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PÉNITENCE. LES THOMISTES, DÉHUT DU X Y Ie SIÈCLE


profit quant à la rémission des peines et à l’accroissement de la grâce sanctifiante. Opusc, V, q. iv, p. 75 ; cf. Summula, Absolutio, i, n. 7. Sur la diminution des reliquise peccati, ainsi que sur la reviviscence de la grâce, des vertus et des mérites, Cajétan se réfère simplement à saint Thomas. In 7// ira part., q. lxv, a. 1.

Cajétan doit être considéré comme l’un des meilleurs représentants de l’école thomiste. On l’a accusé, surtout en théologie sacramentaire, d’avoir falsifié la pensée de saint Thomas ; ne serait-il pas plus juste « l’affirmer qu’il l’a mieux comprise que ses devanciers, « ju’il a su séparer, dans cette pensée, les éléments se rapportant aux œuvres de jeunesse, des éléments appartenant à la période de l’âge mûr ? Ainsi, d’une façon plus critique et plus approfondie, le cardinal de Vio aurait reconstitué la véritable doctrine de saint Thomas. A la veille du concile de Trente, il apparaît comme le meilleur interprète de la pensée thomiste et catholique.

François de Vitoria.

 Né à Vitoria, en 1488,

mort à Salamanque en 1546, ce frère prêcheur fut un véritable rénovateur de l’enseignement théologique dans la branche espagnole de son ordre. Voir t. vi, col. 908. Bien que Vitoria n’ait laissé aucun ouvrage sur le sacrement de pénitence, nous possédons ses « rélections », recueillies par un fidèle disciple, Thomas de Chaves, et publiées sous le titre : Summa sacrameniorum Ecclesise ex doctrina Rev. Patris Fr. Francisci de Victoria, Ingolstadt, 1580.

Conformément à sa méthode, Vitoria fonde sa théologie sacramentaire sur une sérieuse base scripturaire et traditionnelle. Il établit que l’Église, dans le sacrement de pénitence, possède un véritable pouvoir atteignant la rémission même des péchés et l’infusion de la grâce, et non pas seulement un pouvoir déclaratif de cette rémission. Six arguments le démontrent : 1. les paroles du Christ aux apôtres, Joa., xx, 23 ; Matth., xviii, 18 ; xvi, 18 ; 2. le pouvoir de lier qui appartient à l’Église implique comme contre-partie celui de délier ; 3. la forme du sacrement ne peut être interprétée dans un sens purement déclaratif ; 4. la rémission des péchés dans le baptême indique dans la pénitence un effet analogue ; 5. toute la tradition a considéré les sacrements comme causes de la grâce ; ti. si le pouvoir des clefs était sans effet sur la rémission elle-même des péchés et l’infusion de la grâce, il faudrait en conclure que la pénitence n’est pas un sacrement. Op. cit., p. 16-20. Une double erreur est à la base de la doctrine opposée : 1. on considère la contrition, de la part du pénitent, comme agissant tellement sur la rémission des péchés, qu’on la considère comme la disposition ultime et nécessaire, entraînant, par une sorte de mérite, l’infusion de la grâce. Cela est contraire à l’enseignement de saint Paul : même si le pénitent présente les meilleures dispositions, l’infusion de la grâce demeure une pure libéralité et miséricorde de la part de Dieu ; 2. mais surtout on considère la contrition comme tellement nécessaire que Dieu ne pourrait pour ainsi dire jamais remettre sans elle les péchés. La vérité est que Dieu a laissé dans son Église deux moyens de rémission des péchés, le repentir et le pouvoir des clefs. Si la rémission s’obtient par l’exercice du pouvoir des clefs, la condition exigée est que le pénitent n’y apporte aucun obstacle du côté de ses péchés, passés ou futurs. Il lui suffit de se repentir pour enlever l’obstacle ; mais ce repentir n’est pas la contrition qui, par elle-même, appelle la justification. Ainsi les Pères de l’Église ont compris le privilège accordé par le Christ aux apôtres d’ouvrir les portes du ciel. D’ailleurs, le concile de Florence a dissipé tout doute, en déclarant que « l’effet du sacrement de pénitence est l’absolution des péchés ». Op. cit., p. 21.

Plus nettement que saint Thomas, Vitoria insiste i

sur les deux moyens d’obtenir la rémission des péchés : contrition et pouvoir des clefs. Il semble même s’éloigner sensiblement de la position thomiste en indiquant, dans la réponse aux objections, que la contrition est plutôt une condition sine qua non de la justification sacramentelle qu’une partie du sacrement. Bien plus, interprétant saint Thomas, III », q. lxxix, a. 3, ad 2um, il insinue que, dans le sacrement de pénitence, comme dans celui de baptême, il suffirait d’une volonté simplement détachée du péché dans le passé et dans l’avenir. Mais, ailleurs, il revient à la thèse courante : la contrition, douleur du péché en tant qu’offense de Dieu, avec le ferme propos de ne plus pécher à l’avenir, est suffisante pour assurer la justification sacramentelle. Mais une contrition qui s’inspirerait exclusivement des craintes de l’enfer ou de tout autre motif, en éliminant le motif de l’offense divine, ne serait pas suffisante. Il admet toutefois la possibilité d’une illusion de bonne foi, et envisage l’hypothèse de la confession valide et informe, devant plus tard produire son effet, recedente fictione. Cf. op. cit., p. 23 ; concl. 119, 120, 158, 159, p. 84, 85, 158-159.

La solution d’autres difficultés lui permet d’affirmer derechef que le pouvoir de délier n’est pas un pouvoir simplement déclaratif, mais un pouvoir agissant. Retenir les péchés, ce n’est pas simplement les déclarer retenus, mais imposer à la conscience un lien à l’égard de ces péchés ( ?) ; mais, même s’il s’agissait ici d’un simplepouvoir de déclaration, le sens obvie des termes indiquerait que le pouvoir de délier est un pouvoir vraiment effectif. Même la rémission du péché par la seule contrition implique encore un recours au pouvoir des clefs, puisque la contrition implique la soumission à l’obligation ultérieure de soumettre ses péchés au prêtre. Op. cit., p. 24.

On le voit, il est difficile de faire une synthèse exacte et logique du système de Vitoria. Bien des hésitations, pour ne pas dire bien des contradictions, s’y révèlent. Mais n’oublions pas qu’il s’agit de simples notes de cours, qui doivent nécessairement se ressentir de leur rédaction de seconde main.

4° Melchior Cano et Dominique Soto. — C’est à peine si nous pouvons placer ces auteurs parmi les théologiens antérieurs au concile de Trente, puisque tous deux y assistèrent. De M. Cano, nous intéressent la Relectio de sacramentis in génère, habita in academia Salmanticensi anno 1547 ; et la Relectio de pœnitenlia habita in academia Salmanticensi, anno 1548 ; de D. Soto, le Commentaire in 7V"m Sent., 1557 et 1559. lequel est plutôt un commentaire sur la deuxième partie de la Ill a de saint Thomas.

En ce qui concerne la doctrine sacramentaire générale, Cano repousse l’ornatus et la disposition ; il dénie aux sacrements toute causalité physique. Cano, on le sait, est un des instigateurs de la causalité morale. Il s’efforce de la présenter comme une causalité instrumentale, répondant au concept que le concile de Trente donne de la causalité sacramentelle. Soto répudie toute causalité intermédiaire donc dispositive ; il rappelle, comme Cajétan, que saint Thomas a, sur cepoint, corrigé dans la Somme l’opinion de son Commentaire sur les Sentences. Mais il reste fidèle à la causalité physique. Cano, Relectio de særarr.entis, part. IV. Vienne, 1754, p. 895 sq. ; Soto, In IV™ Sent., dist. I, q. iii, a. 1, Venise, 1570, p. 18.

Sur la question de la contrition nécessaire, Cano défend avec énergie la validité et l’efficacité de l’absolution, même dans le cas d’une attrition consciente : mais, contrairement â l’enseignement de son maître Vitoria, Cano exige pour cette attrition un acte explicite d’amour. Relect. de psenil., part. VI et part. I, p. 1056, 921 sq. Soto, avec Vitoria, se contente d’exiger une attrition estimée contrition. In I Y am Sent.,