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PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE. HISTOIRE


réponses, l’élévation progressive des taxes qu’elle percevait, la multiplicité des formalités qu’elle exigeait ; on attaquait le principe même de la Réserve pontificale comme attentatoire aux droits des évoques.

Il ne nous est pas possible d’entrer dans le détail des luttes qui aboutirent à l’une des premières chartes d’ensemble de l’office, la bulle In aposlolicæ du pape Eugène IV. Disons seulement que les membres de la commission de réforme instituée par le concile exprimèrent le vœu que les pouvoirs du grand pénitencier fussent réduits, qu’il ne pût signer les suppliques qu’en présence d’au moins deux des plus anciens membres de la Pénitencerie et d’un docteur en droit canon ; que les pénitenciers mineurs ne fussent désignés qu’après une enquête sur leurs vie et mœurs, et un examen permettant de penser qu’ils étaient aptes à devenir docteurs en droit ou en théologie, s’ils n’étaient encore que licenciés ; que fussent punis de la privation de leur office ceux qui toucheraient des aumônes de leurs pénitents, que le nombre des scriptores fût ramené à 24 et qu’une copie des taxes établies par Benoît XII fût affichée de façon apparente dans les locaux du tribunal.

Eugène IV, qui, à la requête de son grand pénitencier, Jourdan des Ursins, était déjà intervenu le 17 nov. 1431, pour punir de l’excommunication ipso facto ceux des pénitenciers qui solliciteraient ou même accepteraient quelque offrande à l’occasion de leur ministère, publie donc, le 16 octobre 1435, la bulle In aposlolicæ ; il y signalait que les pouvoirs accordés sans plan précis par les papes antérieurs l’avaient été selon que le temps et les circonstances l’avaient exigé ; qu’il en était résulté des répétitions, des contradictions et des obscurités fâcheuses. Aussi voulait-il, en excluant tout ce qui était superflu, et en ajoutant quelques nouvelles concessions, préciser clairement les pouvoirs du grand pénitencier, pouvoirs qu’on ne devait jamais outrepasser sans mandat spécial et exprès de ses successeurs pour des cas déterminés. Cf. Villien, La Pénitencerie, dans le Canonisle contemporain, 1915, p. 499.

Les circonstances exigèrent, paraît-il, les extensions de pouvoir auxquelles avait voulu s’opposer Eugène IV : successivement Nicolas V, Calixte III, Pie II, Paul II les accordèrent et Sixte IV les sanctionna toutes, par sa bulle Quoniam nonnulli, du 9 mai 1484.

Celle-ci témoigne, par son énergie, de la violence des juristes, qui s’en prenaient directement au grand pénitencier, d’ailleurs neveu du souverain pontife (c’était Julien de la Rovère), et ne craignaient pas de déclarer nulles les absolutions et les dispenses, commutations et faveurs accordées par le pénitencier lorsque son chef ne faisait pas mention de la délégation pontificale. Le pape déclare solennellement que l’autorité de son grand pénitencier est une autorité ordinaire, nullement tenue de fournir ses titres, chaque fois qu’elle s’exerce.

Et les pouvoirs de la Pénitencerie s’accrurent encore ; la période qui va de Sixte IV à Clément VII est considérée comme celle où cette intervention acquit sa plus grande importance. La charge de grand pénitencier passa bientôt pour la première de toutes à la curie romaine, et les bulles In Cœna Domini, aussi bien que les registres de taxes (ceux-ci plus encore que celles-là) montrent à quel point les neveux de Sixte IV, Julien et Léonard de la Rovère, qui furent successivement grands pénitenciers, et les trois Pucci, avaient réussi à faire multiplier leurs attributions et accroître leur juridiction.

Le personnel dont ils disposaient était encore plus considérable que celui de la Chancellerie : il y avait un régent, un auditeur, un canoniste, un distributeur, des scriptores au nombre de 27, des baiuli ou caissiers,

des correcteurs, un sigillateur et 24 procureurs. Dei règles diplomatiques très strictes devaient être suivies tant pour la rédaction des suppliques (ce que devaient faire les procureurs) que pour celle des lettres de grâce. Voir P. Chouët, La Sacrée Pénitencerie, p. 90-91.

Les oppositions se ravivèrent au milieu du xvie siècle, et décidèrent Paul III à intervenir dans un motu proprio que la mort ne lui laissa pas le temps de publier, mais que son successeur immédiat, Jules III, fit sien dans la bulle Rationi conyruit du 22 février 1550, donnant à ses prescriptions un effet rétroactif.

Les dites prescriptions marquaient une réaction très nette contre les tendances précédentes : tous les pouvoirs de for externe n’étaient pas supprimés sans doute, mais leur nombre en était sensiblement réduit, et, entre autres, disparaissaient celui de commuer les dernières volontés des testataires, celui de faire l’unio perpétua, celui de supprimer et de transférer des bénéfices, celui de concéder les dispenses matrimoniales in forma graliosa…, etc. C’était un acheminement vers la réforme qui fut l’œuvre de Pie IV et surtout de Pie V.

La réforme de Pie V.

Le premier, dans ses

bulles In sublimi, du 4 mai 1562, et In eligendis, du 9 octobre 1562, posa le principe : Pœnitentiarius vero et ejus officiâtes ea tantum facere et expedire valeant, quæ ad forum conscientise pertinent ; in reliquis officium conquiescat. Itaque a quibuscumque malrimonialibus et aliis dispensationi bus ac absolutionibus et declarationibus, nec non quibusvis aliis expeditionibus forum, quod aiunt fori, mixtum vel separatum quomodolibet respicientibus omnibus abstineant. Alioquin, … ea nulla et irrita sint ac nemini suffragentur. Suivait la liste de 21 faveurs qui échapperaient désormais à la juridiction de la Pénitencerie.

Pie V alla plus loin encore. A l’instigation certaine du cardinal Charles Borromée, son grand pénitencier, il publia le 18 mai 1569 les bulles Ut bonus, In omnibus rébus et In earum rerum.

La première limitait encore les pouvoirs du grand pénitencier et de ses ministres : dorénavant, seules étaient de sa compétence les affaires relevant du for interne ; la seconde organisait sur de nouvelles bases les bureaux de la Pénitencerie ; il ne devait plus se trouver sous la direction du grand pénitencier que dix employés : un régent, un dataire, un correcteur, un maître de théologie, un docteur en droit, deux procureurs, deux copistes, et un sigillateur ; et les fonctions de chacun, ainsi que la méthode de travail qu’ils devaient suivre, étaient nettement expliquées. La troisième disposait des fonctionnaires enlevés à la Fénitencerie en faveur de la Chancellerie et de la Daterie, à qui revenait la charge d’expédier toutes les affaires relevant du for externe. La réforme était donc radicale, amenant la Pénitencerie à n’être plus qu’un tribunal préposé aux affaires de conscience.

Elle l’était peut-être trop, et Sixte V la jugea sans doute telle, puisque, le 22 janvier 1588, par la bulle Immensa, ce pape réorganisa la curie romaine et fit quinze parts de la juridiction pontificale au for externe, ainsi répartie entre autant de commissions cardinalices, congrégations ou offices : le grand pénitencier fut désigné pour faire partie de la Signature de grâce, en raison de la circonspection qui s’imposait dans la distribution des faveurs, demandées de partout et en grand nombre à ce bureau.

Mais ce ne fut pas sans quelque inconvénient, puisque, en 1634, Urbain V 1 1 1 et, en 1 692, Innocent XII, intervinrent pour enlever au grand pénitencier les pouvoirs que celui-ci s’arrogeait de nouveau en matières de for externe sous couvert du bref obtenu, le 10 avril 1591, du pape Grégoire XIV.