix, sut faire cependant de légitimes concessions. Néanmoins, la cause fut déférée à Rome. Mais il paraît que les explications du primat furent jugées satisfaisantes. Du moins on ne voit pas que l’affaire ait eu d’autres suites. Peut-être y aurait-il lieu de croire que c’est à cette époque que Pecham composa son Apologeticon et Y Apologie des statuts synodaux.

L’archevêque de Cantorbéry n’avait pas non plus d’hésitation dans la procédure à entreprendre. Les juifs de Londres avaient violé les règlements en faisant élever chez eux des synagogues : il écrivit a l’Ordinaire de leur intimer l’ordre de les détruire, avec défense d’en construire d’autres ; ils devaient se contenter de l’unique synagogue commune à tous. Sur le désir d’Edouard I er, un concile célébré à Westminster en 1290, décréta l’expulsion de tous les juifs indistinctement. Ce ne fut que sous Charles II qu’on leur rouvrit l’Angleterre.

D’autres difficultés, non moins graves, furent créées à l’archevêque de Cantorbéry par les dominicains anglais qui, en 128 1-1285, l’attaquèrent publiquement. Le 18 mars 1277 (onze jours après les condamnations parisiennes du 7 mars), Robert Kilwardby, O. P., alors archevêque de Cantorbéry, avait condamné 30 propositions (4 in grammaticalibus, 10 in logicalibus et 16 in naturalibus), dont plusieurs atteignaient l’enseignement de Thomas d’Aquin sur l’unité des formes substantielles, ou mieux sur la composition des corps en général. En 1284, Jean Pecham renouvela les censures de Robert Kilwardby touchant certaines propositions qui paraissaient malsonnantes. Il cita égale ment devant son tribunal Richard Knapwell, O. P., qui, soutenu par son provincial, refusa d’y comparaître.

Après la visite de l’archevêque à Oxford, en 1284, le prieur provincial des dominicains d’Angleterre, Guillaume de Hotham, attaqua publiquement Pecham à propos des intentions et des consultations du primat Ce dernier mit la question au point dans diverses lettres adressées au chancelier et aux maîtres d’Os ford(7 décembre 1284). aux cardinaux Mathieu Orsini. Ordonius et Jérôme d’Ascoli (1 « janvier 1285) et à que île Lincoln (l or juin 1285). Ces lettres, dans lesquelles il est principalement question de l’opinion de l’unité des formes, l’archevêque les écrivit < non pour reprocher à l’ordre des prêcheur* les Jactances de certains particuliers, mais pour repousser l’opprobre

des mensonges que son innocence ne méritai ! |

Au dominicain anonyme qui lui reprochait d’atta rpjcr l’Aquinate après sa morl en combattant l’unité des formes soutenue par tout son ordre, Pecham riposte qu’a Paris lui. franciscain, était seul à lui tendre