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PÉNITENCE. LES THOMISTES. XIIIe ET XIVe SIÈCLES

’lus et le caractère, qui est toujours conféré, quelle que soit la liction, pourvu que le sujet ait l’intention de recevoir le sacrement. Mais, en l’absence d’obex, l’ornatus animas est produit par le sacrement de pénitence, comme par les autres sacrements, ex opère operato. Loc. cit., a. 3, concl. 2. Bien plus, sa permanence dans l’âme n’est pas obligatoirement un empêchement à la réitération du sacrement : on peut confesser plusieurs fois le même péché ; l’ornatus animes s’en affermira davantage, tandis que le péché en sera de plus en plus efïacé. Ibid., concl. 3.

Pour répondre à l’objection tirée de la contrition, partie du sacrement et de la pénitence intérieure, ornalus ou premier effet du sacrement, Pierre de la Palu reprend la distinction de la double contrition que nous avons déjà rencontrée plus haut. Mais il propose également la solution de saint Thomas (voir col. 977. Dist. XVI, a. 2.

Ces considérations amènent Pierre de la Palu à examiner le cas de la confession accomplie cum fictione, dont saint Thomas s’est préoccupé. Voir col. 190. Il s’agit de déterminer avec précision les conditions dans lesquelles l’ornatus animas est produit nonobstant la fiction et permet à l’effet du sacrement de se produire, recedenle fictione. La bonne foi doit être exigée chez le pénitent. C’est un défaut de contrition universelle ou souveraine, ou encore de ferme propos qui produit la fiction. On peut donc, en évitant des excès opposés, admettre certains cas de sacrement valide, quoique informe, et sauver ainsi mullis modis l’opinion de saint Thomas. Dist. XVII, q. viii, et ad lum et2° m.

L’effet du sacrement, appelé res sacramenti, est tout d’abord la rémission de la faute, ensuite la rémission de la peine. De la rémission de la faute, il est traité à la dist. XVII, q. vu. C’est la doctrine même de saint Thomas, et de l’Église : « La pénitence efface tous les péchés personnels, aussi bien les mortels que les véniels, auxquels on l’applique spécialement, de telle sorte que les mortels peuvent être remis sans les véniels ; un véniel sans les autres véniels ; mais non pas un mortel séparément des autres. » Concl. 1. Traitant de l’effet de la contrition parfaite, notre auteur affirme que la dette du péché est remise par toute contrition parfaite, même d’une faible intensité ; car le péché mortel ne peut coexister avec elle ; autrement, elle ne serait pas vraiment contrition. Dist. XVII, q. i, a. 4, concl. 3. Et cependant demeure pour le pénitent justifié l’obligation subséquente d’accuser son péché pardonné par la contrition, qui n’est telle que par son rapport intime avec la confession et l’absolution désirée. Si la contrition n’est pas telle qu’elle remette par elle-même la faute, c’est l’absolution qui, opérant ce qu’elle signifie, produira cette rémission. Au cas où la rémission serait déjà opérée, l’absolution aura pour effet de fortifier cette rémission en remettant les peines et les suites du péché. Dist. XIX, q. i, a. 2.

Sur la rémission de la peine due au péché, voici comment s’exprime Pierre : « La pénitence change toutes les peines éternelles en peines temporelles ; elle diminue les peines temporelles et même, dans le cas d’une contrition parfaite, elle peut les enlever toutes. » Dist. XIV, q. vii, concl. 2. On trouve ces idées développées dans les dist. XVII (contrition), XIX (pouvoir des clefs), XV (satisfaction). A noter que le pouvoir des clefs s’exerce non seulement en déliant, mais encore en liant, par l’imposition de la satisfaction, laquelle n’est pas laissée à l’arbitraire du prêtre, mais doit être judicieusement proportionnée à la gravité des fautes et au repentir exprimé. Dist. XIX, q. i, a. 3, tertio. Trois articles de la q. ii, dans la dist. XX, sont consacrés aux considérations utiles pour la taxation exacte des satisfactions sacramentelles. En principe, ces pénitences bien proportionnées devraient

remettre toute la peine temporelle ; mais il arrive, pour maintes raisons, que l’équivalence ne puisse être établie ; auquel cas, Dieu y suppléera, soit en cette vie. soit dans le purgatoire. Les conditions d’une bonne satisfaction sont étudiées, dist. XV : on y voit comment l’équivalence relative de la satisfaction par rapport à l’ofïense faite à Dieu lui vient de la valeur infinie des mérites et de la passion du Christ. Dist. XV, q. i, a. 1. On y apprend également que la satisfaction doit avoir un caractère pénal : aliud est facere dignes fructus, aliud fructus dignos pœnitentiæ. Ibid., a. 2. Comme saint Thomas, Pierre de la Palu admet que l’état de grâce est requis pour l’accomplissement de la satisfaction. A. 3, concl. 1. L’accomplissement des œuvres satisfactoires en état de péché mortel est une œuvre morte et ne peut revivre par la confession ultérieure. Ibid., concl. 2. Le pénitent récalcitrant ne peut se libérer qu’en accomplissant la pénitence imposée par le prêtre. Ibid., concl. 3. Les œuvres de pénitence permanentes (aumônes, jeûne, réclusion, macérations corporelles) gardent leur effet, pour des confessions réitérées, ex approbatione et rehabilitatione sacerdotis. Ibid., concl. 4.

Sur la rémission des restes du péché, reliquias peccati, l’auteur s’en tient à l’enseignement classique de saint Thomas. Dist. XIV, q. vii, a. 1, concl. 3. Cf. col. 992. C’est avec la même fidélité aux solutions du maître, qu’il expose la reviviscence des mérites et des vertus. Dist. XIV, q. i, a. 2, concl. 2 ; q. vii, ad 3 UD >. concl. 1.

Signalons une opinion particulière à Pierre de la Palu : la validité d’une absolution prononcée, en cas de nécessité, sur une personne absente. Dist. XVII, q. ii, a. 1.

Sur certaines particularités relatives à l’obligation concernant l’intégrité formelle de la confession, voir t. iii, col. 917-918.

Pierre de la Palu est le représentant le plus qualifié du thomisme au début du xive siècle ; aussi convenait-il d’exposer sa doctrine avec quelque ampleur.

9° Quelques « Summæ confessorum ». — On retrouve la même tradition thomiste dans un certain nombre de Sommes pénitentielles de la fin du xiiie siècle et de la première moitié du xive.

1. Déjà avant la fin du xme siècle, le dominicain allemand Berthold Huenlen composa une Somme en allemand, véritable adaptation de la Somme de Jean de Fribourg. Cf. J. Dietterle, op. cit., Zeitschr. fur Kirchengesch., t. xxvi (1905), p. 67-69. Sur la date approximative de la composition de cette Somme, cf. N. Paulus, Geschichte des Ablasses, t. i, p. 331332. Elle est éditée à Augsbourg, 1495, et Ulm, 1484, sous le titre Summa Joannis Deulsch von Bmder Berthold.

2. Une abréviation de la Somme de Jean de Fribourg a été faite, également vers la fin du xme siècle, par le dominicain Guillaume de Cayeux, Summa confessorum abbreviata, qui se trouve en trois mss., cod. 2486 de la bibl. royale de Bruxelles ; cod. Vatic. lat. 2306 ; cod. H. 207 inf. de la bibl. Ambrosienne. Cf. J. Dietterle, loc. cit., p. 59-61. On y trouve encore la causalité dispositive avec la doctrine de l’efficacité ex opère operato : absolutio sacerdolalis instrumentante/operatur, animam ad graliam disponendo, non ipsam gratiam infundendo. Cod. Vatic, fol. 157 v°. Et le pouvoir de lier et de délier s’exerce comme l’explique Jean de Fribourg, voir col. 998. Sur la confession et les ministres de la confession, pas de différence avec Jean de Fribourg.

3. Nous avons déjà rencontré plus haut, col. 994, Burchard de Strasbourg, à cause de ses affinités avec Pierre Lombard. Sur la confession, même doctrine que Guillaume de Cayeux.