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PÉNITENTIKLS. LA HÉFOHME CA ROLI.N (i I K N I.


.’(. Les tripartites. — Deux auteurs francs ont exploité, avec une égale diligence, les trois séries : leurs œuvres sont aujourd’hui connues sous les noms de Sangallense triparlitum et de Capitula judiciorum.

Le premier, contenu dans le ms. 150 de Saint-Gall et publié par S., t. ii, p. 177, s’ouvre par une instruction : qualiler suscipi debeant pénitentes ; puis, selon un plan à peu près uniforme, au moins dans sa première moitié (homicide, fornication, parjure, vol), 10 judicia canonica, 38 judicia Theodori et 32 judicia Cummeani sont, en trois parties successives, aboutés. Finsterwalder, op. cit., p. 53-61, a fait remarquer la variété, malgré le parallélisme de plan, des cas visés dans les trois parties : l’auteur du Sangallense triparlitum n’offre point au confesseur une option entre plusieurs peines ; il a lui-même choisi, dans les diverses séries, les tarifs qui lui ont semblé opportuns.

Les Capitula judiciorum, conservés en plusieurs manuscrits et que V. a édités d’après le ms. 2223 de Vienne, S., d’après le ms. 1349 du Vatican (S., t. ii, p. 217) sont conçus selon une autre méthode. Dans le cadre de chacun des 35 chapitres, les textes canoniques, théodoriens, cumméaniens sont successivement allégués. C’est, de beaucoup, le plus important des tripartites, que l’on considère son contenu ou l’influence qu’il a exercée.

Les trois séries ont été identifiées par P. Fournier dans le pénitentiel de Mersebourg (W., p. 387 ; S., t. ii, p. 358) : les can. 1-52 proviennent de Colomban et de canons conciliaires ; les can. 53-88, de Cumméan ; les can. 89-169, de Théodore.

C’est dans la même catégorie des tripartites, ou si l’on veut des composites — car les emprunts ne sont point annoncés — qu’il faut ranger le pénitentiel contenu dans le ms. E. 15 de la Vallicellane que S. appelle Vallicellanum I et qu’il considère comme le plus romain des pénitentiels (t. i, p. 227-342). L’ordo (Cum venerit psenitens) et l’instruction (Quotiescunque christiani) sont suivis de 133 leges canoniese, où P. Fournier a relevé 42 textes d’origine celtique et 33 théodoriens, et reconnu, en fin de compte, un remaniement du pénitentiel de Mersebourg.

Tous ces pénitentiels ont vraisemblablement été composés dans la seconde moitié du viiie siècle, par des clercs francs ; les deux derniers, où figure un texte lombard, ont peut-être pour patrie l’Italie du Nord, et l’on a supposé qu’ils y furent compilés après l’expédition de Charlemagne contre les Lombards.

Valeur des pénitentiels de la seconde période.


Vers la fin du viiie siècle, innombrables sont les pénitentiels qui circulent dans tous les pays d’Occident ; infinie est donc la variété des peines infligées par les confesseurs. Le péril qui en peut résulter pour la discipline est évident.

D’abord, la gravité des péchés (dont beaucoup sont en même temps des délits) est devenue incertaine puisque la sanction change d’un lieu à un autre, et parfois dans une même Église. Pis encore : ce qui est péché grave dans le droit romano-franc passe parfois pour licite au jugement de Théodore ; nous l’avons remarque au sujet des règles du mariage. Enfin, la pente du laxisme conduit les auteurs de pénitentiels à des adoucissements du tarif ordinaire, à de faciles offres de commutations : par « miséricorde », par « humanité », ils réduisent à quelques mois les anciennes pénitences viagères. Et, pour la commodité de tous les pénitents, se généralise le bénéfice des rédemptions, qui sont parfois d’une indulgence imprévue, comme on le voit au De arreis. Voir ci-dessus, col. 872 sq.

Toutes ces faiblesses ont une cause unique : l’arbitraire individuel. Au lieu d’être formulées par des législateurs compétents et soucieux de la tradition,

les tarifs pénitentiels sont issus de la loi authentique sans doute, mais aussi de la coutume et de la jurisprudence, transcrites librement. Les insulaires ont « suppléé » le législateur défaillant, les pénitentiels trahissent une crise de la hiérarchie, de l’autorité. La réforme carolingienne devait leur porter un coup violent.

III. La réforme carolingienne.

Les désordres que nous venons de signaler inquiétèrent foi terni nt les évêques, dès le début du ixe siècle. Nous en avons la preuve dans les décisions des conciles. Aux pénitentiels anonymes, qu’ils dénonçaient, ils tâchèrent de substituer des recueils formés uniquement de canons authentiques. La réaction épiscopale et les nouvelles œuvres doivent être successivement étudiées.

1° La réaction épiscopale. - - Les conciles réformateurs de 813 se sont occupés de la pénitence, pour tenterde rétablir la pénitence publique (Arles, can. 20 ; Reims, can. 31), la liberté de jugement du confesseur (Reims, can. 16), l’esprit de pénitence (Chalon, can. 35 et 36) et la sévérité des sanctions canoniques (Chalon, can. 34) : autant d’atteintes au règne des pénitentiels qui ont multiplié les peines privées, mécaniques et douces. Le concile de Tours les vise expressément, pour recommander (can. 22) l’usage du meilleur d’entre eux, ce qui signifie sans doute, le plus conforme aux canons, et le concile de Chalon pour les proscrire (can. 38) : Modus autem psenitentuc peccata sua confileniibus aut per antiquorum canonum institutionem, aut per sanctarum scripturarum auctoritalem, aut per ecclesiaslicam consuetudinem… imponi débet, repudiatis ac penitus eliminatis libellis, quos pœnilentiales vocant, quorum sunt certi errores, incerti auctores… Plus énergique encore, le concile de Paris de 829 ordonne à chaque évêque de rechercher dans son diocèse, pour les livrer au feu, les petits livres appelés pénitentiels, dont les dispositions sont contraires aux canons authentiques et trop douces : Ut codicelli, quos pœnitenliales vocant, quia canonicæ auctoritati refragantur, pœnitus aboleantur (can. 32). En 847, le concile de Mayence adoptait (can. 31) le texte du can. 38 du concile de Chalon, presque intégralement. Les expressions d’Ebbon, archevêque de Reims, dans sa lettre à Halitgaire, évêque de Cambrai, celles de Rodolphe, archevêque de Bourges, dans le prologue de ses Capitula sont aussi vigoureuses et plus précises : ils déplorent la confusion, la variété, les divergences des prescriptions contenues dans les pénitentiels. W., p. 78 sq. ; Fournier-Le Bras, op. cit., t. i, p. 98-100 ; Vering, dans Archiv fur katholisches Kirchenrecht, 1873, p. 216 sq.

Les nouvelles collections.

Le dessein des réformateurs

est de substituer à ces manuels décriés des collections de textes authentiques.

Il en était deux, excellentes, qui, depuis les dernières décades du viiie siècle, avaient supplanté les anciennes collections indigènes ou insulaires : la Diomjsio-Hadriana et Vllispana. Fournier-Le Bras, op. cit., p. 94-93 et 100-103. Mais la première était archaïque et peu maniable, la seconde, moderne et assez facile à consulter grâce à la Table, ou aux Excerpla, plus commode encore sous la forme systématique, n’offrait les textes pénitentiels que dispersés au milieu de trop d’autres textes. Rassembler, dans des cadres fournis par les Excerpta, les textes pénitentiels de la Diomjsio-Hadriana, supplémentés par YHispana : telle fut l’œuvre accomplie par l’auteur de la Dacheriana. Spicilegium de d’Achery, l re éd., t. xi, p. 1 : 2e éd., t. i, p. 509. Maassen, Geschichte der Quellen und der Literatur des can. Rechts, p. 848 sq. ; Fournier-Le Bras, op. cit., t. i, p. 104 sq. (avec bibliographie récente, où sont indiqués mes articles sur a.Dacheriana).

De cette collection très importante, seuls la pré-