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PÉNITENTIELS. LES ORIGINES


complètement bridée, fut donc limitée par de nombreux précédents.

Histoire des recherches et des controverses relatives aux pénitentiels. — Dès le xvie siècle, Antoine Augustin fit place à Théodore et à Bède dans son analyse des collections occidentales. Pierre Pithou leur adjoignit Raban Maur, dont il croyait que le faux Isidore avait alimenté l’œuvre pénitentielle. L’édition des grands recueils commença au cours du xviie siècle par les soins de Patrice Fleming, de dom Luc d’Achery, de dom Edmond Martène et de Jacques Petit, pendant que Jean Morin approfondissait l’étude de la pénitence. Mais il ne s’agit là que de publications et de recherches fragmentaires. L’étude scientifique et complète des pénitentiels n’a été entreprise qu’au xixe siècle.

Theiner avait eu l’intention de préparer un Corpus, il ne fit, d’ailleurs, que l’annoncer dans ses Disquisitiones criticee. Mais, peu de temps après, s’ouvrit le cycle des grands travaux scientifiques. Wasserschleben préluda, dans ses Beitràge zut Geschichte der vorgratianischen Kirchenrechtsquellen, 1839 ; Kunstmann, Die lateinischen Poenitenlialbùcher der Angelsachsen, Mayence, 1844, prit pour base de ses chapitres sur Théodore l’édition Thorpe, dont Hildenbrand devait montrer qu’elle contient un faux Théodore, tandis que le véritable serait dans un manuscrit viennois (2123). Untersuchungen ùber die germanischen Poenilentialbùcher, Wurzbourg, 1851. Ces deux ouvrages de Wasserschleben et de Hildenbrand font une place à Bède, le second à Cumméan et au Peenitentiale romanum.

La même année que le livre de Hildenbrand, paraissait un riche recueil de textes : Die Bussordnungen der abendlândischen Kirche, de F.W.H. Wasserschleben. Dans son introduction, cet auteur traçait l’esquisse du développement des pénitentiels. Il plaçait leur berceau dans les cloîtres insulaires, leur apogée au temps de Théodore. Comme ils expriment l’usage celtique ou anglo-saxon, voire même l’opinion de leur auteur quant à la répression de chaque faute, leur triomphe fut celui d’un particularisme dans le sein de l’Église universelle. Ces conclusions s’accordaient fort bien avec l’idée très répandue depuis les Centuriateurs de Magdebourg que, dès le haut Moyen Age, vécut et prospéra, chez les Francs, une Église indépendante de Rome. Les pénitentiels sont une des spécialités de cette Église qu’Ébrard appelle l’Église des Culdées ; Loening, tout en détruisant ce mythe culdéen, attribue aux prédicateurs insulaires l’application aux laïques de la pénitence privée, primitivement réservée aux moines.

A ces thèses, Mgr Schmitz en opposa une autre,

i savoir que l’Église romaine, elle aussi, eut ses pénitentiels,

fondés sur les canons, et par lesquels se conserva, s’amplifia, dans la chrétienté entière, le droit authentique de la pénitence. Die Bussbiicher und dir Biusdtsziplin der Kirche, t. i. Mayence, 1883 ; t. H, Dusseldorꝟ. 1898. En réalité, les manuscrits où il croyait trouver cette discipline romaine contiennent, i côté des textes canoniques, une majorité de textes empruntés aux séries insulaires. M. Paul l’onrnier en a fait la preuve dans la Revue d’histoire et de liltérature religieuse (Éludes sur les pénitentiels, 1901 à 1904). Les plus anciens pénitentiels doivent donc être regardés comme des œuvres insulaires et la question esl de savoir comment, dans quelle mesure, avec quels résultats, cet apport de coutumes locales et d’avis individuels s’est inséré dans la tradition catholique.

Le problème n’est plus envisagé dans toute son ampleur que par les historiens de la pénitence ; quant mi historiens dis pénitentiels. leur recherche est depuis trente ans appliquée à l’un ou l’autre de ces

catalogues, ou de ces groupes de catalogues, parmi lesquels le plus important est celui qui se place sous le patronage de Théodore. Nous citerons les monographies au cours de notre exposé. Leur objet principal est de déterminer la genèse et la patrie de chaque pénitentiel. Ce n’est plus sur la part de Rome que l’on met l’accent, c’est sur la part des pays francs et germaniques, au viiie siècle.

Plan de l’article. — Nous aurons, chemin faisant, à prendre parti dans ces controverses, mais nous chercherons surtout à donner une idée claire du développement des pénitentiels. Cinq périodes peuvent être distinguées : I. Les origines qusqu’au milieu du vne siècle). IL L’apogée (650-800). III. La réforme carolingienne. IV. De pseudoIsidore à la réforme grégorienne (850-1050). V. De la réforme à Gratien (1050-1140). Les éditions de Wasserschleben et de Schmitz seront désignées par les sigles W et S. Pour les détails de la bibliographie récente, nous renverrons souvent le lecteur à Van Hove, Commentarium Lovaniense ad Codicem juris canonici, Prolegoniena, 1928, et à Paul Fournier et Gabriel Le Bras, Histoire des collections canoniques…, t. i, 1931 ; t. ii, 1932.

I. La période des origines.

L’Irlande et le pays de Galles fournirent les premiers modèles que Colomban utilisa en Gaule. Nous étudierons successivement ces trois groupes : irlandais, gallois, colombanien.

Pénitentiels irlandais.

 Nous plaçons sous ce

titre le premier synode de saint Patrice, les Canones hibernenses et l’œuvre de Vinnian.

1. Le premier sijnode de saint Patrice.

Le premier synode attribué à saint Patrice (Haddan et Stubbs, Councils and ecclesiaslical documents relating to Greal Britain, t. ii, p. 328) — le second est étranger à notre sujet — pourrait bien avoir été effectivement tenu par l’apôtre insulaire, entre les années 450 et 456. Cf. J.-B. Bury, The life of S. Patrick and his place in historg, 1905, p. 203 sq. ; cf. Hefelc-Leclercq, Histoire des conciles, t. i, p. 888 sq.

Plusieurs de ses canons punissent les fautes des clercs et des laïques ; le plus souvent, la peine est l’excommunication (can. 1, 6, 19, 21, 22, 26, 27, 32) ; l’homicide, la fornication, le recours aux aruspices sont frappés d’une pénitence d’un an (can. 14) ; le vol, de six mois, outre l’obligation de restituer (can. 15). Si la date proposée est exacte, nous sommes en présence du premier avant-coureur des pénitentiels, où les tarifs ont, cependant, une place si réduite qu’il n’est point permis d’appeler pénitentielle la série tout entière. Mac Neill, The ecllic penitentials, 1923, p. 259 sq.

2. Canones hibernenses.

Divers fragments irlandais,

contenus dans les manuscrits 3182 et 12 021 (olim Saint-Germain 121) de la Bibliothèque nationale, ont été publiés par Martène et, sous le nom de Canones hibernenses qui, à notre sens, présente l’inconvénient de suggérer l’idée d’une collection cohérente, par Wasserschleben, p. 136-144.

Dans l’édition de W. voici l’ordre des titres : de disputationè htbernensts sinodi ci Gregorl Nascænt sermo de innumerabilibus pecc.atis (28 canons sur l’homicide, les fautes charnelles, les aliments, tins du ms. 12 021) ; de arreis (ms. 12 021) : canones sriwdi hiberniez et Gregortus Ncuasenus, dans ms. 3182 ou catalogue d’équivalences, c’est-à-dire de peines qui peuvent être substituées ; i celles prévues par les

pénitentiels (Kiinn leer a publié un traité en vieil irlandais sur les arrea, dans la Revue critique. 1894, |i 185 198 ; Cf, dom <.<iiiuaud. Les chrétientés celtiques, Paris, 191 1, p. 276) : Bynodus hibrrnrnsis (ms lui. qui porte 8 canons sur les blessures sanglantes ou non sanglantes faites : ni évftques ; de fec tione (tnt