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PECHAM. VIE


séculier et régulier à l’université de Paris. Il s’est constitué, en effet, un des défenseurs les plus acharnés de l’augustinisme néoplatonicien contre les tendances aristotéliciennes qui, grâce surtout à saint Thomas d’Aquin et à ses disciples, commençaient à gagner un terrain considérable et à s’établir définitivement dans les écoles et les universités. Malgré d’importantes études qui lui ont été consacrées pendant ces dernières années par les savants médiévistes J. Spettmann, O. F. M., A. G. Little, F. Tocco, L. Oliger, O. F. M., A. Callebaut, O. F. M., le card. Fr. Ehrle, F. Delorme, O. F. M., A. van den Wijngært, O. F. M., W. Lampen, O. F. M., D. E. Sharp, etc., le célèbre franciscain est resté encore très peu connu et très peu estimé. Nous tâcherons d’en retracer la biographie et’l’activité littéraire et de déterminer la place qui lui revient dans les luttes entre le clergé séculier et le clergé régulier, ainsi que dans le mouvement des idées de la fin du xme siècle. — I. Vie. II. Œuvres (col. 107). III. Position doctrinale (col. 126). IV. Position dans le conflit entre séculiers et réguliers (col. 134).

I. Vie.

Malgré les nombreux travaux récents,

dans lesquels on s’est efforcé de jeter une lumière plus vive sur la vie de Pecham, on n’a cependant pas réussi à percer définitivement les épaisses ténèbres qui entourent l’existence du célèbre franciscain ni à résoudre tous les doutes qui planent sur plusieurs épisodes de sa vie. Sur de nombreux points les opinions des auteurs restent divisées. Nous nous contenterons de les résumer.

L’orthographe du nom de Pecham montre la variété la plus grande. Les anciens documents, les mss. et les éditions nous donnent tour à tour Peccanus, Pecanus, Pechanus, Peachamus, Peczanus, Petsan, Betsan, Pecranus, Pech, Pesch, Picciano, Piccianus, Pizanus, Pisanus, Chcccano. Adam de Marsch, O. F. M., professeur de Pecham à Oxford, écrit Pescham. Aujourd’hui, on écrit généralement Peckam ou Peckham

— forme inconnue aux anciens documents — ou encore Pecham. Cette dernière forme paraît devoir être adoptée de préférence à la première, tout d’abord parce qu’elle est fondée sur les anciens témoignages et ensuite parce qu’il faut voir très probablement la patrie du célèbre franciscain dans le moderne Patcham, de la province de Sussex, plutôt que dans Peckham, de la province de Kent et de Surrey. Les historiens adoptent généralement Patcham de Sussex, connue lieu natif de Pecham, parce que, dans les environs, se trouve l’abbaye de Lewes, dont notre franciscain écrit : Inter cetera regni Angliæ mona.iteria Lewense cœnobium ideirco cordi nostro est præcordialius commendptum, quo in ipsius vicinio coaluimus a parvo et ab ejusdem pro/essoribus solatia recepimus et honores. Registrum epistolarum fr. Joh. Peckham, éd. Ch. Trice Martin, t. i, p. lvii. Comme il n’y dit point qu’il est né dans cette contrée, d’autres auteurs en concluent qu’il n’est pas impossible que Pecham soit né à Peckham, non loin de Cantorbéry, dans le comte de Kent. Bientôt Pecham ou Pekham devint nom de famille, bien qu’il ne soit pas établi qu’il le fût déjà du temps de Jean Pecham. Dans ce dernier cas, en effet, il ne serait pas nécessaire de le faire naître dans l’une ou l’autre des deux localités susdites,

La même incertitude plane sur l’année de la naissance de Pecham. Tandis que jusqu’ici les auteurs l’ont fait naître généralement vers 1210, le P. W. Lampen (Jean Pecham, O. P. M. et son office de la Sainte Trinité, dans France franciscaine, t. xi, 1928, p. 212-214) propose les années entre 1210 et 1220. s’appuyanl mit une lettre adressée par Jean Pecham à l’évêque de Londres, dans laquelle il appelle saint Thomas Cantilupe, évêque de Ilerford, qu’il avait excommunié i contre-ectur, schotarem nnstrum l’arisius et benefaclo rem præcipuum. Saint Thomas Cantilupe fut donc l’élève et le principal bienfaiteur de Pecham à Paris où il étudia plus d’une fois : d’abord selon un témoin au procès de sa canonisation, in studio Parisiensi fuerat in adolescentia sua, et inceperat ibi in artibus, Acta sanctorum, oct., t. i, p. 544 ; ensuite, après 1245, il y étudia le droit canonique, dont il prit la licence ; enfin entre 1266 et 1273 la théologie. D’après le P. Lampen, saint Thomas Cantilupe fut l’élève et le bienfaiteur de Pecham pendant son premier séjour à Paris. Comme, d’un côté, il est né en 1219, dit-il, et que, d’un autre côté il devait avoir eu au moins 12 ans quand il commença ses études, il doit avoir débuté à Paris vers 1231. Si l’on entend inceperat ibi in artibus de son baccalauréat ou de sa maîtrise, il ne put avoir moins de 21 ans : ce qui nous porte à 1240. Puisque Thomas était magister in artibus en 1240, conclut-il, et que Pecham a été son maître et ne put avoir moins de 21 ans quand il commença à enseigner, il faut donc placer la date de naissance de Pecham entre 1210 et 1220. W. Lampen prouve ensuite que Thomas Cantilupe ne peut avoir été le disciple et le bienfaiteur de Pecham que pendant son premier séjour à Paris. Le deuxième séjour doit être exclu parce que la connaissance du droit canonique de Pecham n’était pas grande. Le troisième séjour doit aussi être exclu, parce qu’à cette date Pecham était déjà franciscain. Or, il est plus probable que Cantilupe fut le bienfaiteur de Pecham, quand celui-ci était encore dans le siècle. De plus il est difficile d’admettre, dit-il, que Thomas, séculier, fréquentait ordinairement l’école du frère mineur. Les appellations : scholaris noster et benefaclor prsecipuus peuvent cependant pleinement se justifier si l’on admet que Thomas Cantilupe fut l’élève de Pecham, pendant son troisième séjour à Paris, entre 1266 et 1273, quand il y était venu pour se consacrer aux études théologiques. Les raisons alléguées contre cette assertion par Lampen ne sont certainement pas décisives.

D’après le témoignage cité plus haut, l’abbaye de Lewis paraît avoir abrité l’enfance de Jean Pecham. Tout en n’excluant point la possibilité des études de Pecham à Paris et même de son admission au grade « le maître ou au moins de bachelier es arts de cette université, comme le soutient le P. W. Lampen, il faut cependant aussi admettre qu’avant son entrée dans l’ordre franciscain il fut étudiant à l’université d’Oxford. Le témoignage d’Adam de Marsh est trop explicite. Voir J. Spettmann, Quelknkritisches zur Biographie des J. Pecham, dans Franzisk. Sludien, t. ii, 1915, p. 180-181. Dans une lettre qu’il écrivit au maître II. d’Angers ou d’Anjou, il propose un autre instructeur privé pour son neveu, à la place de dominas Johannes <ic Pescham scholaris qui, cœlesti succensus desiderio, nuprr fratrum minorum religiosam institulionem intraverit. Il y suivit probablement les leçons d’Adam de Marsh. Qu’il y ait été aussi l’élève de Roger Bacon, c’est douteux et même invraisemblable, puisque Pecham devait déjà avoir quitté Oxford quand Bacon fut rappelé de Paris pour y enseigner. D’après le témoignage de Pecham lui-même dans le Caniicum pauperis, il aurait étudié aussi la logique, la physique, la médecine, les mathématiques, l’astrologie, la magie, la métaphysique, l’éthique, le droit civil et canonique. Mais ces sciences ne pouvant le satisfaire, il les abandonna bientôt pour ne plus s’en préoccuper.

Pecham entretint probablement de chaudes relations avec les frères mineurs d’Oxford, principalement BVei Ad.mi de Marsh, qui paraît lui avoir confié l’édu-Cation privée dU QeYeti du maître H. d’Angers, qu’il avait.mit ni peut-être de France lors de son retour du concile de Lyon (1245). De la snrtr. Pecham aurait