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    1. PÉNITENCE##


PÉNITENCE. LA DOCTRINE DES RÉFORMES

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peines que Dieu permet eu Cette vie par des pénitences volontaires ; mais elle ne peut les imposer en compensations de peines de l’autre vie, car ce serait (ingère mortem wternam noslra compensalione aboleri. Mais à quoi servent donc les pénitences offertes par le pécheur ? Seulement à ceci : hoc fine, non ut sint pretia pro præleritis delictis, sed ut carnem coerceant, ut in posterum minus peccet. Op. cit., p. 408.

Chemnitz a défendu la même thèse après le concile de Trente, Examen de decretis concilii Tridentini, De satisjactione, n. 5 sq. ; n. 16.

Sur la théologie de la pénitence chez Luther, voir J. Kœstlin, Lulhers Théologie, t. ii, Stuttgart, 1883, p. 520533 ; Herrmann, Die Busse des evangelischen Clirislen, dans Zeitsehrifl fur Théologie und Kirche, t. i, 1893, p. 17 sq. ; Lipsius, l.ulhers Lehre von der Busse, Brunschwig, 1892 ; Alfred Galley, Die Busslehre Lulhers und ilire Darslellung in neuester Zeil, Giitersloh, 1891.

/II. les réformés : Calvin, zwixgle. — 1° Calvin. Voir t. ii, col. 1377 sq. La doctrine des réformés est en tout point identique à celle des luthériens.

Le point de départ est le même : le concept de la pénitence dans lequel la terreur de l’âme, en face du péché et de ses conséquences, est antérieure au mouvement de foi qui, seul, constitue la pénitence justifiante. « Quand nous disons…, écrit-il, que l’origine de repentence vient de foy, nous ne songeons pas qu’il faille quelque espace de temps auquel il faille qu’elle soit engendrée ; mais nous voulons signifier que l’homme ne se peut adroitement adonner à repentence, sinon qu’il se reconnaisse être à Dieu. » La terreur qui peut précéder n’est pas la pénitence. Il ne faut donc pas s’illusionner « en ce que plusieurs sont domptez par les effrois de leur conscience, ou induits et façonnez à se ranger au service de Dieu, devant qu’avoir connu sa grâce, mesmes devant que l’avoir goustée. Et c’est une crainte comme on la voit aux petits enfants qui ne sont point gouvernez par raison. » La vraie pénitence, c’est celle qu’ont enseignée les docteurs luthériens, « c’est assavoir mortification et vivification. Et interprètent mortification une douleur et terreur de cœur, qui se conçoit par la cognoissance de péché et le sentiment du jugement de Dieu. Ils interprètent la vivification estre une consolation produite de la foy. » La loi ne peut qu’inspirer la douleur et la terreur du cœur en face du péché ; seul, l’Évangile peut élever plus haut le pécheur. D’où encore, appliquée à la pénitence, la double désignation de pénitence légale et de pénitence, évangélique, la première « par laquelle le pécheur navré du cautère de son péché et comme brisé de terreur de l’ire de Dieu, demeure lié en ceste perturbation, sans s’en pouvoir despestrer » ; la seconde, « par laquelle le pécheur étant grièvement affligé en soymesme, s’eslève néantmoins plus haut, embrassant Jésus-Christ pour la médecine de sa playe, la consolation de sa frayeur, le port de sa misère ». Institution chrétienne, t. III, c. ni, n. 1-4. Corpus reformatorum, t. xxxii, 1866, col. 67-71. La pénitence est donc « une vraye conversion de nostre vie à suyvre Dieu et la voie qu’il nous montre, procédant d’une crainte de Dieu droite et non feinte ». Id., c. iii, n. 5, col. 72. Dans la distinction entre justice légale et justice évangélique, Calvin se réfère certainement aux Articles de Smalkalde, part. III, a. 3, De pœnitentia, n. 7-8, Millier, op. cit., p. 313.

La pénitence n’est devenue, dans l’Église romaine, un sacrement que parce que cette Église a défiguré une « cérémonie ordonnée pour confirmer notre foy de la rémission des péchez et ayant promesse des clefs ». L. IV, c. xix, n. 16, ibid., col. 1095. C’est donc la foi qui agit dans la rémission des péchés ; le sacrement n’existe pas, et cette affirmation permet à Calvin

d’exprimer, en passant, son avis sur Y ex opère operaio des sacrements de l’Église romaine : Jusques icy, je n’ay peu comprendre comment ils entendent que les sacrements de la nouvelle loy ayent une opération si vertueuse. Ibid. Calvin rejette la pénitence comme sacrement, premièrement, veu qu’il n’y a nulle promesse de Dieu, <jiii est le fondement unique de sacrement. .. ; secondement, veu que toute cérémonie qui se pourra icy produire, est pure invention des hommes, comme ainsi soit qu’il ait ia (déjà) été déterminé que les cérémonies des sacremens ne se peuvent ordonner sinon de Dieu. » Ibid., n. 17, col. 1096-1097. La vraie pénitence est le baptême : la doctrine calviniste est plus radicale que le luthéranisme.

Le pouvoir des clefs, pour Calvin comme pour Luther, est non un pouvoir de juridiction, mais un ministère de la parole, l’enseignement de l’Évangile par lequel la foi est suscitée en l’âme du pécheur. Calvin reconnaît qu’il s’exerce en trois sortes de « confessions », « assavoir quand l’Église (le texte latin porte : tota Ecclesia) demande pardon à Dieu avec recognoissance solennelle de ses péchez ; ou bien quand un homme particulier, qui a commis une faute scandaleuse au détriment de l’Église, rend tesmoignage de sa pénitence ; ou bien quand celuy qui a mestier de conseil et de la consolation de son ministre, d’autant qu’il est agité en sa conscience, luy descouvre son infirmité. L. III, c. iv, n. 14, col. 121. Les théologiens papistes ont déformé l’idée du pouvoir des clefs et en ont fait un pouvoir de jugement, réservé au discernement du prêtre, n. 15, col. 123, alors que le seul pouvoir conféré par le Christ est celui de la parole, c’est-à-dire de l’enseignement de l’Évangile. L. IV, c. viii, col. 718 sq. (De la puissance de l’Église.) Et, encore, le Christ avait conféré le pouvoir à tous, indistinctement, et les papistes en restreignent l’usage « à ceux qui sont en offices ecclésiastiques ». L. III, c. iv, n. 15, col. 123.

L’absolution, comme la comprennent les prêtres catholiques — sentence de rémission, faisant suite au jugement prononcé par le confesseur — est donc totalement en dehors de l’institution du Christ. « Ce qui est dit partie de la prédication de l’Évangile, partie de l’excommunication, est mal et sottement destourné à la confession secrette. Et par ainsi que quand ils allèguent que l’authorité de deslier a esté donnée aux apostres, afin que les prestres pardonnent les péchez desquels ils seront informez : en cela ils prennent un faux principe et frivole. Car l’absolution, qui sert à la foy n’est autre chose qu’un tesmoignage prins des promesses gratuites de l’Évangile, pour annoncer aux pécheurs que Dieu leur a fait mercy. L’absolution, servant à la discipline de l’Église, ne concerne point les péchez secrets : mais appartient à donner l’exemple, afin que le scandale soit reparé. » L. III, c. iv, n. 23, col. 136.

La confession auriculaire faite au prêtre n’est pas obligatoire. Les anciens docteurs qui exhortent les pécheurs à alléger leur conscience près de leurs pasteurs n’en ont jamais fait une obligation : « le Maistre des Sentences et ses semblables ont esté si pervers, qu’il semble que du tout de propos délibéré ils se soyent addonnez à livres supposez et bastards pour en faire couverture à décevoir les simples », n. 23, col. 136. Calvin prétend que canonistes et théologiens scolastiques sont en « grande controversie » touchant l’obligation de la confession. Les premiers enseigneraient qu’elle n’est que de droit ecclésiastique ; les seconds, pour prouver qu’elle est de droit divin, « ont autant dépravé et corrompu de lieux de l’Escriture, qu’ils en citoyent à leur propos », n. 4, col. 108. Et Calvin réfute cette prétention des théologiens, n. 6-8, col. 111115. Il montre ensuite en quel sens on peut admettre la confession. En certains cas on peut se confesser