Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/508

Cette page n’a pas encore été corrigée

1001

    1. PÉNITENCE##


PÉNITENCE. LES THOMISTES, Xllie ET XIVe SIÈCLES

1002

ce qu’il faut surtout retenir de son enseignement, c’est la théorie de Vornatus animæ, qui est ici un véritable point de départ dans l’école thomiste.

7° Hervé de Nédellec († 1323). — On s’attachera à la doctrine contenue dans les Quodlibela et surtout dans le 1. IV des Sentences ; bien que commençant seulement à la dist. XIV, il contient toute la théologie pénitentielle d’Hervé. Dans l’enseignement de ce disciple fidèle de saint Thomas, il sera suffisant de relever les points mis en un particulier relief.

On doit tout d’abord souligner l’importance et le développement qu’il accorde, dans le sacrement de pénitence, à la théorie générale de la causalité dispositive : rejetant la conception nominaliste de la causalité improprement dite, qui ferait des sacrements de simples conditions de la grâce ; la théorie scotiste, où les sacrements, tout en étant dits causes effectives de la grâce, ne sont agissant que par une assistance de la puissance divine ; il s’arrête à la conception de la causalité instrumentale dispositive, prenant comme exemple de cette causalité l’amollissement de la cire qui précède et prépare l’empreinte du cachet. Que l’action de l’instrument ne puisse atteindre la grâce elle-même, cela résulte de la nature même de l’acte de toute puissance qui crée la grâce dans l’âme. Or, l’acte créateur ne peut être communiqué à la créature, même au simple titre d’instrument : ici, l’instrument créé peut seulement recevoir de Dieu la vertu de produire une disposition surnaturelle, habituelle à la grâce. In /V’um Sent., dist. I, q. i ; Quodl., VIII, q. ii, ad lum.

L’absolution n’aura donc, dans le sujet, qu’un effet dispositif : l’auteur s’en explique longuement dans le Quodl., VIII, q. xxi, à propos de l’absolution accordée par un inférieur à des péchés réservés à un supérieur. Après avoir discuté différentes solutions, Hervé propose la sienne : l’absolution ne peut, en ce cas, obtenir la rémission d’aucun péché ; car elle ne peut préparer la justification qu’à titre de cause dispositive instrumentale de la grâce. Or, ici, l’inférieur ne peut agir ainsi à l’égard de péchés qui échappent à sa juridiction. Absolulio sacramentalis non pertingit ad remissionem nlicujus peccati nisi operando instrumentaliter et dispositiue gratiam, qu.se causât displicentiam sufpcienlem ad deletionem culpse, quam conlritionem dicimus. Il ne semble pas qu’on doive interpréter l’effet préalable comme une disposition habituelle de l’âme, mais bien plutôt comme un acte de la volonté. Hervé admet que beaucoup (fréquenter multi) s’approchent de la pénitence avec une contrition suffisante pour recevoir immédiatement les effets de la justification.

Une dernière considération de quelque importance concerne la grâce sacramentelle, qui n’est autre que la grâce habituelle, mais en tant que conférée par le sacrement et pour les buts visés dans l’institution du sacrement : potest dici gratia sacramentalis, quia sacramenta causant eam dispositive ; de ralione autem gralise nirtiilum non est quod agant ad eam dispositive sacramenta, sicut patel in his, qui per ipsam suam conlritionem justificantur ante susceptionem sacramentorum, et sicut fuisset etiam in statu innocentiæ, in quo non fuissent sacramenta, fuisset lamen gratia. Ici encore, la pensée d’Hervé s’affirme très nettement sur le caractère dispositif de l’action sacramentelle.

S" Pierre de la Palu († 1312). - Dans son Commen-Inirr sur 1rs Sentences, il faut, tout d’abord, signaler sa conception générale de l’efficacité des sacrements. In fVom Sent., dist. I, q. i. Des quatre Opinions qu’il rapporte, il choisit la seconde, comme étant celle de saint Thomas : 1rs sacrements tonl des causes de la grâce, mais ils n’atteignent pas la réalité même de la grâce ; ils ont pour eflel Immédiat une disposition à la grâce, carat lire sacramentel OU grâce sacramentelle, dis ! i ne le tle hi grâce sanctifiante, ornatus animtr. Et la

raison dernière d’un tel sentiment, c’est que secundum omnes gratia non producitur nisi per creationem. Donc, elle ne saurait être produite par le sacrement, qui est une créature. D’ailleurs, le sujet doit être disposé pour recevoir la grâce ; et le sacrement opère en lui cette disposition, s’il n’y met pas obstacle.

Pierre de la Palu distingue quatre instants dans le processus de la justification : motus liberi arbitrii in peccalum, par la détestation du péché ; motus liberi arbitrii in Deum, par un acte d’amour de Dieu sur toutes choses ; infusion de la grâce et enfin rémission du péché, le tout se réalisant simultanément. La contrition ne saurait être véritable, si elle ne renferme pas le désir de la confession et de la satisfaction. Dist. XVII, q. i, a. 1-6.

Pierre distingue attrition et contrition d’une double façon : du côté de la volonté humaine, l’attrition est une douleur du péché encore incomplète, la contrition est une douleur complète ; du côté de Dieu, la contrition est informée par la grâce, même si la douleur du péché est modérée ; l’attrition, même très vive, est encore informe. Loc. cit., a. 1, concl. 2. L’auteur n’apporte aucun éclaircissement sur les motifs différents, ni sur les rapports de la contrition et de l’infusion de la grâce ; il ne dépasse pas saint Thomas et se contente d’examiner comment on pourrait, à la rigueur, concevoir l’attrition devenant contrition, dans l’infusion de la grâce habituelle. Concl. 3. Pareillement, le problème de l’attrition devenant contrition sous l’influence du pouvoir des clefs demeure tout aussi confus. Si l’on veut en avoir la solution par la thèse de l’auteur sur la causalité des sacrements, on comprend que Morin ait pu compter Pierre de la Palu parmi les protagonistes du contritionisme. Cf. Morin, De contritione et attritione, c. x.

L’enseignement traditionnel sur le sacrement de pénitence est condensé dans les dist. XIV, XVI, XIX. Avec plus de vigueur que ses devanciers, Pierre revendique, contre Durand de Saint-Pourçain et Duns Scot, voir plus loin (qu’il ne nomme d’ailleurs pas), le caractère de parties essentielles du sacrement pour la contrition et la satisfaction. Dist. XVI, q. iv, a. 2-3. Mais, abandonnant quelque peu l’enseignement de saint Thomas, il distingue une double contrition : contrition improprement dite, c’est-à-dire les actes de douleur à l’égard du péché, manifestés extérieurement par le pénitent dans la confession, et cette contrition est seule partie essentielle du sacrement ; contrition proprement dite, c’est-à-dire l’acte informé par la grâce sanctifiante, mais qui est déjà le premier effet du sacrement. Loc. cit., a. 2.

Ainsi parvient-on à l’examen des effets du sacrement de pénitence, que Pierre a exposés, d’une manière relativement abondante, dans la dist. XIV, q. i, a. 2-3. S’appuyant sur la théorie générale de la causalité instrumentale dispositive, Pierre de la Palu enseigne que le res et sacramentum est à la fois Vornatus animæ et la pénitence intérieure ; et il relate trois opinions à ce sujet. Ou bien, Vornatus est aux attriti ce que la pénitence intérieure est aux conlrili ; ou bien’ornatus est la disposition à la grâce sacramentelle et la pénitence intérieure la disposition à la grâce sanctifiante ; ou bien — et il semble incliner vers cet t< explication — chez l’attrit. l’ornatus est la seule disposition à la justification, chez le contrit, la double dis position coexiste. Pour plus de développement, cf. Gottler, op. cit., p. 159. Bn toute hypothèse, I ornatus anima est conféré par le sacrement validement adml nistré. Il existe cependant des cas, dans le sacrement de pénitence, OÙ la fiction est telle (par exemple, absence totale de toute contrition, réticence volontaire d’un péché grave) que l’orno/lU lui même n’est

pas i onféré ; et c’est là une des différences ent re l’orna