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PÉNITENCE. L’ÉCOLE NOMINALISTE


a) Sur la pénitence en général, on trouve déjà chez Major l’opinion que la pénitence n’est pas une vertu particulière, mais l’exercice de toutes les vertus. Dist. XIV, q. ni. Comme écho de la doctrine scotiste de la non-existence de vertus morales infuses, Marsile enseigne que c’est un habitas naturel, q. x, a. 1. Cet habitas naturel est distinct des autres habitus. Mcdina, De psenit., tract. I, q. i et ad 4um. L’acte de cette vertu comporte une détestation absolue du péché, Major, q. i, surnaturelle, Marsile, q. xvii ; s’étendant au moins virtuellement à tous les péchés mortels, Médina, q. xii, a. 2, ad 2um. Ce dernier auteur distingue subtilement dolere de peccato quatenus est offensa Dei, et quia est offensa Dei, impliquant, dans le quia seul, l’universalité virtuelle de la pénitence. L’acte de pénitence renferme aussi le propos de ne plus pécher à l’avenir ; propos simplement virtuel chez Major et Almain, dist. XIV, q. i, et Médina, ibid., q. n. Il n’est pas nécessaire que cet acte de contrition, pour être véritable, soit intense ou de longue durée, q. v ; mais il faut que la contrition, considérée en soi, s’étende à chaque péché distinctement, q. in. D’autres disent qu’il suffit de détester les péchés d’une manière générale, quoique indistincte et confuse. Major, dist. XVII, q. m. Quant à l’attrition de pure crainte, Grégoire de Rimini, In II a m Sent., dist. XXVI, q. i, a. 3, ad lum, et Almain, Moralia, tract. I, c. iii, dub. ult., semblent la regarder comme mauvaise en raison de sa fin prochaine.

Ces auteurs admettent généralement que l’acte d’attrition ne saurait devenir acte de contrition. Cf. Médina, op. cit., q. v. Ce théologien toutefois enseigne que l’attrition peut, d’une manière extrinsèque, recevoir de la contrition son honnêteté morale.

b) Effets. — En bons nominalistes, ces auteurs enseignent que le péché mortel peut parfois être remis sans pénitence (cas du martyre et des péchés oubliés). Major, dist. XIII, q. i ; Médina, op. cit., q. ii, ad 3um. L’augustinien Grégoire de Rimini évoque le cas d’un acte parfait d’amour de Dieu sans pénitence formelle. In II am Sent., dist. XVII. On retrouve chez Médina l’opinion d’Occam et de Biel touchant la rémission des péchés mortels, sans aucune pénitence, de potentia absoluta Dei, et sans mutation phv ; ique de l’âme du pécheur. Op. cit., q. vu et xii. Même opinion chez Gerson, De vita spirituali, lect. i, coroll. 9 ; Opéra, t. iii, xli, D.

Sur le fond dogmatique de la rémission nécessairement simultanée de tous les péchés mortels et de la peine éternelle due aux péchés se greffent des questions subsidiaires. Médina opine que, de potentia absoluta, Dieu pourrait pardonner un péché mortel sans les autres. De plus, il lui semble absolument impossible que Dieu remette un péché sans la peine éternelle qui lui est due. Les deux assertions sont conformes à la doctrine nominaliste du péché habituel, lequel n’est plus, on le sait, qu’une relation ad pœnanx. Op. cit., q. vu. Il y a, dans le pardon du péché mortel, changement de la peine éternelle en peine temporelle, op. cit., q. vii, et tract. III, De satisfactione, q. i, et toujours quelque diminution de la peine temporelle, en raison de la libéralité divine et des dispositions du pénitent. Ibid., q. iv.

La rémission des péchés véniels peut être l’effet d’un simple bon mouvement naturel contraire. Généralement tous les nominalistes : Major, dist. XVI, q. i ; Médina, tract. De pœnitentia, q. ni. A l’article de la mort, les véniels sont remis par la grâce finale, dans un acte de charité fervente. Major, dist. XXI, q. m ; Almain, dist. XXI, q. i. Ils sont aussi remis par les sacramentaux, et même ex opère operato, Major, dist. XIII. La reviviscence des bonnes œuvres mortifiées par le péché est aussi l’effet de la pénitence.

C’est aussi une opinion nominaliste, empruntée d’Occam et de Biel, qu’on retrouve chez ces auteurs touchant l’effet direct et immédiat de l’exercice du pouvoir des clefs. Major enseigne que ce pouvoir ne remet ni le péché, ni la peine éternelle, mais les déclare remis. Dist. XVI, q. il ; dist. XVIII, q. i ; Médina admet qu’il remet directement la peine éternelle. Tract. II, De confessione, q. De effectu absolutionis sacramentalis.

c) Nécessité. — D’une manière générale, la pénitence est nécessaire pour tout péché mortel. Major, dist. XVII, q. ix ; Marsile, q. xii, a. 1 ; Médina, op. cit., q. n. Cette nécessité résulte, en principe, de la nature des choses. Major, id., q. ix ; Marsile, q. xii, a. 1, et q. xviii. Mais, sous son aspect positif, le précepte de la pénitence n’oblige pas semper pro semper. Médina, De psenit., q. vi, dub. n ; ni immédiatement, q. vi, sauf à l’article de la mort, a. 1.

D’une manière particulière, le sacrement de pénitence est nécessaire au moins d’une nécessité de droit ecclésiastique. Médina, tract. II, De confessione, q. n. Car bien que le Christ ait conféré à l’Église le pouvoir des clefs, il a pu le conférer comme utile et non comme nécessaire. Aucun texte de l’Écriture n’est démonstratif de la nécessité du sacrement. Toutefois, par une théorie assez obscure, Médina envisage la nécessité du sacrement par rapport à la peine éternelle du péché, qui ne serait pas remise par la contrition. Id., q. iv. En cas d’impossibilité de recourir au sacrement, le désir suffit. Major, dist. XIV, q. n.

d) Essence. — La matière éloignée du sacrement serait pour Gerson, Flores morales, le pécheur lui-même. Il est plus juste de dire, avec tous les théologiens, que les péchés commis après le baptême sont cette matière. Médina, tract. I, De psen., q. n. Les péchés déjà remis peuvent être matière d’une nouvelle confession. Id., tract. II, q. De fructu iterandi confessionem. A rencontre de Scot et de Biel, Médina admet qu’une telle confession est non seulement valide, mais fructueuse. Ibid.

Fidèle à la conception scotiste, Major ne connaît pas de matière à ce sacrement. Dist. XVI, q. i. Marsile accepte néanmoins une certaine composition de matière et de forme, In IV am Sent., q. x ; mais la confession seule est matière, pas la contrition ni la satisfaction. Ibid., q. x, a. 1.

Quant à la forme Ego te absolvo, Médina ne pense pas que des paroles déterminées soient de l’essence de la forme. Tract. II, De confessione, q. De modo confitendi ; à l’opposé, Major estime que non seulement les mots Ego te absolvo, mais la détermination a peccatis tuis, et même l’invocation de la Trinité (pour marquer le caractère ministériel de l’exercice du pouvoir des clefs) sont essentiels à la forme. Dist. XIV, q. n. Le sens de la formule est "je te déclare absous ». Major, dist. XVIII, q. i ; dist. XIV, q. n ; Médina, tract. II, q. De effectu absolutionis. Major estime que la formule peut, en cas de nécessité, être efficace à distance. Dist. XVII, q. i. Jean Gerson a écrit un opuscule en faveur de la forme indicative. Opéra, t. ii, xxxiii, I.

Sans appartenir à l’essence du sacrement, la contrition, en conformité avec les principes rappelés sur la nécessité de la pénitence, est si nécessaire dans le sacrement que, sans elle, le sacrement ne produirait pas d’effet. Major, dist. XIV, q. n ; dist. XVIII, q. n ; Médina, tract. II, q. De confessione ficta iteranda. Cet auteur enseigne même que l’attrition ne saurait rendre valide la confession à l’égard d’un péché oublié. Seule l’attrition vraie, surnaturelle et souveraine est requise pour cette validité. Ibid., q. De confessione iteranda ; Major, dist. XVII, q. ix. En général, pas de sacrement valide et informe.