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PAULIN DE VENISE — PAVIE DE FOURQUEVAUX

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PAYS-BAS

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les statistiques prouvent que les colonies hollandaises profitent relativement le moins de cette activité, ou bien parce que les catholiques ont peu de part dans les entreprises coloniales, ou bien parce qu’aucune congrégation n’est d’origine hollandaise, ou enfin parce que la loi défend la prédication de la foi dans certaines parties des colonies où se sont établis des missionnaires protestants et qu’elle met encore d’autres entraves à l’évangélisation des païens.

Aux Indes orientales, les jésuites formaient seuls le clergé jusqu’en 1902, date à laquelle d’autres missionnaires vinrent aux Moluques, qui ne furent appelés à Java qu’en 1923. Il y a un siècle, il n’y avait dans tout ce territoire, 75 fois plus grand que la Hollande, que 5 prêtres, sans frères ni sœurs. Aujourd’hui 250prêtres et plus de 1 000 frères et sœurs travaillent dans ces contrées. Ils sont loin d’être en nombre suffisant ; ces chiffres néanmoins montrent que la Hollande actuelle connaît un véritable élan vers les missions. D’ailleurs, l’évangélisation des indigènes de Java, l’île principale des Indes orientales, n’a été commencée que bien tard, non seulement à cause de l’opposition du gouvernement, mais encore grâce à un préjugé : on croyait les mahométans inconvertissables. Or, pour ce qui est de Java, cette opinion est encore moins fondée que pour d’autres régions, puisque les Javanais ne sont pas au fond de véritables adeptes de l’Islam. La plus grande difficulté consistait à saisir la mentalité d’un peuple qui jouit d’une civilisation séculaire et dont la conscience nationale croît sans cesse. Depuis 1904, Moentilan est le foyer de l’enseignement catholique à tous ses degrés, grâce auquel on a pu former, dès la première génération de convertis, — par une exception bien rare, — des prêtres et des religieux indigènes.

Loin de s’identifier avec l’esprit colonisateur et de se concentrer de préférence sur les territoires officiellement assignés à leurs compatriotes, le mouvement missionnaire actuel se caractérise par son esprit éminemment catholique, écartant, ainsi que Rome le prescrit, les intérêts nationaux. Si l’on peut affirmer qu’il est facile aux petites nations de ne pas trop se renfermer dans leur propre tempérament et leur langue maternelle, ceux-là se trompent qui prétendent que les missionnaires hollandais n’ont pas leur caractère propre ; ils se distinguent particulièrement par ce caractère d’universalité parfaite, qui les rend si disposés et si aptes au but surnaturel de l’apostolat : servir sans faire aucune réserve dans une congrégation quelconque, si étrangère soit-elle à leur nation, et si lointains que soient les pays à évangéliser. L’adaptation systématique, nécessaire au missionnaire, ne lui crée que peu de difficultés : n’a-t-il pas commencé par entrer dans une maison religieuse d’étrangers ? Si la Hollande n’a fait naître chez elle aucune congrégation missionnaire, l’énigme s’explique, d’une part, parce que le Hollandais est de son naturel lent, docile, plus capable de persévérance que d’élans, et que, d’autre part, ce peuple, susceptible de toutes les influences du dehors, et inoffensif à cause de sa petitesse, a une vocation à remplir dans l’Église universelle. Que cette adaptation ne soit pas purement passive, la prospérité extraordinaire de l’Œuvre de saint Pierre le prouve ; à elle seule, elle soutient, grâce aux dons des Hollandais, presque la moitié des séminaristes indigènes du monde entier, bien qu’une petite partie seulement de ces lévites reçoivent leur formation de missionnaires hollandais. Quant à l’art religieux aux missions, on doit à des Hollandais quelques tentatives d’adaptation consciente au style indigène de Java ; c’est aussi un bénédictin hollandais qui a été envoyé par Rome à Pékin pour y construire des églises dans le genre chinois. Jos. Schmutzer et J.J. Ten Berge, S. J., Européanisme ou catholicisme ? Louvain, 1930.

L’œuvre des missions, reconnue comme fonction normale de la vie de l’Église, fait désormais partie du ministère général’des âmes, elle est confiée à l’intérêt actif des fidèles. Dirigée par le clergé, divisée selon les diocèses, elle se trouvait être parfaitement organisée, quand, en 1919, parut l’encyclique prescrivant cette forme d’organisation. Les associations internationales et pontificales forment la base et fournissent les directives pour la formation de l’esprit missionnaire chez les fidèles ; leur développement et leur prospérité se sont déjà fait sentir dans beaucoup d’œuvres particulières de charité. Une paroisse qui ne s’occupe pas des missions étrangères, n’est pas, « comme il faut », il manque à sa vie la respiration du corps mystique du Christ. Aussi, aucun enfant ne quitte plus l’école sans avoir entendu ou vu bien des choses intéressantes relatives aux missions. Les « semaines des missions avec expositions, cortèges, utilisation de tous les moyens : conférences, théâtre, cinéma, étagères-bibliothèques, mettent la cause du royaume de Dieu à l’ordre du jour, tandis que, pendant toute l’année, nouvelles et récits dans les journaux font vivre les fidèles en union de cœurs avec la guerre sainte. Médecins et étudiants, femmes et artistes y prennent le plus vif intérêt. Qu’elle est rassurante enfin pour l’avenir, la parole du cardinal Van Rossum, préfet de la S. C. de la Propagande, disant que dans sa patrie le mouvement missionnaire est loin d’avoir atteint son plein développement. Les zélateurs et zélatrices n’auront point de répit qu’ils ne puissent parler d’un « peuple missionnaire ». Th. M. P. Bekkers, Le mouvement missionnaire contemporain en Hollande, Paris, 1927.

X. Culture intellectuelle.

Le sens pratique du peuple hollandais se reconnaît à ce fait caractéristique que ni le mouvement missionnaire, ni le mouvement liturgique n’ont commencé ni ne se sont jusqu’ici développés scientifiquement. Régénéré des racines de la foi ancienne et nourri par elle, le catholicisme n’y arrive que lentement aux fleurs de l’art et aux fruits de la science. Son peu d’influence sur la culture hollandaise, voilà son faible, qui se manifeste par une disproportion criante avec sa puissance politique. Heureusement, cette insuffisance provoque de plus en plus la critique générale des fidèles. Il n’existe aucun éditeur, aucun libraire d’importance chez les catholiques ; à côté de leurs grands journaux il n’y a pas de place pour des périodiques de la même importance ; malgré leur attachement au pape, ils n’ont jamais pu fournir, conformément au droit canon, un seul évêque ayant les grades universitaires en théologie ou en droit. Au commencement du xxe siècle, il n’y avait qu’un seul professeur d’université qui fût catholique ; maintenant leur nombre dans les universités neutres n’atteint pas encore la vingtaine. Nos coreligionnaires forment à peine 14 % du nombre des étudiants, ce qui est trop peu de la moitié. Annuarium der R.-K. Studenlen, 1930, p. 161.

Pour toutes sortes de professions intellectuelles les hommes de valeur manquent provisoirement ; avant 1900 on attribuait naïvement cette absence au fait qu’ils étaient exclus de ces professions par les noncatholiques. En réalité, la faute de cette situation était plutôt aux catholiques, dont la concurrence était trop faible. Aujourd’hui plusieurs facteurs, tels que les écoles secondaires catholiques, qui préparent les élèves aux études universitaires, les chances nombreuses offertes par la forte position de leur parti politique, surtout le sentiment de confiance en eux-mêmes et de leur reponsabilité, qui s’accroît dans les esprits, concourent à favoriser le rétablissement de l’équilibre à ce sujet. Les salles de lecture et les « universités populaires » catholiques contribuent à la formation d’un public s’intéressant à l’étude.