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PÉNÏTENCERIE APOSTOLIQUE. HISTOIRE


I. HisToiiu :. - - 1° Les origines. Si l’on sail que, dès le iie siècle, il y cul certainement auprès du souverain pontife (comme il Y avait aussi déjà auprès des éveques) « un vicaire pour le spirituel. chargé d’absoudre de leur peine, et peut-être de leur faute, les grands pécheurs, qui, de fait, sinon toujours de droit, s’adressaient à lui pour se réconcilier avec l’Église, on peut en conclure simplement que, dès cette époque, il y avait auprès du souverain pontife un pénitencier, tout au plus, le précurseur moderne des pénitenciers de Rome, non point, comme le voudrait le cardinal de Luca, le précurseur du grand pénitencier et du tribunal de la Sacrée Pénitencerie. Car il apparaît bien qu’à l’origine le pénitencier pontifical avait bien pour fonction essentielle d’absoudre a culpa les fautes dont le pape, en tant qu’évêque de Rome, s’était réservé l’absolution, ainsi qu’avaient fait bien d’autres évêques : et c’était là une attribution de for interne. Mais, très rapidement, il dut recevoir le pouvoir d’absoudre également a pœna les coupables qui avaient encouru des châtiments d’une particulière importance en raison des fautes commises : et cela était une attribution de for externe.

Il apparaît ainsi que, de bonne heure, avant même que les papes ne centralisent autour d’eux, comme ils l’ont fait dans la suite, les divers rouages de l’autorité ecclésiastique, et avant même qu’ils aient institué des réserves générales quant à la faute et quant à la peine, des évêques, pour marquer d’une particulière réprobation certaines fautes, et faire redouter davantage les peines qu’ils infligeaient eux-mêmes, envoyèrent à Rome, pour être absous par le pape (si celui-ci le jugeait bon) et de la faute et de la peine, les grands pécheurs de leur diocèse. Cf. ci-dessus, col. 864, 897.

Et cela explique comment, très rapidement, le pénitencier pontifical ne fut pas seulement chargé d’absoudre a pœna et a culpa les fidèles du diocèse de Rome, mais aussi ceux de la catholicité tout entière, comment ainsi, à ses premiers pouvoirs de for interne, s’ajoutèrent très rapidement des pouvoirs de for externe ; c’était la conséquence des réserves a culpa et a pœna dans le genre de celle, particulière il est vrai, qu’établit le pape Grégoire le Grand à la charge de l’archevêque Jean de Larissa en 592, ou de celles que mentionne le décret d’Ives en indiquant l’intervention de Grégoire III (731-741) à la prière de saint Boniface.

Plus tard, on verra les attributions de for externe l’emporter nettement sur les attributions de for interne. Ce sera lorsque la centralisation administrative et la généralisation des lois ecclésiastiques auront contribué à donner à l’épiscopat cette idée qu’une faveur, qui correspond toujours à un allégement des obligations qu’entraîne la loi, ne peut être accordée que par l’auteur de la loi lui-même, et donc par le pape.

2° La Pénitencerie jusqu’à la réforme de Pie V. — Dès le xiii° siècle, la Pénitencerie devint une sorte de bureau des menues faveurs du pape ; plus tard, au xvie siècle, avec les délia Rovere, grands pénitenciers et neveux du pape, presque la seule dispensatrice des privilèges, dispenses et faveurs de for externe.

La réaction qui suivra amènera les restrictions d’aujourd’hui et la spécialisation de la Pénitencerie dans les seules affaires de conscience.

Il est possible en tout cas, il est probable même, qu’avec l’accroissement progressif du nombre des réserves pontificales de droit à partir du xi° siècle où nous voyons apparaître la première réserve générale, le pénitencier de l’évêque de Rome ait jugé bon de s’adjoindre quelques collaborateurs, des théologiens et des canonistes pour l’étude des affaires à lui sou mises, puis des Beriptores pour la rédaction des lettres d’absolution.

Mais on ignore absolument a quelle époque commence cette transformation qui se fit insensiblement a mesure que les réserves devenaient plus nombreuses, que la tâche des collaborateurs du pénitencier pontifical devenait plus compliquée et qu’elle exigeait un nombre plus grand de fonctionnaires.

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il fallut un jour que le pénitencier s’entourât d’un nombre imposant de rédacteurs, de scribes, d’enregistreurs, d’expéditeur ! pour expédier les affaires courantes tant de for externe que de for interne, qui constituaient la Réserve pontificale.

En 1208, Odon de Sully, évêque de Paris, le désignait sous le nom de vicarius papa : ’. Un peu plus tard, Grégoire IX parle du pænitentiarius fel. rec. Honorii papæ ; il s’appelait Nicolas de Romanis, pénitencier pontifical de 1205 à 1219 ; il avait succédé au cardinal Jean de Saint-Paul qui occupa la même fonction de 1193 à 1205, sous les papes Célestin III et Innocent III, et qui est signalé par Gérard de Cambrai avec la mention qui confessionrs pro papa tune recipiebat.

Le formulaire publié, en 1892, par Ch. Lea et attribué au cardinal Thomas de Capoue, successeur de Nicolas de Romanis (t en 1243) ne s’explique que s’il y avait, dès cette époque, toute une organisation pour l’examen des cas de for externe ou de for interne réservés à la juridiction pontificale. (Quelquesunes des pièces de ce formulaire prouvent que certains des membres de cette organisation étaient des pénitenciers mineurs.) On voit qu’à cette époque le cardinal pénitencier pouvait absoudre des fautes et censures réservées au pape, annuler les sentences illégales ou injustes, dispenser des irrégularités et des empêchements de mariage, commuer les voeux et en renvoyer l’exécution, concéder des privilèges, expédier des induits et des faveurs, réduire les pénitences imposées par les confesseurs ordinaires, etc.

De plus, il est parlé dans ce document, entre autres choses, des litleræ confessionales, encore appelées confessionalia ou « lettres de confession et d’indulgence ». C’étaient des induits permettant à un fidèle de se choisir un confesseur à son gré, en dehors de celui que lui imposait le droit commun, à une époque où une sorte de féodalité paroissiale avait établi que seul le curé pouvait absoudre ses paroissiens : cette faculté de se choisir un confesseur était accompagnée de celle, pour celui-ci, d’absoudre le pénitent bénéficiaire de l’induit, d’une quantité considérable de cas réservés tant a culpa qu’a pœna, ce qui revenait à la faculté de donner l’absolution avec indulgence plénière. plena remissio omnium culparum et pernarum (le mot « indulgence » n’étant pas employé à cette époque dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui). Le grand pénitencier avait qualité pour accorder au nom du pape de ces lettres de confession et d’indulgence.

Cette organisation était si considérable au milieu du xme siècle qu’au nom d’Hugues de Saint-Chcr. pénitencier pontifical de 1244 à 1264 est accolé, dans h s documents, le titre de pœnitentiarius summus ou celui de Sedis apostolica ? psenitenliarius gencralis.

Brusquement, sous le pontificat de Clément Y. nous apparaît l’importance de cette organisation du pouvoir central ecclésiastique. Le 2 septembre 1311, paraît la bulle Dignum est. adressée au grand pénitencier Bérenger Fredol. Elle n’a d’ailleurs pas pour but d’augmenter le nombre des fonctionnaires de la Pénitencerie, mais de réduire celui de l’une des catégories de ces fonctionnaires, les scriptores. qui sont au nombre de vingt et un ; ils sont insuffisamment rétribués, et il ne saurait être question d’augmenter le